Visite guidée de Jérusalem

Balade au mont des Oliviers, avec un détour supplémentaire en option pour ceux que la marche n’effraie pas.

P18 JFR 370 (photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)
P18 JFR 370
(photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)

Combien de foisavez-vous été confrontés à cette situation embarrassante : des invités del’étranger ou d’un autre coin du pays qui vous demandent une visite guidée deJérusalem ? Supposer que les résidents savent où emmener leurs visiteurs etselon quel itinéraire semble une hypothèse logique, mais on est bien souventpris par surprise, et l’on ne sait pas toujours où aller et ce qu’il fautmontrer. On bafouille alors quelque chose du genre… Mahaneh Yehouda ? Peut-êtrela colonie allemande, avec ses restaurants et boutiques de luxe ? Ou encoreMeah Shearim, pour voir à quoi ressemble la vie sur une autre planète ? Et,bien sûr, le détour inévitable par Yad Vashem et la Vieille Ville.

Mais où commencer la visite, et comment évaluer la distance pour que cela resteraisonnable à parcourir à pied, avec autant de choses intéressantes à voir ?Pour les semaines du mois d’août, qui vont voir l’afflux de nos cousins deFrance avant de nous plonger dans l’atmosphère animée des grandes fêtes, voiciquelques suggestions, adaptées aux marcheurs expérimentés, ainsi qu’auxpromeneurs plus tranquilles.

Omer Shadmi, jeune guide touristique passionné, a accepté de nous fournirquelques itinéraires choisis, pour permettre aux habitants et aux visiteurs dedécouvrir ou redécouvrir la capitale du pays.
Trois sommets surplombés d’une église

« Toute visitesérieuse de Jérusalem se doit de commencer par le mont des Oliviers », annonceShadmi. « La vue panoramique est non seulement à couper le souffle, mais c’estaussi un lieu important à partir duquel on peut saisir l’âme de la ville. Pourcela, il suffit de diriger son regard vers le mont du Temple et d’embrassertoute la Vieille Ville. » Le moyen d’y arriver dépend, bien sûr, de votre pointde départ : c’est le moment opportun de brancher votre GPS ou toute autreapplication de navigation et de trouver le chemin de l’hôtel des Sept Arches.Au bout de la route principale qui mène au point de vue panoramique, dans lequartier d’A-Tour, vous pourrez même vous offrir une petite balade à dos dechameau. Une « station de chameaux » est installée ici depuis juin 1967.

« Contemplez la ville qui s’étale à vos pieds », suggère Shadmi. « Observez ledôme doré du Rocher, le dôme de la mosquée al-Aqsa, les portes d’or scelléespar lesquelles le Messie doit entrer dans la ville ».
Une fois rassasiés de ce panorama extraordinaire, Shadmi suggère de fairedemi-tour, comme si vous vous dirigiez vers le mont Scopus et, après quelquespas de vous arrêter pour regarder vers la droite. Une petite mosquée, autrefoisune église, se cache derrière les arbres.
« Les Arabes ont changé la fonction de ce lieu de culte chrétien en un lieu deculte musulman », explique Shadmi, « mais, comme ils l’ont fait dans denombreux autres endroits, ils en ont gardé le nom original. Ce qui donne lamosquée de l’Ascension, construite sur l’ancienne église croisée appeléel’Ascension de Marie. » Pourquoi les nouveaux dirigeants souhaitaient-ilsgarder la trace de leurs prédécesseurs, même dans un lieu de culte ? Shadmiexplique que c’était une pratique courante à l’époque du Sultan Saladin depréserver un vestige en rappel de ce qui s’y trouvait auparavant. Les chrétiensétaient autorisés à utiliser ce lieu pour la prière un jour par an, celui del’Ascension de la Vierge, selon le rite russe orthodoxe. En fait, le mont desOliviers, le plus important et le plus ancien cimetière juif du monde, s’étendsur trois sommets, chacun surplombé par une église.
« Deux d’entre elles se sont transformées en mosquées, la troisième estaujourd’hui un hôtel, les Sept Arches, qui offre l’un des plus beaux panoramassur la ville », poursuit Shadmi.
Nulle n’est prophétesse en son pays

Tournez le dosaux Sept Arches et continuez sur la route principale d’A-Tour. Sur votre droitevous apercevez une petite clôture qui mène à une grotte. Là encore plusieurstraditions se télescopent. La grotte est censée être le tombeau de troisfemmes, chacune de confession différente, « comme si quelqu’un essayait de nousdire que finalement nous ne sommes pas si différents que cela », souligneShadmi.

Dans un premier temps (selon les archéologues), se trouvait là un sarcophage(apparemment de la fin de l’empire romain), sur lequel une petite mosquée a étéconstruite au XVIIe siècle.
Selon la tradition juive, la petite caverne est considérée comme la tombe de laprophétesse Houlda, mentionnée dans la Bible sous le règne du roi Josias(viie siècle avant notre ère). Elle est enterrée face aux portes qui portentson nom, les portes de Houlda dans la Vieille Ville, qui mènent au Temple surle mont Moriah.
Le second locataire du site est supposé être Pélagie qui, d’après la traditionchrétienne, serait née à Antioche, au Ve siècle de notre ère. Actrice pendantla première partie de sa vie, elle menait une vie dissolue et était apparemmenttrès en demande chez les messieurs, même au-delà des mers. On raconte que ceuxqui n’obtenaient pas ses faveurs allaient jusqu’à se donner la mort. « Mais lesmeilleures choses ont une fin », raconte Shadmi, continuant l’histoire. Unjour, Pélagie entend l’évêque Nonnos sermonner les pécheurs et leur promettreles pires châtiments dans le monde à venir. « Pélagie, la païenne, fond enlarmes, se confesse à l’évêque et se repent. Elle promet de renoncer à sa viede pécheresse devant l’Éternel et d’emprunter désormais le droit chemin. »Pélagie est alors baptisée et entame un nouveau chapitre de sa vie. Elle donnetous ses biens aux pauvres et effectue le pèlerinage à Jérusalem habillée enhomme. Au terme de son voyage, elle atteint le mont des Oliviers, où elle vitdésormais en ascète (toujours déguisée en homme) et passe le plus clair de sontemps en prière.
« Enfin viennent les musulmans », poursuit Shadmi, « qui considèrent le sitecomme la tombe d’une femme nommée Rava’ad Aludayah, une prophétesse parmi lespremiers mystiques musulmans du début du VIIe siècle de notre ère. » La routequi traverse le quartier d’A-Tour porte son nom.
Quelques mètres plus loin, un grand drapeau français flotte au-dessus d’uneautre église – celle du Pater Noster. C’est là, selon la tradition chrétienne,que Jésus aurait enseigné à ses disciples le Pater Noster (la prière NotrePère, traduction directe de notre Avinou Malkenou, extrait de la liturgie deYom Kippour). A l’intérieur, les paroles de la prière sont écrites sur le muren 150 langues. Quant à la présence du drapeau français, l’église appartient àl’ordre des Carmélites françaises.
En attendant le Messie

« En fait »,souligne Shadmi, « le mont des Oliviers est considéré comme un lieu derédemption pour les trois religions, d’où sa grande importance pour tous. Pourles chrétiens, c’est là que débutera la rédemption. Les musulmans croient qu’aujour du Jugement, de minces arches relieront le mont des Oliviers à la mosquéeal-Aqsa, seuls les justes pourront les emprunter pour marcher au-dessus desflammes de l’enfer, dont les portes, situées juste en dessous s’ouvriront pourengloutir les impies qui y tomberont morts.

La tradition juive rapporte que le Messie descendra du mont des Oliviers, enchemin vers le mont du Temple, et réveillera les morts de leurs tombes, sur lespentes du cimetière. C’est la raison pour laquelle, encore aujourd’hui, desjuifs du monde entier se font enterrer au mont des Oliviers, qui marque ledébut de la délivrance finale.

« Tout passe par là. C’est l’endroit le plus important pour tous », affirmeShadmi.
La visite guidée du mont des Oliviers se termine un peu au-dessous de deuxéglises importantes sur le côté droit de la route. L’église russe, et ses dômesdorés, surplombe Gethsémani, le dernier endroit où Jésus se cacha avant d’êtreemmené par les soldats de Ponce Pilate. Un peu plus haut, se trouve l’église detoutes les Nations, construite juste après la première guerre mondiale dans l’espoirque le monde ne connaisse plus jamais une telle horreur.
En chemin, de grandes marches de pierres mènent aux tombeaux des deux prophètes– Aggée et Malachie. « Il existe un garde officiel de l’endroit, qui possèdeles clés des tombeaux », explique Shadmi, « mais on ne peut jamais savoir s’ilest là ou pas. C’est une question de chance, ce qui colle tout à fait avecl’esprit du lieu, de toute façon. »

Les lions deJérusalem

Pour ceux qui ontle courage de marcher un peu plus, Shadmi suggère de continuer sur la route dela Porte des Lions, vers le portail par lequel les parachutistes israéliens ontfait irruption dans la vieille ville, pendant la guerre des Six Jours, livrantde violents combats jusqu’à ce qu’ils atteignent le Mur occidental et s’arrêtèrentpour une fervente prière, dont l’image est gravée à jamais dans nos mémoires.

Pour les chrétiens, le portail marque l’entrée de la Via Dolorosa. « Les quatresculptures d’animaux sont en fait des léopards », affirme Shadmi, « le plussouvent pris à tort pour des lions. Ils ont été placés là par le sultan Solimanle Magnifique pour célébrer la défaite ottomane des Mamelouks en 1517.

Selon la légende, le sultan précédent, Selim, a rêvé qu’il se faisait dévorerpar des lions à cause de son projet de construire à l’intérieur de la ville etceci, apparemment, déplaisait au Seigneur. » Pour obtenir un sursis du ciel, lesultan avait alors promis de protéger la ville en construisant une murailletout autour. « Et c’est ainsi que le lion serait devenu le symbole de Jérusalem», explique Shadmi.
Mais le lion est aussi un des noms donné au Temple, Arieh, selon la traditionjuive, car son dessin rappelle la position d’un lion couché. Le lion est aussile symbole de la tribu de Yehouda, selon la Torah, d’après la bénédiction deYaacov à ses fils. Et le roi David, qui a conçu et choisi l’emplacement duTemple, que son fils le roi Salomon bâtira, descend de la tribu de Yehouda. Etselon la Torah, il ne faut pas oublier que le Messie est lui aussi issu de la lignéedu roi David.
Une fois à l’intérieur des murs, une courte promenade le long de la ViaDolorosa mène au Mur occidental. Shadmi recommande de s’arrêter en chemin pourvisiter l’Hospice autrichien dans le quartier musulman. Et si vous le pouvez,montez les escaliers pour observer la ville – cela vaut vraiment le coup d’œil!