3 jours, 3 attaques : ce qu’en disent les médias français

Passés les premiers émois, les médias sont presque unanimes : les trois attaques ne sont pas comparables. Alors que les politiques de tous bords appellent au calme, quelques voix dissonantes critique

Les effectifs du plan Vigipirate ont été augmentés (photo credit: REUTERS)
Les effectifs du plan Vigipirate ont été augmentés
(photo credit: REUTERS)
Samedi 20 décembre, Joué-les-Tours. Un jeune homme âgé de 20 ans agresse trois policiers à l’arme blanche avant d’être abattu par l’une de leurs collègues. Le lendemain, à Dijon, un automobiliste quarantenaire renverse 13 piétons dans le centre-ville. Lundi, à Nantes, un autre homme fonce dans un des chalets du marché de Noël avec sa camionnette. Bilan : 11 blessés, dont l’un décède plus tard. Dans les trois cas, des témoins affirment avoir entendu les auteurs crier « Allah Akbar » (« Dieu est le plus grand » en arabe). Retour sur le traitement médiatique de ces attaques.
Après les deux premières agressions, les journalistes retiennent le motif islamiste et terroriste. Le Figaro parle le 22 décembre des « fous de Dieu de Joué-les-Tours et de Dijon ». Mais les déclarations de la procureure de Dijon changent la donne. Pour elle, il ne s’agit « absolument pas d’un acte terroriste » et, de fait, le chef d’inculpation est celui de « tentative d’assassinat » : le motif terroriste n’a pas été retenu et le parquet antiterroriste ne s’est pas saisi de l’affaire. Surtout, la procureure révèle le passé d’ancien toxicomane du prévenu et ses nombreux passages en hôpital psychiatrique, 157 au total. La « piste psy », comme titre L’Humanité, semble également être privilégiée dans le cas de l’attaque de Nantes. Les éléments distillés sur le conducteur semblent de fait aller dans ce sens : placé sous curatelle, alcoolique, consommateur fréquent de marijuana, il n’avait plus de contacts avec sa famille depuis plusieurs années.
Eviter l’amalgame et la psychose collective
Finalement, si l’on fait abstraction des emportements des premiers instants, on voit se dessiner un consensus autour du traitement de ces informations : la première attaque est séparée des deux autres, que le mode opératoire et le profil psychologique des auteurs unissent, et chaque média invite un psychologue pour expliciter le phénomène de mimétisme qui semble être à l’œuvre à Dijon et à Nantes. Partout, on lit et on entend que « ces affaires ne sont pas liées ». Le mot d’ordre est à l’apaisement : ces événements sont certes dramatiques, mais pas plus que n’importe quel fait-divers, entend-on.
Le même consensus se retrouve dans la sphère politique : François Hollande appelle les Français à faire preuve « de sang-froid », Eric Woerth (UMP) parle « d’actes isolés commis par des gens timbrés ». Yves Gouasdoué (DVG), vice-président de la commission d’enquête parlementaire sur les filières djihadistes, déclare à Ouest-France que « le bon critère de différenciation, c’est l’intention du criminel. On a ici l’œuvre de déséquilibrés ». Il prévient : « il faut éviter tout amalgame ». La présidente de cette même commission, Nathalie Goulet (sénatrice UDI), titre sa tribune dans le Huffington Post : « Céder à la peur, c’est donner raison aux terroristes ».
Du côté du gouvernement, on multiplie les appels au calme, tout en décidant, à la suite d’une réunion interministérielle d’urgence, d’augmenter les effectifs du plan Vigipirate. Une contradiction apparente que relève Le Monde, qualifiant de « pas de deux » la stratégie de communication de l’exécutif sur cette situation.
Déni de terrorisme ?
Quelques voix dissonantes se sont cependant fait entendre. Le Figaro a ainsi consacré un article au mécontentement de ses lecteurs vis-à-vis du traitement de l’information, compilation de commentaires des internautes à l’appui. De l’ensemble se dégage une impression, qui donne son titre à l’article : « Les internautes ne veulent pas entendre parler de “déséquilibrés” ». Et ils ne sont pas les seuls. Au FN, on retiendra les déclarations de Florian Philippot ; selon lui, les attaques de Joué-les-Tours et de Dijon étaient « clairement des conséquences de l’islamisme radical ». Il a également raillé la « psychologisation » à tout va.
Dernière en date à s’être démarquée de l’analyse générale : Natacha Polony. Dans une tribune du Figaro, elle fustige le refus des journalistes et des politiques de reconnaître que les deux premières attaques sont liées. Elle écrit notamment : « Si les schizophrènes décompensent désormais leur psychose en assassinant des gens au cri d’“Allah Akbar”, cela nous raconte quelque chose de l’époque, et surtout de la pathologie mortifère et dangereuse que constitue l’islamisme ».
La France, dans le déni face aux dangers du terrorisme ? Pour Clément Weill-Raynal, journaliste spécialiste des questions judiciaires, cela ne fait aucun doute, et « on le voit notamment à la façon dont les médias français ont traité les attentats à la voiture-bélier de Jérusalem ». Mais ces attaques, dont deux au moins ne semblent pas motivées par l’islamisme, ne sont pas représentatives du phénomène.
Finalement, la presse israélienne semble presque plus inquiète que son homologue française. Le Jerusalem Post et Haaretz n’hésitent pas à évoquer un lien possible entre les attaques et les appels répétés de Daesh à attaquer les Français par tous les moyens. Des propos réitérés dans une vidéo postée par l’Etat islamique la veille de la première attaque. Ynet, le site Internet du Yedioth Aharonot, avait également proposé un compte rendu de ces événements.
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