Mort d’Alain Mimoun, vétéran et coureur de fond invétéré

La légende de l’athlétisme français Alain Mimoun, champion olympique du marathon de Melbourne en 1956, est mort le 28 juin à 92 ans.

P22 JFR 370 (photo credit: Reuters)
P22 JFR 370
(photo credit: Reuters)

Il semblait inusable. À 90 ans, on pouvait encore voir AlainMimoun faire son heure de jogging quasi quotidienne au bois de Vincennes. Sonfait d’armes le plus célèbre reste sa victoire aux Jeux olympiques de Melbourneen 1956. Il y réussit l’exploit de détrôner son ami et rival, la « locomotivetchèque » Emil Zátopek, au cours d’un calvaire de quarante-deux kilomètres,sous une chaleur de plomb. Son sens du sacrifice militaire lui sert sans doutece jour-là. La forme moyennement olympique d’un Zátopek sur le déclin depuis1952 y est peut-être aussi pour quelque chose.

Ali Mimoun Ould Kacha, dit Alain Mimoun, voit le jour la même année que laFédération française d’athlétisme (FFA), le 1er janvier 1921, en Algérie, àEl-Telagh, dans l’ancienne Oranie. Il est l’aîné d’une fratrie de sept enfantsdont les parents sont de modestes agriculteurs. « Il avait un désir de revanchevenant du refus d’une bourse d’études », se souvient Marc Ventouillac,journaliste à L’Equipe.
Le jeune homme découvre tardivement la course à pied, lors de son servicemilitaire effectué chez les tirailleurs algériens. Vétéran, Mimoun l’était non seulement en sport, mais aussi à la guerre. Ilpasse la majeure partie de la seconde guerre mondiale sur le front.
D’abord envoyé à la frontière belge, il se met sérieusement au sport après ladébâcle en France, puis à son retour à Alger. Après avoir combattu l’Afrika Corps lors de la campagne de Tunisie (novembre1942-mai 1943), il participe à la campagne d’Italie. Grièvement blessé par deséclats d’obus à la célèbre bataille de Monte Cassino, il évite de justessel’amputation. Remis sur pied, il est finalement mobilisé pour le débarquementde Provence le 15 août 1944. « A Monte Cassino, j’ai failli perdre une jambe aprèssept ans de guerre. Plus tard, ma médaille olympique je l’ai gagnée comme on gagne la plus bellefille du monde », raconte fièrement l’ancien combattant à l’AFP en 2010.
Forrest Gump 

« Sa victoire en 1956 c’était un grand cocorico », commenteVentouillac, « il y avait l’effet de surprise, car c’était son premiermarathon. Il a pris une dimension à la Poulidor ». « Légende », c’est le mot qui revient le plus souvent concernant cemultimédaillé. Une biographie héroïque entretenue d’un côté par la longévité dupersonnage (en 1966, il remporte son dernier titre national à 45 ans !), del’autre par un palmarès parlant de lui-même : quatre fois médaillé olympiqued’athlétisme, 85 sélections, 32 fois champion de France… « Il n’y a que deGaulle qui me batte », plaisantait Mimoun, à moitié sérieux.

Mais surtout, une légende alimentée par un patriotisme à la fois charnel etquasi mystique. Comme si Alain Mimoun n’avait pas établi de hiérarchie entrecourir pour la France et se battre pour elle. Le 13 janvier 2011, « L’athlètetricolore le plus titré de tous les temps » prononce un discours au ministèredes Sports lors de l’inauguration d’une salle en son honneur : « J’ai donné monsang pour la France et j’ai arraché quatre médailles pour elle. […] Pour moi,la France a quelque chose de sacré, comme une atmosphère de sainteté ».
Et puis évoquer Alain Mimoun, c’est aussi parler d’une époque où l’on pouvaitêtre champion olympique et « ne pas manger à [sa] faim ». « L’athlétisme avaitbeau être amateur, le sport lui a quand même permis de se maintenir socialement», tempère Ventouillac. Le lendemain de sa victoire à Melbourne, celui qui seraplus tard décoré Chevalier, Officier, Commandeur et Grand Officier de la Légiond’honneur n’en est pas moins retourné à son job de garçon de café au Racingclub de France. Et il trouvait ça normal.