Mandela, une célébrité d’un nouveau genre

La vague d’empathie, qui entoure l’ancien leader d’opposition sud-africain, est un espoir pour l’humanité.

P9 JFR 370 (photo credit: Reuters)
P9 JFR 370
(photo credit: Reuters)

Warren Goldstein L’ancien président sud-africain, le charismatique NelsonMandela, aura su captiver les cœurs et les esprits de l’humanité entière.Depuis près d’un mois, les plus grands médias du monde, se bousculent à sonchevet pour le veiller devant l’hôpital dans lequel il lutte pour sa vie, enretenant littéralement leur souffle. Concentrer sur soi autant d’attention etde ferveur universellement partagée, pour ne pas dire obsessionnelle, est unphénomène remarquable et unique dans son genre car il augure de l’avènementd’un nouveau visage de la célébrité.
Mandela n’est pas une star du monde du spectacle, de la musique ou du cinéma,ni une idole du monde du sport. Habituellement les célébrités qui font la unesont célèbres pour leurs performances physiques, leur vitesse ou leur force, oubien, elles sont adulées pour leur plastique, ou encore, admirées pour leurrichesse. Nelson Mandela lui, s’est hissé sur le podium de la célébrité, grâceà ses convictions morales. C’est la star de la compassion, du pardon, de laliberté et de la démocratie. Un héros de l’esprit.
Emouvante rencontre multi-générationnelle 
Un événement clé qu’il relate dansson autobiographie, Long Walk to Freedom, Le long chemin vers la liberté,révèle le genre d’héroïsme qui a été le sien, qui a frappé les imaginations,contribué à l’imposer comme modèle et participé à l’avènement du mythe. NelsonMandela raconte comment sa fille Zeni, qui en 1978 a épousé le princeThumbeumuzi, fils du roi du Swaziland, est venue lui rendre visite en prison,accompagnée de son nouveau mari et de leur nouveau- né : « Pour Zeni, devenir unmembre de la famille royale, a représenté un énorme avantage : on lui aimmédiatement accordé des privilèges diplomatiques, ainsi que l’autorisation deme rendre visite autant qu’elle le souhaitait. Cet hiver- là, peu après sonmariage avec Thumbeumuzi, le couple est venu me voir, pour me présenter leurpetite fille qui venait de naître. » « Grâce au statut princier de son époux,il nous a été permis de nous rencontrer ailleurs que dans l’espace réservéhabituellement aux visites, où l’on est séparés les uns des autres par des mursépais et une paroi de verre. J’attendais leur arrivée avec une certaineanxiété. Ce fut un moment vraiment merveilleux. Quand ils sont entrés dans lachambre, je me suis levé et dès que Zeni m’a aperçu, elle a pratiquement jeté sonbébé dans les bras de son mari, pour traverser la pièce en courant et venirm’embrasser. Je n’avais plus tenu ma fille dans mes bras, depuis l’âge qu’avaitsa propre fille à ce moment-là. C’était une expérience vertigineuse. J’étaisprojeté dans le temps, comme dans un roman de science- fiction, tout à coupj’embrassais une enfant adulte. » « J’ai ensuite enlacé mon gendre et il m’aremis ma petite- fille dans mes bras, que je n’ai plus lâchée durant toute ladurée de leur visite. Tenir un nouveau-né si vulnérable ettendredansmesmainsrugueuses,desmainsquipendant trop longtemps n’avaientmanipulé que des pioches et des pelles, était une joie profonde. Je ne pensepas qu’un homme ait été un jour plus heureux que moi ce jour-là, rien que detenir ce bébé dans mes bras. » 
Une vie dédiée à une cause 
Cette expériencedouce-amère est symptomatique de toute la douleur accumulée au cours des 27années passées en prison. Elle nous rappelle les énormes sacrifices auxquelsNelson Mandela a consenti toute sa vie au nom de son combat, tout entier dédiéà sa lutte pour l’égalité et la dignité pour tous les Sud-Africains. Il a toutabandonné pour défendre sa cause ; sa liberté, sa famille et presque la vieelle-même.
Pendant ses années d’emprisonnement, en dépit des offres répétées qui lui ontété faites, il a refusé tout compromis à ses principes, à même de lui assurerune libération plus rapide. Et puis au terme de toute cette souffrance, il aencore trouvé la force surhumaine de pouvoir pardonner, par amour pour la créationde la nouvelle Afrique du Sud, et le rassemblement dans l’unité et l’harmonie,de l’ensemble de tout son peuple.
Nous vivons dans un monde pétri d’égoïsme qui se complaît dans le matérialisme,un monde voué au culte de l’apparence. À l’opposé, Nelson Mandela est un hérosdu monde de l’esprit, un homme de convictions, un héros des valeurs morales.L’adulation dont il aura fait l’objet sa vie durant et la réactioninternationale sans précédent face à la maladie qui le frappe, sont un refletde la façon dont nous sommes tous inspirés par le pouvoir de la bonté, dupardon et de la vie dédiée à un but plus élevé.
Depuis l’aube de la création, nous savons que l’être humain a deux pôles : lecorps et l’âme, ou comme il est dit dans la langue du livre de la Genèse, « lapoussière de la terre » et le « souffle » de vie insufflé par Dieu. La grandeurde l’homme et son inspiration lui viennent de l’âme que Dieu lui a insufflée.Les instincts sont égoïstes et obsédés par leur satisfaction immédiate, maisl’âme a vocation de vivre avec des valeurs et des objectifs plus élevés.
Parmi les sociétés qui idolâtrent le pouvoir et les stars du paraître, NelsonMandela prouve la capacité d’endurance dont l’âme dispose, la puissance desprincipes sur l’opportunisme, du don de soi sur la consommation, des valeursdurables sur la satisfaction de plaisirs éphémères et égoïstes, du vrai bonheurqu’il y a à vivre avec un objectif moral.
Zaziwe = l’espoir 
Dans les leçons de vie que le Gaon de Vilna a léguées à sesenfants, il écrit que se complaire dans le matérialisme et la satisfaction desplaisirs physiques revient à se désaltérer d’eau salée : plus vous buvez plusla soif augmente et les promesses d’épanouissement personnel se dissolvent dansla vacuité, hors de portée à jamais. Nelson Mandela nous lègue, à nous et à nosenfants, sa stature de star des valeurs morales, un héros de l’âme, un modèled’identification pour qui ne veut pas se reconnaître dans les stars duparaître, qui ne peuvent que nous décevoir. Ces icônes vides de sens, dont lesego, voués aux abysses de la satisfaction égoïste, les précipitent dans lafange et la corruption pour les engloutir.
La grandeur d’âme universelle de Nelson Mandela révèle la puissance latente desforces spirituelles profondes enfouies dans l’être humain, capables de sedéployer quand elles sont sollicitées par un grand esprit. Cette idylle que lemonde mène avec Nelson Mandela est un signe d’espoir pour l’humanité, et noussommes toujours bouleversés par les héros de l’esprit.
Et c’est notre espoir dans l’avenir qui nous lie, comme Mandela le confie àpropos de ce qui s’est passé lors de cette réunion avec sa fille et sonnouveau-né : « Leur visite avait un but plus officiel, celui de me demander denommer leur enfant, conformément à la coutume qui veut que le choix du prénomdu nouveau-né revienne au grand-père. Et celui que j’ai choisi, c’est Zaziwequi signifie espoir. Ce nom a une signification particulière pour moi, car,pendant toutes ces années passées en prison, l’espoir ne m’a pas quitté, etmaintenant je sais qu’il ne m’abandonnera jamais. Je suis convaincu que cetteenfant appartiendra à une nouvelle génération de Sud-Africains pour quil’apartheid ne sera plus qu’un lointain souvenir et c’est là mon rêve le pluscher. »
Nelson Mandela est la lueur d’espoir qui n’a cessé de briller pour sonpeuple, pour l’éclairer aux heures les plus sombresdel’apartheid,etaujourd’huiencore,alorsmêmequ’illutte pour sa vie, il reste unsymbole d’espoir. Celui de la puissance de l’esprit qui peut changer le monde,la suprématie de la bonté sur le matérialisme et l’égoïsme, la victoire del’espoir sur la peur. Le monde physique semble invincible, et pourtant ce sontles forces de bonté, de pardon et de morale, que Nelson Mandela a incarnées etqui auront finalement eu raison de la force brute du régime d’apartheid. Commel’a dit le prophète Zacharie (IV, 6), « Ni par la puissance ni par la force,mais par mon Esprit, dit l’Eternel des armées ».
L’auteur est le Grand Rabbin d’Afrique du Sud.