L’unité : notre seule planche de salut

A l’heure où le peuple juif doit faire face à toutes sortes de menaces, le rêve de Yaacov nous rappelle que l’unité d’Israël est la clé de sa survie

L’unité : notre seule planche de salut (photo credit: Wikimedia Commons)
L’unité : notre seule planche de salut
(photo credit: Wikimedia Commons)
Au tout début de notre parasha, le patriarche Yaacov voit dans un rêve une échelle sur laquelle des anges montent et descendent. Les commentateurs s’accordent pour dire que cette échelle touchait les cieux et se tenait à l’endroit précis où quelques siècles plus tard devaient être construits les deux Temples de Jérusalem ; c’est également à cet emplacement qu’a eu lieu le sacrifice d’Isaac : en effet, le mont Moriah n’est autre que le Har Habayit, le mont du Temple, si disputé actuellement.
A travers ce rêve, Dieu voulait avant tout montrer à Yaacov l’uniformité de l’histoire du peuple juif, dont les différentes étapes, qui s’étendent sur des millénaires, convergent vers une seule direction : Jérusalem. Cette ville, également point de mire des nations, au centre de toutes les préoccupations du monde. Ainsi on peut décapiter dans l’Etat islamique, trucider en Syrie, assassiner au Yémen, torturer en Lybie, kidnapper au Nigeria, les pays représentés au Conseil de « sécurité » de l’ONU débattent avant tout du sort de Jérusalem. Cette obsession du monde envers Jérusalem donne raison au Midrash Tanhouma : « La terre d’Israël est le centre du monde, Jérusalem est au centre d’Israël, le mont du Temple est situé au centre de Jérusalem, le Temple se trouve au milieu du mont du Temple, et le Saint des Saints est au cœur du Temple ». Au niveau spirituel, Jérusalem n’est rien de moins que le cœur du monde.
Dieu lui-même tient l’échelle
D’autre part, Bilam, prophète de Midian, prédit dans son fameux oracle à propos d’Israël, qu’il est « un peuple qui vit solitaire et ne peut se confondre avec les nations » (Nombres XXIII, 9). Ainsi comme à chaque fois, le peuple juif se retrouve seul, à l’image de son ancêtre Yaacov, que Dieu appellera Israël : il était également seul dans sa lutte contre l’ange d’Essav. Il sera blessé grièvement à la hanche, et cette blessure, à travers les siècles, s’est perpétuée, prenant le nom d’Inquisition, d’expulsion, de pogrom ou encore de Shoah ; aujourd’hui on parle de terrorisme.
Envers et contre tout, Israël est et restera debout, blessé mais vivant « jusqu’au lever du jour », « Ad alot hashahar », de la nuit qui voit ses souffrances jusqu’à l’ère messianique. D’ailleurs Dieu lui-même donne la définition du mot « Israël » à Yaacov : « Tu as lutté contre des forces surhumaines et humaines et tu as vaincu » (Genèse XXXII, 29).
Maimonide compare l’échelle de Yaacov à celle de l’histoire universelle : sur ses barreaux, les puissants de ce monde se succèdent, mais leur ascension ne sera pas éternelle car « l’Eternel se trouve au sommet de l’échelle » (XXVIII, 13).
Toujours selon Maimonide, à travers ce rêve Dieu ne s’adresse pas seulement à un individu : au-delà de Yaacov, Il parle à Israël en tant que peuple quand Il dit : « Je te protégerai, ce pays c’est à toi que Je le donne, Je te ramènerai sur cette terre, Je ne t’abandonnerai pas, et J’accomplirai ce que Je t’ai promis » (XXVIII, 15).
C’est Dieu qui tient le haut de l’échelle. Cela signifie qu’il faut compter avec Lui. Il faut avoir Son accord si l’on veut déplacer l’échelle. Si l’on veut délibérément falsifier la Bible, ou toucher à Jérusalem. En effet, pourquoi donc qualifier cette ville de « trois fois sainte » quand elle n’est même pas mentionnée explicitement dans le Coran, par exemple. Si les adeptes des deux autres religions monothéistes, autrement dit les chrétiens et les musulmans, lisaient plus attentivement la Bible, qui fait pourtant partie de leur patrimoine religieux, ils s’apercevraient que la terre d’Israël, dont Jérusalem, appartient de droit divin au peuple juif. Et tireraient les conclusions qui s’imposent sur le plan politique dans les instances internationales.
Les 12 pierres de Yaacov
Mais il y a également un autre message contenu dans cette parasha, non moins important que celui du rêve. Message qui s’adresse particulièrement à nous, seuls descendants directs de Yaacov. On peut lire dans le texte : avant de se coucher « Yaacov prit des pierres de l’endroit et les plaça sous sa tête » (Genèse, XXVIII, 11). Et au matin, lorsqu’il s’est levé, le texte dit : « Il prit la pierre qu’il avait placée sous sa tête pour l’ériger en monument » (XXVIII, 18). Ainsi, on remarque qu’avant le rêve, le texte mentionne « les pierres », tandis qu’après, il est écrit « la pierre ».
Selon l’explication de Rachi, pendant le sommeil de Yaacov, les pierres se disputaient entre elles, chacune voulant que la tête du juste repose sur elle. Que fit alors Dieu ? Il les rassembla en une seule et même grosse pierre. Nos sages enseignent qu’au départ, les pierres, qui étaient au nombre de 12, correspondaient aux douze enfants de Yaacov, à l’origine des douze tribus d’Israël ; chaque tribu revendiquait ainsi le droit d’être la seule au chevet de Yaacov : Reouven, parce qu’il était l’aîné, Shimon l’ancêtre des enseignants de la Torah et Yehouda, le détenteur de la royauté, Binyamin, lui revendiquait sa place privilégiée sur le territoire où reposerait le Saint des Saints… et ainsi de suite pour les autres tribus, chacune avec ses arguments.
Dieu décide alors de rassembler les 12 pierres en une seule. Il ne voulait donner aucune préférence ni préséance à une tribu par rapport à une autre. A ses yeux, les douze tribus d’Israël ne formaient qu’une seule et même entité.
De nos jours, bien que notre peuple ne soit plus constitué de tribus, il se compose de groupes différents les uns des autres. Chaque groupe aimerait avoir la primauté, et croit détenir la vérité. Et ceci dans tous les domaines : ethnique, social, religieux, politique, etc. Toutes les tendances, tous les courants, toutes les origines sont représentés : séfarades ; ashkénazes, yéménites, Hassidim, Litaïm. Gauche, droite. Sionistes, antisionistes. Religieux, laïcs. Mais Dieu refuse l’idée d’un groupe qui serait supérieur à un autre, il préfère les pierres soudées en une seule : « Vous êtes les enfants de l’Eternel votre Dieu, ne vous désunissez pas », nous rappelle Moshé dans le Deutéronome XIV, 1.
Dans la Amida de Minha du Shabbat, nous semblons répondre à Dieu en lui disant : « Tu es Un, Ton nom est Un, qui est comme ton peuple Israël nation Une sur la terre ».
Nos ennemis sont toujours plus nombreux, virulents, cruels. Nous n’avons d’autre choix que de nous unir pour affronter et vaincre l’adversité. Comme Yaacov, nous nous retrouvons seuls dans notre lutte. A l’image de Dieu lui-même, ainsi que le confirme Bilam, par la bouche du prophète Isaïe (II, 17) : « En ce jour, l’Eternel sera seul ». Ce jour ne saurait être autre que celui où Son dévoilement se révélera à l’humanité tout entière.
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