Quand les guérisseurs deviennent des tueurs

Une nouvelle exposition au musée des Combattants des ghettos met en scène les horreurs de la « médecine nazie »

Quand les guérisseurs deviennent des tueurs (photo credit: DR)
Quand les guérisseurs deviennent des tueurs
(photo credit: DR)
Lors de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah, le 27 janvier, le musée des Combattants des ghettos (Beit Lohamei HaGhetaot) a inauguré une nouvelle exposition sur l’implication des professionnels de la médecine et des scientifiques dans la Shoah. Intitulée Deadly Medecine – Creating the Master Race, cette exposition itinérante, mise sur pied par le Holocaust Memorial Museum de Washington (mémorial de la Shoah), est présentée au public israélien pour la première fois.
« Nous avons tendance à croire que [la Shoah] était la faute des politiciens, mais au cours des vingt dernières années, il est devenu évident que les médecins et autres scientifiques jouaient un rôle consultatif et exécutif important dans la Shoah », explique Chmouel Reis, professeur de médecine à l’Institut israélien de technologie (Technion) et spécialiste en médecine nazie. « Jusqu’aux années quatre-vingt, selon la croyance populaire, l’implication des médecins était le fait d’une minorité : nous pensons à des psychopathes comme Josef Mengele, mais, en réalité, la majorité des docteurs et des scientifiques ont collaboré volontairement. »
Selon les statistiques de la Chambre médicale allemande, environ 50 % des médecins hommes et 20 % des médecins femmes ont ainsi adhéré au parti national-socialiste. La doctrine nazie, qui visait à créer des êtres humains de « sang pur », a trouvé une oreille attentive auprès des docteurs : bien avant la prise du pouvoir par le parti national-socialiste, beaucoup de scientifiques, s’appuyant sur la théorie de l’évolution de Darwin, rêvaient déjà de créer l’homme parfait, dénué de tout handicap et imperméable aux maladies. Pour la plupart de ces médecins, le nazisme ne faisait que prôner la « biologie appliquée » ; c’est pourquoi seule une minorité parmi les professionnels s’est exprimée contre l’idéologie raciste.
Un autre regard
Entre 1939 et 1945, 300 000 Allemands ont été tués dans le cadre du « programme d’euthanasie » national-socialiste. Selon les estimations, 350 000 Allemands ont subi une stérilisation forcée. De plus, les médecins ont effectué des expériences scientifiques provoquant la mort ou la défiguration des victimes.
L’exposition montre les atrocités commises sous couvert de progrès scientifique en s’appuyant sur de nombreuses photos. Présentée à l’origine en anglais, le contenu de l’exposition a été traduit en hébreu pour son passage au musée des Combattants des ghettos. A disposition des visiteurs non hébraïsants, des tablettes avec la version anglaise. Un bémol cependant : cette application pour tablette, très esthétique dans sa réalisation, n’est malheureusement pas assez simple à utiliser. Voilà le seul point de critique pour une exposition par ailleurs très réussie.
L’exposition apporte un autre regard : « En Israël, nous sommes habitués à la perspective juive sur la Shoah. Avec cette exposition, en parlant des victimes non juives des nazis, nous prenons un point de vue universel pour la première fois », évoque Raya Kalisman, directrice des relations externes du musée. Deadly medicine se veut également un message en direction des médecins et des scientifiques : « Il faut éduquer les prochaines générations de professionnels médicaux pour faire en sorte que plus jamais des gens censés soigner ne deviennent des tueurs. » 
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