Disparition d’un rabbin hors du commun

Le rav Frouman était aimé par tous : Juifs de droite, de gauche et Palestiniens.

Rabbi Menahem Froman 311 (photo credit: Marc Israel Sellem)
Rabbi Menahem Froman 311
(photo credit: Marc Israel Sellem)
Le rabbin Menachem Frouman, leader spirituel de la communauté de Tekoa,dans le Goush Etzion, est décédé dans la soirée du lundi 4 mars, à l’âge de 68ans. Atteint d’un cancer du colon depuis deux ans déjà, sa santé s’étaitsubitement dégradée dimanche 3 mars.
Son cours du dimanche soir sur le Zohar, un livre majeur de la mystique juive,était toujours très attendu. Ce 3 mars, la rencontre s’est toutefois dérouléesans lui, à son domicile de Tekoa, en présence de 200 disciples et fidèles.
Mardi 6 mars, les funérailles avaient lieu dans la synagogue de Tekoa, enprésence de milliers de personnes, essentiellement issues du courantnational-religieux, visiblement éprouvées par la disparition du leader cultuel.
Un enterrement en forme d’hommage à cette figure si particulière de la sociétéisraélienne : mains tapées en rythme, récit à voix haute du Shema Israël, cepassage préféré du rav de la liturgie juive et chant du tube en hébreu qu’ilaffectionnait tant, Ein li eretz aheret (Je n’ai pas d’autre terre).
Car le rav Frouman savait conjuguer les extrêmes. Avocat inlassable de la paixet artisan du dialogue avec les Palestiniens, il n’en était pourtant pas moinsun adepte du mouvement des implantations Goush Emounim, qui cherche à étendrela présence juive dans les territoires situés de l’autre côté de la ligneverte, en particulier en Judée-Samarie.
« A gauche, comme à droite, tout le monde t’aimait et tu aimais tout le monde», a ainsi déclaré son fils Yossi, le premier à entamer son éloge funèbre. « Tunous as appris que plus la liberté est grande, plus on peut se rapprocher deDieu ».
Le rav Frouman avait vivement critiqué le phénomène dit « du prix à payer »,ces actes de vandalismes perpétrés par une certaine jeunesse extrémiste desimplantations, envers des civils palestiniens ou des cibles musulmanes. En2010, alors qu’une mosquée avait notamment été incendiée dans un villagepalestinien de la région du Goush Etzion, Frouman s’était rendu sur les lieux.En compagnie d’autres rabbins, il avait offert des exemplaires du Coran à lacommunauté musulmane pour remplacer ceux détruits lors de l’agression.
Pour une paix terrestre
« Toute sa vie était paix », a poursuivi le rav DovZinger, un proche du défunt, « il considérait chaque homme comme un ami etrefusait le concept d’ennemi éternel ».
Frouman entretenait le dialogue aussi bien avec Yasser Arafat, fondateur del’OLP, décédé depuis, qu’avec le fondateur du Hamas, Ahmed Yassin. Ilrencontrait également régulièrement Mahmoud Abbas, chef de l’Autoritépalestinienne ainsi que des leaders religieux musulmans.
Dans le cadre d’une solution au conflit israélo-palestinien, dans le cas où lesimplantations de Judée-Samarie passeraient sous souveraineté palestinienne,Frouman militait pour qu’elles ne soient pas démantelées. Franctireur, le rav asoutenu la démarche à l’ONU de Mahmoud Abbas, en 2011, et sa demande dereconnaissance d’un Etat palestinien, comme Etat observateur, non membre.
Le rabbin de Tekoa priait pour tous. Zinger a ainsi rappelé qu’il mettaitd’abord ses tefilines (phylactères) au bras droit, ce qui est la coutume pourun gaucher, avant de les enrouler autour de son bras gauche « pour ShimonPeres, pour Yossi Sarid, pour Amos Oz ».
Dimanche 4 mars, son fils Yehoyashiv avait déclaré au site d’informations Ynetqu’arrivé à ce stade de sa maladie, le rav savait qu’il allait bientôt devoirquitter ce monde. Et avait ajouté qu’avant de perdre conscience, il avaitexprimé le souhait de rester chez lui jusqu’à la fin, entouré des siens.
Le député Naftali Bennett, leader du parti Habayit Hayehoudi, a réagi endéclarant que Frouman « était un juif au coeur gigantesque ». Ouri Ariel,parlementaire du même parti, a confié que cette disparition était une grandeperte pour le pays : « Le rabbin était un des plus fervents défenseursd’Israël. Il aimait son pays, la paix, la générosité.
Il détestait les conflits, aimait son prochain et se donnait sans compter pourrapprocher chacun de la Torah. » Le député Likoud-Beiteinou Zeev Elkin a refusél’idée que le soutien de Frouman à la défense des implantations et ses effortsde paix soient contradictoires : « il aspirait à une paix ici-bas, une paixentre les peuples qui vivent côteà- côte, une paix basée sur l’amour de laterre, pas sur les renoncements. Si un jour la paix doit exister ici, elle seraainsi ».
Au rav Frouman survivent sa femme et ses 10 enfants.