C’était donc les élections !

La bataille électorale aux Etats-Unis joue un rôle déterminant dans le dossier iranien. Analyse politique

Voilà enfin pourquoi les négociations sur l’Iran n’aboutissent pas. Lejournal israélien Yediot Aharonot en a même fait sa une, lundi 3 septembre :les Etats-Unis auraient fait passer des messages secrets à Téhéran, via lesEuropéens, pour leur promettre qu’ils ne soutiendraient pas Israël en casd’attaque de la part de Jérusalem. Et le rapport de citer anonymement de hautsgradés israéliens affirmant que les relations entre le président américainBarack Obama et le Premier ministre Binyamin Netanyahou n’ont jamais été aussimauvaises. L’Oncle Sam ne souhaiterait pas être entraîné dans une guerre parson allié et s’attendrait, en échange de la promesse faite à l’Iran, ne pasvoir ses cibles stratégiques dans le Golfe persique attaquées par l’arméeiranienne.

Outre-Atlantique, The New York Times publie, lui, un article affirmant tout lecontraire. L’administration Obama ferait “tout ce qui est en son pouvoir, àpart la guerre, pour devancer l’attaque israélienne. Tout en forçant lesIraniens à prendre plus au sérieux les négociations qui ne sont absolument pasdans l’impasse”.

Selon le quotidien, le président américain envisagerait des nouvellesdéclarations concernant ce qui pourrait conduire à une action militaire desEtats- Unis - la fameuse “ligne rouge” exigée par Netanyahou - “ ainsi que desactivités secrètes, qui ont été envisagées puis rejetées auparavant”.

Alors, qui, du New York Times ou de Yediot Aharonot, a raison ? Seule certitude: à quelque 60 jours du scrutin, les élections américaines sont dans leurdernière ligne droite. Et, en ce qui concerne l’Iran, le plus tôt sera lemieux.

De l’eau dans le gaz ?

L’article américain a été envoyé de Washington, ce qui signifie trèsprobablement que les sources du journaliste se trouvent à la Maison Blanche. Adeux mois des élections, alors que le candidat républicain Mitt Romney attaqueObama sur le manque d’action en Iran, et que la bataille pour gagner les voixpro-juives et pro-Israël est à son sommet entre les deux camps, ces sourcescherchent donc avant tout à dépeindre l’attitude du candidat démocrate comme deplus en plus ferme sur l’Iran.

A contrario, l’article israélien a été écrit ici et décrit les relations entreles deux nations comme au plus bas depuis plusieurs années. Il dépeint uneadministration cherchant avant tout à se protéger - une image que lespro-Romney ont tout intérêt à voir se propager. Les motivations des deuxjournaux sont limpides : le New York Times soutient fortement Obama tandis queYediyot joue le jeu de Netanyahou. Mais en attendant ce sont les Iraniens quidoivent être contents.

Retour en 2010. En mars, l’annonce d’un nouveau projet immobilier dans lequartier de Ramat Shlomo, à Jérusalem, crée du rififi avec l’administrationaméricaine. L’ambassadeur israélien aux Etats- Unis, Michael Oren, dira alorsque les relations entre les deux pays n’ont jamais été aussi mauvaises depuisprès de 35 ans. Le diplomate niera ensuite le commentaire, mais tous les signespointent dans la même direction : Washington et Jérusalem ne sont pas sur lamême longueur d’ondes. Et le monde entier est au courant.

Le ton change à l’été 2010, peu avant les élections du Congrès américain. Obamase lance dans une opération séduction à l’égard de la communauté juive, et lesproblèmes se règlent désormais en coulisses.

Aujourd’hui, les choses ont de nouveau changé. Les différences, exposées enplein jour. Alors qu’Israël et les Etats-Unis devraient apparaître comme plusunis que jamais, de continuelles fausses nouvelles viennent semer la discorde.Témoin, le récent couac avec le général des armées américaines Martin Dempsey(voir article en page 5). Alors que le général a affirmé qu’il ne souhaitaitpas être “complice” d’une attaque israélienne, le gouvernement Netanyahou aréagi en qualifiant ces propos “d’étranges” et en se disant inquiet de lacoopération des Etats-Unis, que la Maison Blanche qualifie pourtant de plushaute que jamais.

A vrai dire, c’est plutôt la réaction de Jérusalem qui est “étrange”. Quel estdonc l’intérêt pour Israël de se mettre mal avec le plus haut gradé américain,alors qu’il est bien évident qu’il obéira aux ordres de son président en fin decompte ? Les différends israélo-américains sur la question du timing en Iranétaient déjà connus de tous.

Y a-t-il donc vraiment une crise de confiance entre Jérusalem et Washington ?La réponse est non. Mais plutôt une élection américaine des plus serrées quiapproche. Tant et si bien que deux journaux peuvent écrire deux articlesradicalement opposés le même jour.