« Avraham ouvrait sa porte à tous »

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. C’est ce qu’a annoncé Ouzi Landau, le ministre du Tourisme, à l’occasion de Rosh Hashana. Sa cible : les petits budgets. Et son mot d’ordre : créa

L’Avraham hostel à Jérusalem.  (Kathie Kriegel (photo credit: DR)
L’Avraham hostel à Jérusalem. (Kathie Kriegel
(photo credit: DR)
Une auberge de jeunesse, pour un ministre. Ce n’est pas exactement l’endroit où l’on s’attendrait à être convié pour une conférence de presse. Mais Ouzi Landau a de bonnes raisons de vouloir surprendre son monde. Entouré de son équipe, c’est à l’Avraham Hostel de Jérusalem, autour d’un brunch, qu’il a présenté ses vœux pour la nouvelle année au personnel de son ministère.
Ce choix du lieu, mûrement réfléchi, est hautement symbolique. C’est tout d’abord l’endroit tout désigné pour s’inscrire dans les pas du premier patriarche Avraham, l’hôte par excellence, qui a ouvert sa maison aux trois anges, émissaires du Tout-Puissant, venus tester son hospitalité, a rappelé le ministre d’emblée. « Nous voulons accueillir tous les touristes, de toutes confessions et de tous pays ».
La maison est ouverte, donc. L’appel n’est pas seulement commercial. Il traduit aussi la volonté de faire découvrir Israël au monde pour en cueillir les dividendes politiques. « Israël est l’endroit le plus sûr du Moyen-Orient pour les Chrétiens et les Arabes », a martelé le ministre. Encore faut-il le faire savoir et arriver à convaincre les tour-opérateurs et les potentiels touristes de venir le constater sur le terrain.
Pour ce faire, Landau compte sur tous les acteurs de la profession, dont il a invité un large panel à venir exprimer leurs idées et partager leur expérience à l’occasion de cette rencontre et a organisé de nombreux colloques, pour travailler activement à cette relance hors des sentiers battus. « Israël, terre de création », est la nouvelle signature du ministère du Tourisme.
Les prémices de la reprise
Le secteur touristique a été gravement affecté par l’opération Bordure protectrice. Selon les chiffres du Bureau central des statistiques, seulement 400 000 touristes ont passé leurs vacances dans l’Etat hébreu en juillet et août, soit 31 % de moins qu’en 2013, et 2 milliards de shekels de pertes, dont 500 millions pour les seuls hôtels, remplis à 30 % seulement, ont été enregistrés. Pour compenser le manque à gagner, l’industrie se voit dotée d’une enveloppe de 491 millions de shekels de rallonge budgétaire pour 2014.
Ouzi Landau, le ministre du Tourisme, a commencé par remercier le Premier ministre pour son soutien immédiat à l’industrie du tourisme. « Les chiffres prouvent que les indemnisations réclamées au gouvernement pour des zones qui vont au-delà du rayon des 40 kilomètres étaient nécessaires », a-t-il affirmé. « Grâce à cette augmentation substantielle de notre budget, nous avons pu éviter le licenciement de milliers d’employés et cela nous permettra de renforcer notre soutien aux entreprises touristiques, qui contribuent fortement à la croissance économique du pays », a-t-il précisé sous les applaudissements.
Cette manne financière à l’échelle nationale, assortie d’une indemnisation pour les taxes foncières, s’adresse tout particulièrement aux petites et moyennes entreprises. 20 millions de shekels iront directement aux guides touristiques et aux acteurs de ce secteur d’activité du Sud du pays.
Autre bonne nouvelle, la création d’un comité interministériel qui se penchera sur le soutien à accorder systématiquement à cette industrie en temps de crise. Le ministre a rappelé que le tourisme emploie 200 000 personnes dans le pays et rapporte davantage à l’économie du pays qu’il n’en coûte. « Tout le monde comprend l’importance de soutenir ce secteur d’activité qui est un moteur de croissance économique et fait rentrer 40 milliards de shekels dans les caisses de l’Etat », a-t-il souligné.
« Il faudra bien 6 à 7 mois pour assurer la relance », concède Ouzi Landau. « Mais nous avons déjà à nous réjouir d’une occupation des hôtels pendant les fêtes de Tichri plus que satisfaisante », a-t-il confié. Les données publiées par l’Israel Hotel Association, invitent à l’optimisme, puisque l’occupation dans les établissements hôteliers à Ashdod et Ashkelon a frisé les 100 %. C’est dû en grande partie à la forte mobilisation des Israéliens et leur soutien à ces régions. A noter aussi une forte fréquentation à Eilat, la mer Morte et Haïfa. 90 % à Jérusalem, 85 % à Natanya, 70 % à Herzliya.
« Nous avons enregistré beaucoup de désistements cet été », avoue David Parsons, directeur de la communication de l’ambassade Internationale des Chrétiens en Israël. « Mais nous enregistrons une augmentation du nombre de pèlerins pour la fête des Tabernacles qui a lieu à Souccot avec la venue cette année de près de 4000 chrétiens de
80 pays pour ces célébrations, ce qui confirme la reprise », fait-il remarquer.
« Israël, un voyage à faire au moins une fois dans sa vie »
En revanche, Eli Gonen, président de l’Israel Hotel Association, déplore encore des annulations pour les mois à venir et pointe qu’à Tel-Aviv, où le tourisme dépend des visiteurs étrangers, l’occupation n’aura pas dépassé les 60 %. Il est convaincu que seule une vaste campagne de marketing sera à même de réduire les méfaits de la crise. Et telle est justement l’intention du ministre.
Le budget marketing 2015 va doubler et passer à 10 millions de shekels (2,2 millions d’euros) pour financer la relance. « Nous investissons dans des campagnes publicitaires, sur les chaînes télévisées internationales et sur le net », s’est félicité le ministre. Déjà lancées en Russie et en Allemagne, elles vont s’étendre aux USA et en Europe dès octobre, notamment sur Eurosport TV avec un message fédérateur : « Israël, un voyage à faire au moins une fois dans sa vie ».
Le ministère du Tourisme a convoqué les représentants des Offices de tourisme israéliens et du monde entier (IGTO), afin de mettre en place des mesures pour attirer de nouveaux visiteurs en Israël et mettre sur pied des stratégies de marketing. Avec un slogan : « Stop Working, Start Travelling » (qu’on pourrait traduire par « travaillez moins, voyagez plus »). On sait déjà que les commerciaux de l’industrie du tourisme bénéficieront d’une réduction de 25 % sur les frais de location d’un stand dans les salons organisés par le ministère du Tourisme au cours de l’hiver 2014-2015. Avec de nouvelles cibles : les pays émergents, Chine, Brésil, Inde et des niches commerciales qui se diversifient ; entre autres le tourisme sportif (amateur, sports extrêmes, compétitions) et le tourisme culturel et gastronomique (vitivinicole et œnologique).
Développement des infrastructures, transports, capacités d’accueil hôtelier, construction de nouveaux établissements, rénovation des plus vétustes, entretien et restauration des sites historiques et chrétiens ; augmentation de la capacité d’accueil, tel est bien ce qu’il faut faire, mais cela prend du temps. Compte tenu de la chute de la fréquentation touristique, il importe d’être très réactif pour éviter l’effet domino, a recommandé le ministre. Le message est clair ; tous les touristes sont les bienvenus et les petits budgets se verront encouragés.
Plantez vos tentes
La hausse des prix des certificats de cacherout tombe au plus mal et s’élèverait à 29,5 %. Elle relève d’un ajustement économique sur l’indice des prix, censé entrer en vigueur dès novembre 2014, a fait savoir le ministère des Cultes. Shevi Shai, président de l’Association des Hôteliers, prévient en conséquence d’une augmentation inévitable du prix de la nuitée dans les hôtels. Dans ce contexte la volonté affichée du ministre de favoriser les hébergements à petits prix a été accueillie avec enthousiasme. « Nous allons encourager les structures d’hébergement plus modestes à se développer, car nous voulons cibler les touristes moins argentés », a-t-il expliqué.
« En effet, nous avons constaté qu’en cas de conflit, les annulations viennent principalement des groupes et des voyages organisés (dont les croisières à 90 %), alors que les touristes indépendants sont plus flexibles et moins enclins à annuler leur séjour. C’est donc une clientèle qu’il faut viser », a-t-il souligné. Un site internet (Davkaisrael) a d’ailleurs été spécialement créé pour recenser les différentes opportunités de vacances en Israël pour les petits budgets : hôtels, campings, attractions, Tzimer ou chambres d’hôtes, etc.
Et, nouveauté : pour la première fois, le ministère va accorder des autorisations et des subventions pour la création de terrains de camping et de caravaning à hauteur de 20 % de l’investissement, si l’entrepreneur s’engage à ouvrir dans les 3 ans. Objectif : permettre au public de profiter des vacances en Israël en se mettant au vert, mais pas sur la paille. « Je suis sûr que l’investissement dans le camping et le caravaning amènera une baisse des prix et sera profitable à l’économie locale ».
Une quarantaine de sites fleuriront dans la région de Tibériade, une trentaine dans le Golan et le Néguev, 20 sur la côte et à Eilat et encore une quinzaine ici et là. Avec, sagesse oblige, des zones pour les familles qui recherchent le calme et d’autres pour les jeunes couche-tard plus volontiers fêtards. Budget prévu, 3,5 millions de shekels.
Le tourisme « à la bonne franquette »
Cette réunion à l’auberge Avraham Hostel s’inscrit aussi dans cette mouvance. « Nous allons alléger les démarches bureaucratiques pour créer de nouveaux lieux de ce type », a promis Ouzi Landau. « C’est une très bonne nouvelle », s’est félicité Yaron Burgin, copropriétaire et directeur général de l’établissement. « Au départ nous avions le projet d’une chaîne d’établissements. Mais, en Israël, l’obtention d’un permis de construire et d’une licence d’exploitation, est très réglementée et tout projet passe devant des commissions à n’en plus finir », a-t-il expliqué. Le coup de pouce du ministre qui promet l’ouverture en 2015 à Tel-Aviv d’un deuxième établissement de ce type, prouve sa volonté de joindre l’action à la parole.
« Nous avons une clientèle beaucoup plus flexible qui souhaite découvrir Israël autrement et hors des sentiers battus », a confié Burgin, au ministre. « Nous proposons des excursions originales, dans des endroits moins connus, et même dans les territoires et à Hévron où nos touristes sont invités à manger dans des familles juives et palestiniennes par exemple. Sans faire de politique, nous contribuons à faire évoluer le regard qu’ils portent sur le pays », a-t-il expliqué. « Et pour favoriser les contacts entre les touristes et les Israéliens, après avoir fait le marché au shouk ensemble, nous les initions à la cuisine israélienne que nous partageons ensuite à la bonne franquette. Nous fêtons les fêtes juives et chrétiennes et nous avons même des clients musulmans qui viennent de Russie, d’Inde et de Malaisie », a encore confié Burgin.
Le ministre a salué ces initiatives comme exemples à suivre et encouragé à aller dans ce sens. Comme on pouvait le lire à même le mur de l’auberge de jeunesse écrit en lettres multicolores au-dessus du buffet où le ministre avait convié ses invités autour d’un brunch pour leur annoncer sa nouvelle politique touristique : « Avraham ouvrait sa table à tous ! » Le ton est donné.
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