La notion de pureté dans la Torah

Notre Parasha, Tazria, édicte les lois de pureté de la parturiente et s’inscrit dans le cadre de ce que l’on appelle habituellement « la pureté conjugale »

Juive de Tanger (photo credit: DR)
Juive de Tanger
(photo credit: DR)

Cela nous permet de nous pencher sur l’une des notions fondamentales du foyer juif et de la tradition religieuse d’Israël : la pureté. Cette dimension de l’être, intimement liée à la sainteté, constitue à la fois l’un des éléments essentiels de l’édifice du judaïsme, et le plus complexe parce qu’elle est majeure dans l’accomplissement et la compréhension de nombreuses autres recommandations toraïques.

Il est deux domaines essentiels dans lesquels la pureté constitue le paramètre majeur : les lois alimentaires et la relation conjugale. Pour les lois alimentaires, l’on ne peut en dissocier le substrat de pureté sur lequel elles reposent : manger ce qui est « pur » afin d’être pur. La sélection rigoureuse que nous avons lue dans la section Shemini, la semaine dernière, démontre de façon évidente qu’il n’est jamais question d’hygiène alimentaire ou de goût culinaire ; le seul critère sur lequel la Torah insiste, est celui de « la pureté » ou de « l’impureté ». Dans les rapports conjugaux, la Torah est également soucieuse que les époux s’unissent dans la « pureté ». Dans ces deux réglementations capitales, la Torah insiste sur l’objectif de la sainteté qu’il y a lieu d’atteindre, parce que Dieu est Lui-Même saint (Parashat Shemini Vayikra XI, Parashat Aharé mot XVIII et Parashat Kedoshim XX). La pureté est donc la clé de la sainteté, la condition préalable pour accéder à la sainteté de l’esprit ou tendre vers elle. Cette préparation est difficile au point que le roi David implore Dieu de lui « créer un cœur pur » afin que son esprit soit affermi pour Le servir (Psaumes LI, 12). Cela signifie que Dieu doit aider l’homme à s’élever, par la pureté et la sainteté, afin qu’il trouve les chemins les meilleurs pour Le servir. La pureté doit être clairement distinguée de la propreté ou de l’hygiène corporelle, bien qu’elle s’y appuie. Elle ne se situe que dans l’esprit, c’est-à-dire à un niveau de conscience élevé de l’être et ne peut être confondue avec aucune règle d’un corps sain.
Une législation complexe...
Contrairement à ce qui est habituellement admis dans la conception catholique, l’ascèse n’est pas voulue en soi et n’est même pas recommandée pour parvenir jusqu’à Dieu qui a créé l’homme avec ses penchants, ses forces et ses faiblesses. Celui-ci, placé au sommet de la Création pour ses qualités et ses vertus qu’il porte en potentiel, doit trouver les ressources intellectuelles et spirituelles pour maîtriser ses instincts et les dompter afin de s’élever au-dessus de l’animal dont il possède bien des caractères similaires. Dans son Messilat Yécharim, Rabbi Moshé H. Luzzatto – le Ramhal 1707-1746 – définit la pureté comme « la réparation du cœur et des pensées » à travers les actes corporels et matériels. L’homme ne devrait profiter de ce monde qu’a minima afin de consacrer toutes ses forces au service divin, et les exemples sont légions de ces grands sages d’Israël qui vécurent une vie de privations, voire même de misère matérielle, mais qui s’épanouirent totalement, grâce à cela, dans le monde de l’esprit considéré comme essentiel pour l’homme ici-bas. C’est la réplique exacte de l’enseignement de Maïmonide dans son Michné Torah.
C’est par sa volonté seule que l’homme peut atteindre des sommets spirituels, en domptant son corps et ses pulsions libidineuses, se démarquant ainsi totalement de tout être vivant poussé par son instinct. C’est là précisément que la législation complexe et fastidieuse de la pureté et de son contraire entre en jeu, en donnant à Israël un ensemble de règles précises lui permettant de s’élever et de se démarquer du reste de la Création.
... Au service de la perfection du monde
Il est intéressant de remarquer que dans notre section, il est question de l’impureté inhérente à la mère qui vient de mettre au monde son bébé. En effet, la naissance s’accompagne d’une période d’impureté de sept ou de quatorze jours, selon qu’elle accouche d’un garçon ou d’une fille. Nos sages distinguent trois sources d’impureté selon la Torah : le cadavre, le reptile et les menstrues. Cette dernière catégorie inclut les écoulements conséquents à l’accouchement, considéré comme une séparation naturelle forcée, une sorte de rejet du nouveau-né, accompagné d’écoulements sanguins. En règle générale, tout écoulement sanguin est synonyme de destruction ou de mort d’un potentiel de vie, et cela justifie l’application des règles inhérentes à l’impureté. Ainsi, la femme se retrouve-t-elle de façon cyclique, de par sa constitution biologique même, dans une situation délicate et sensible qualifiée d’impure, qui n’est en rien une mise en cause de sa valeur intrinsèque et de ses qualités personnelles. Comme elle porte en elle, régulièrement, un potentiel de vie qui ne demande qu’à aboutir biologiquement et physiquement, telle que Dieu. l’a créée, elle subit forcément l’absence de réalisation de ce potentiel lorsque l’ovule n’a pas été fécondé par l’homme. La destruction puis l’évacuation de cette force non utilisée, ce qui correspond biologiquement au corps jaune évacué, sera la base de la notion d’impureté et des règles conséquentes.
Les mystiques y voient la relation filiale de la femme à « la mère de tout être humain, Hava » qui fut châtiée par Dieu, qui lui a imposé non seulement les affres de l’enfantement, mais également les cycles menstruels (Traité Erouvin 100 B). Chaque femme devient alors l’héritière de Hava et doit en assumer la faute qui a bouleversé le plan divin et l’histoire du monde.
Au milieu de ce sujet, la Torah nous parle de la circoncision pratiquée le huitième jour de la vie du nouveau-né. Nous remarquons que le cap des sept premiers jours d’impureté de la mère se trouve dépassé, et l’on rentre ensuite dans une nouvelle période « d’observation » nécessaire après le traumatisme de l’accouchement. C’est juste au matin de ce huitième jour qu’il est recommandé de pratiquer la milah, afin de faire entrer le nouveau-né dans l’alliance d’Abraham. Par cet acte, l’on va distinguer la vie nouvelle de son contexte d’impureté dans lequel elle est venue au monde et lui accorder toutes ses chances de pureté et de perfection. Cela explique, selon le Or Hahayim, le fait qu’il y a obligatoirement un shabbat qui tombe avant la milah, ou le jour même, précisément pour lui apporter cette perfection au même titre que le Shabbat a apporté la perfection dans le monde.
Le Maharal considère le chiffre sept comme le symbole de la Création de la nature, comme cela apparaît dans la Genèse, bien sûr. Par contre, le chiffre huit est placé au-dessus ou dans le prolongement du cycle naturel, juste là où commence l’action de l’homme et son intervention dans le monde.
Ces règles fondamentales ont permis de placer la famille juive hors des atteintes du temps et de l’Histoire ; elles l’ont préservée et placée comme modèle de pureté et de sainteté dans le monde, alors que toutes les valeurs s’écroulent et se dissolvent dans une génération permissive et dépourvue de barrières. Cette rigueur dans le respect des lois de pureté a permis de rester ce que nous avons toujours été : le peuple saint de Dieu. 
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