Dans les coulisses du conseil de sécurité

Mardi 30 décembre, l’Autorité palestinienne n’est pas parvenue à faire passer sa résolution. Pourquoi la France a-t-elle soutenu le texte ? Qui sont aujourd’hui les alliés d’Israël ?

Dans les coulisses du Conseil de sécurité (photo credit: REUTERS)
Dans les coulisses du Conseil de sécurité
(photo credit: REUTERS)

 

«Le monde est contre nous ». C’est toujours le même refrain. Il faut dire que ça sonne bien dans un programme de campagne israélien, peu importe où l’on se situe sur l’échiquier politique. Dans le camp de Benjamin Netanyahou, on affirme que lui seul peut défendre avec éloquence les intérêts du pays face à un monde hostile. Dans celui de ses adversaires, c’est justement la raison pour laquelle le Premier ministre ne doit pas être reconduit, parce qu’il a monté la communauté internationale contre Israël.

Pas la peine de se mentir. Israël est en mauvaise posture dans l’arène internationale.
Mais l’échec du projet de résolution palestinienne au Conseil de sécurité nous a rappelé qu’Israël a encore quelques alliés. En premier lieu : Washington. Même sous Barack Obama – dont la relation avec Netanyahou est pour le moins conflictuelle, ce n’est plus un secret pour personne – les Etats-Unis n’ont pas tourné le dos à l’Etat hébreu. Le président américain aurait pu défier les Républicains. Il l’a fait en novembre dernier, au sujet de la réforme de l’immigration, et plus récemment en décembre, au sujet de la réconciliation avec Cuba.
Mais les Etats-Unis ont soutenu Israël. Pas seulement par calcul politique, mais parce que le texte présenté par les Palestiniens était déséquilibré. Il ne faut pas confondre un désaccord sur la question des implantations avec un manque total d’intérêt pour la sécurité d’Israël. Or la résolution palestinienne prône le retrait israélien des frontières de 1967 d’ici 2017 et la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale, sans même mentionner les intérêts sécuritaires israéliens. Les Etats-Unis avaient clairement dit qu’ils imposeraient leur veto à ce texte. Ils n’ont finalement pas eu besoin de sortir leur joker, ayant activement fait pression sur les pays membres du Conseil pour qu’ils n’adoptent pas la résolution. L’intervention de Washington a certainement eu un impact sur la décision de plusieurs d’entre eux de s’abstenir.
Au lendemain de ce vote, deux leçons sont à retenir. La première : les relations avec les Etats-Unis ne sont donc pas aussi mauvaises que tout le monde veut bien le dire et elles sont bel et bien cruciales pour Israël. La seconde : l’Europe ne parle plus d’une seule et même voix dans les forums internationaux.
Les dissonances de l’Europe
Beaucoup auraient voulu voir la France voter contre. Paris a encore une fois surpris et déçu. Les Français travaillent depuis plusieurs semaines sur leur propre résolution ; une formulation plus modérée du texte palestinien. Mais les efforts pour négocier une version susceptible de faire consensus n’ont pas abouti. Cela aurait nécessité des compromis du côté des Palestiniens, pas avec Israël mais avec la France, ce qui n’est décidément pas leur fort.
Quand les Palestiniens ont jeté la résolution française aux oubliettes et décidé de soumettre leur propre texte, Paris, au lieu de voter contre, a une fois de plus cédé. Plusieurs explications à cela. Selon la plus indulgente, la France savait que la résolution était vouée à l’échec et ne parviendrait pas à recueillir les 9 votes nécessaires. Elle s’est donc rangée du côté des Palestiniens, glanant des points dans l’opinion arabe mondiale, à l’heure où ses positions sur les sujets syrien et libyen, et son engagement dans la lutte contre l’Etat islamique déplaisent à ses minorités. Des points gratuits.
Car il est clair que Paris ne paiera aucun prix pour ce soutien. Même si Jérusalem a convoqué l’ambassadeur de France en Israël Patrick Maisonnave, en signe de représailles vendredi, ce vote n’aura aucune conséquence sur les relations entre les deux capitales. Du point de vue israélien, Paris a certes joué le mauvais rôle dans ce dossier, mais son soutien sur la question du nucléaire iranien est encore plus précieux. Les relations restent au beau fixe.
On aurait pu s’attendre à ce que la Grande-Bretagne suive la France. C’était sans compter sur la sympathie du Premier ministre britannique David Cameron envers l’Etat juif. Londres s’est donc abstenue. L’abstention de la Lituanie prouve, quant à elle, que l’Union européenne ne doit plus être considérée comme un bloc. La Lituanie, pays de l’ancienne Union soviétique, a rejoint l’Europe en 2004, et ses sentiments envers Israël sont plus favorables que ceux des pays de la vieille Europe, comme la Suède, l’Irlande, l’Espagne et le Luxembourg. Quatre pays de l’Union européenne siègent au Conseil de sécurité (ils représentent 27 % du Conseil alors que l’UE ne représente que 7 % de la population mondiale) et ces pays ne se sont pas exprimés d’une même voix mardi : deux ont voté pour et deux se sont abstenus. A retenir : l’UE ne sera plus porteuse d’une seule et même voix en ce qui concerne le Moyen-Orient.
Le Rwanda, l’ami de là-bas
 

 

 

 

 

Autre remarque importante : Israël a des amis sur le continent africain. Deux des trois pays africains membres du Conseil, le Rwanda et le Nigeria, se sont abstenus. Le Tchad, un fervent adversaire d’Israël, avec lequel l’Etat hébreu n’entretient pas de relations diplomatiques, a voté pour. Le vote rwandais n’a surpris personne. Le pays s’avère être un des plus forts alliés d’Israël en Afrique. Il était déjà resté en retrait, avec les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, lors de la réunion des membres de la convention de Genève, le mois dernier. Israël a également établi une relation solide avec le président nigérien Goodluck Jonathan, qui lui-même confronté à Boko Haram, ne comprend que trop bien la menace terroriste. Le Nigeria siégeait déjà au Conseil de sécurité en 2011, quand les Palestiniens ont renoncé à demander le statut de membre, comprenant qu’ils ne recueilleraient pas les 9 voix nécessaires. Un autre pays africain, le Gabon, était également membre du Conseil à cette époque, et a participé à l’échec palestinien.

 

 

 

C’est depuis qu’Avigdor Liberman a pris les rênes du ministère des Affaires étrangères en 2009, qu’Israël a redécouvert le continent africain. Le chef de la diplomatie s’y est rendu à deux reprises, et cette marque d’attention a apparemment payé. La même stratégie n’a pas porté ses fruits en Amérique du Sud. Les deux partis membres du Conseil, l’Argentine et le Chili, ont voté contre Israël, et pourtant Liberman y avait aussi fait un voyage. Le Chili est un cas intéressant. Il entretient de bonnes relations avec Israël, mais compte également une grande communauté palestinienne, ce qui a des conséquences évidentes sur sa politique au Moyen-Orient.
Enfin la Russie et la Chine ont elles aussi voté pour la résolution palestinienne. Peu importe l’état de leurs relations avec Israël – Jérusalem entretient une communication étroite avec Moscou et de forts liens économiques avec Pékin – ils soutiendront toujours les positions arabes dans les forums internationaux et ce pour une seule raison : s’opposer aux Etats-Unis dès que l’occasion se présente.
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