La liste des organisations terroristes qui dérange

L’Occident est au pied du mur. Un rapport des Emirats épingle noir sur blanc ces associations qui prônent la terreur sous couvert de bienfaisance

La liste des organisations terroristes qui dérange (photo credit: REUTERS)
La liste des organisations terroristes qui dérange
(photo credit: REUTERS)
Les Emirats Arabes Unis (EAU ou Emirats) viennent de publier la liste de 85 organisations qu’ils qualifient de terroristes. On y trouve des noms connus, comme al-Qaïda et ses filiales, l’Etat islamique, Boko Haram, Ansar Beit el Makdess et autres. Mais ce qui est plus inattendu reste la présence de la Confrérie des Frères musulmans et de ses filiales à travers le monde - du Moyen-Orient à l’Afrique et à l’Asie en passant par l’Europe et les Etats-Unis. En outre, les Emirats n’hésitent pas à inclure dans cette liste des organisations islamiques importantes et bien connues, en Italie, en Suède, en Finlande, en Serbie, en Grande Bretagne (quatre organisations), au Danemark, en Norvège, en Allemagne, en Belgique et aux Etats-Unis (deux organisations). Il s’agit d’ONG qui fonctionnent sous couvert d’œuvres de bienfaisance ou d’associations pour la défense des droits des minorités arabes dans les pays occidentaux ; on sait pourtant qu’elles ont des liens avec la Confrérie des Frères musulmans quand elles ne sont pas sous son contrôle. Certaines ont vu le jour dans les années 1950 à l’initiative des premiers immigrants venus des pays arabes en Europe, et sont tombées plus tard sous la coupe des Frères ; d’autres ont été créées par les Frères Musulmans à la même époque pour encadrer les étudiants et les ouvriers récemment arrivés afin de préserver leur identité islamique et de les empêcher de s’intégrer dans la société occidentale.
La publication de la liste a plongé l’Europe et les Etats-Unis dans l’embarras et provoqué leur colère, car on y trouve des organisations puissantes entretenant des relations suivies avec les pouvoirs locaux. Citons, pour les USA, « The Council on American-Islamic Relations » et « The Muslim-American Society ». Et en France : « L’union des Organisations Islamiques de France », l’UOIF, vous avez bien lu.
Pour les Emirats, toutes font partie de la Confrérie des Frères Musulmans et sont donc à la base d’organisations terroristes.
La face cachée des Frères
Plus importante encore est la Fédération des Organisations Islamiques d’Europe, la branche européenne du mouvement mondial des Frères Musulmans, qui a commencé à œuvrer au sein des immigrés musulmans en Europe dans les années 1950 et est très officiellement enregistrée en Angleterre comme ONG depuis 1989. Son siège est aujourd’hui à Bruxelles et elle regroupe un millier ( ! ) d’organisations islamiques dans trente pays – organisations de femmes, de protection de l’enfance, d’étudiants, de travailleurs, de bienfaisance, etc.
Elle cherche à imposer son emprise à toutes les organisations islamiques du continent pour préserver l’identité religieuse de tous les Musulmans et les rapprocher de ses principes fondamentaux, l’établissement du califat et la mise en œuvre de la Charia.
L’Occident est donc au pied du mur. Pour les médias et les gouvernements, la Confrérie est un mouvement islamique authentique, modéré, qui œuvre au développement et à la modernisation du monde musulman ; en un mot, le seul espoir de ce monde. Aux Etats-Unis, le département d’Etat a réagi en déclarant que les deux organisations mentionnées plus haut ne sont pas terroristes et a demandé des explications aux Emirats.
Les Norvégiens ont fait de même concernant « Le conseil islamique de Norvège ».  Stockholm a rejeté la classification des Frères comme organisation terroriste et particulièrement l’inclusion de l’Association Musulmane de Suède. Londres a préféré différer sa réaction. En effet, il y a quelques mois le Premier ministre a initié une enquête pour savoir si les organisations de Frères Musulmans agissant sur son sol sont liées au terrorisme. L’enquête est semble-t-il terminée, mais la publication du rapport se fait attendre ; selon des fuites, le rapport ferait état d’un lien entre les Frères et le terrorisme. Le gouvernement britannique, qui craint des réactions violentes de la part des Musulmans, souhaite donc procéder à de plus amples investigations.
« Au nom d’un intérêt arabe commun »
La Ligue Arabe pour sa part s’est empressée de saluer la publication de la liste. Son secrétaire général, l’Egyptien Nabil el Arabi, a publié le communiqué suivant : «Nous sommes entièrement d’accord avec cette décision, en particulier dans le cadre de la vague de terreur que connaît la région », ajoutant que l’Egypte a déjà pris une mesure similaire et que l’Arabie saoudite avait déclaré que la Confrérie était une organisation terroriste.
On sait que les Frères Musulmans se refusent à accepter la destitution de Morsi et se battent contre le régime d’Abdel Fattah al-Sissi.
Il est intéressant de noter l’évolution intervenue ces jours derniers dans les relations entre l’Arabie saoudite, le Bahreïn et les Emirats d’une part, et le Qatar dont le soutien à la Confrérie est bien connu. Ces trois pays avaient rappelé il y a plusieurs mois leur ambassadeur de Doha pour consultation. Ils voulaient protester contre ce soutien et contre les émissions d’Al-Jazeera qui glorifient les Frères et incitent à la haine contre l’Egypte et contre les pays du Golfe. Ils avaient demandé au Qatar d’expulser les dirigeants de la Confrérie, et notamment leur prédicateur phare, Youssef Qardawi, et de mettre un terme à l’incitation contre leurs régimes. Un compromis a pu être négocié : les ambassadeurs retourneront à leur poste – mais si les dirigeants peuvent rester, l’incitation devra prendre fin.
Pour l’instant, ce changement n’est pas visible dans les émissions d’Al-Jazeera. Ce compromis qui n’en est pas vraiment un traduit l’inquiétude de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe devant la menace de l’Etat islamique d’une part, et de l’autre, d’un Iran qui risque de disposer de l’arme nucléaire à l’heure où il est question d’un accord entre l’Occident et les Ayatollahs.
Riyad a donc conclu que la solidarité entre les pays du Golfe était sa préoccupation essentielle et demandé à l’Egypte de comprendre cette évolution « au nom d’un intérêt arabe commun. »
La présidence égyptienne s’est contentée de saluer l’accord. A la question de savoir si l’Egypte comptait normaliser ses relations avec Qatar, Sissi a répondu qu’il convenait d’attendre et de voir les résultats de l’accord. Il est peu probable en effet que les Frères Musulmans cessent leur lutte contre un régime dont ils contestent la légitimité et qui a emprisonné la plupart de leurs dirigeants, dont certains ont été condamnés à mort.
Les pays arabes sont donc pris dans un maelstrom qui risque de les emporter comme il a déjà emporté la Libye, la Somalie, l’Irak, la Syrie, le Yémen et le Liban, et cherchent à y échapper par tous les moyens, fut-ce au prix d’un difficile compromis. Pendant ce temps, les pays européens, eux, qui risquent pourtant d’être emportés à leur tour, se refusent à voir le danger que représentent les organisations terroristes se réclamant des Frères Musulmans qui sont déjà implantées sur leur sol.
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