Il faut cultiver son jardin

Grâce au jardinage collectif, Ohr LeNefesh plante les graines de l’intégration sociale pour les personnes qui souffrent de troubles psychiatriques

P1415 JFR 370 (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
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(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)

Enfouir ses mains dans la terre, planter des graines et les regarder pousser a certainement quelque chose d’apaisant et de relaxant pour le moral. Cultiver son jardin permet de se connecter à la nature tout en se débarrassant du stress de la vie de tous les jours. Ce n’est pas seulement la beauté qui en résulte qui rend le jardinage si agréable, mais c’est aussi le plaisir du travail lui-même. Créatif et régénérateur à tout âge, le jardinage est aussi employé comme thérapie.

En plein cœur de Jérusalem, à seulement quelques minutes à pied des cafés animés d’Emek Refaim, se cache un havre de paix pour les jardiniers et amoureux de verdure. Le musée d’Histoire naturelle, un centre d’éducation aux sciences de l’environnement depuis 1962, abrite à ses alentours un immense jardin avec une profusion d’arbres, de plantes et de fleurs. A l’origine, celui-ci entourait l’ancien bâtiment en pierre, construit au XIXe siècle, sans doute une résidence estivale d’un riche Arabe ou Chrétien arménien de la Vieille Ville, aujourd’hui transformé en musée. Ce coin de campagne accueille aujourd’hui un groupe animé de résidents du quartier, qui se dévouent corps et âme pour rapprocher les habitants de Jérusalem de la nature et créer des liens entre eux par le biais du jardinage collectif.

Il existe 35 jardins communautaires dans la capitale, tous placés sous les auspices de la Société pour la protection de la nature en Israël, en coopération avec la municipalité. Ce sont en général des lieux de rencontre, où les voisins travaillent côte à côte pour cultiver, planter, embellir l’endroit, mettant souvent l’accent sur les « plantes utilitaires » comme les arbres fruitiers, les légumes et les herbes aromatiques. Se réunir dans un jardin collectif pour des événements festifs, des activités et repas en commun, préparés à base de produits de ses récoltes, permet non seulement de se mettre au vert, mais permet également de tisser des liens. Le jardin communautaire du musée d’Histoire naturelle est le plus grand de ceux de Jérusalem, amoureusement planté et entretenu par les jardiniers amateurs du voisinage.

Lumière de l’âme et Serre du cœur

A l’ombre des arbres se trouve la Serre du cœur, une serre thérapeutique créée et gérée par Ohr LeNefesh, une organisation à but non lucratif consacrée au bien-être des personnes atteintes de troubles mentaux.

Fondée en 2002 par des travailleurs sociaux britanniques, Avraham et Hinda Schryber, Ohr LeNefesh offre le soutien de la collectivité à 170 personnes qui souffrent de diverses formes de troubles psychiatriques. L’organisation régit des appartements d’aide à l’autonomie à Jérusalem, Beit Shemesh et Kiryat Sefer. Elle fournit orientation, thérapie et réadaptation professionnelle aux personnes souffrant de maladies telles que schizophrénie, trouble obsessionnel compulsif, trouble bipolaire, dépression sévère et troubles de la personnalité. Ohr LeNefesh gère également une clinique de diagnostic et de suivi psychiatrique ouverte au public, qui offre des services d’évaluation et de thérapie individuelle, conjugale et familiale. L’association s’adresse à tous, mais la majorité de ses patients sont issus de familles religieuses, issus d’Israël comme de l’étranger.

La Serre du cœur a vu le jour quand un conseiller en réinsertion sociale d’Ohr LeNefesh a amené quelques-uns de ses patients au jardin comme activité thérapeutique. Ils ont commencé par mettre en pots des plantes grasses et sont revenus régulièrement les entretenir. Le projet s’est étendu ensuite grâce à un autre conseiller qui, avec ses patients, a introduit de nouvelles espèces de plantes, de fleurs et d’herbes aromatiques.

La serre a été ouverte officiellement en 2007. Aujourd’hui, six ans plus tard, elle emploie quatre travailleurs, tous patients d’Ohr LeNefesh, assistés par quelques bénévoles. Son responsable, Tal Cohen, est un professionnel du jardinage thérapeutique qui poursuit actuellement une formation plus poussée dans ce domaine.
Comme lui, ceux qui travaillent à la serre sont tous des « mitmodedim », ou des personnes en « réinsertion ». Issu lui-même de ce groupe, il a commencé comme l’un des travailleurs avant d’être promu directeur.

Cohen souligne la bonne entente qui règne entre ses ouvriers et les responsables du jardin communautaire. De même avec les membres de Garin Dvash, un groupe de jeunes étudiants qui ont terminé leurs études secondaires et passent une année au service de la collectivité, à travailler dans les jardins collectifs et organiser des programmes éducatifs. C’est un environnement agréable et convivial, où tous travaillent ensemble, s’entraident et se soutiennent mutuellement dans leurs tâches quotidiennes.

« J’aime venir ici », déclare-t-il. « C’est un endroit où l’on peut entendre le bruissement du vent dans les arbres. Les gens du jardin communautaire sont sympas, nous travaillons tous ensemble, et l’ambiance est tout à fait détendue.
Sur le plan professionnel, j’ai la chance de pouvoir exercer un métier comme jardinier thérapeutique, et, comme quelqu’un en réadaptation, le travail manuel me fait énormément de bien. »
Les ouvriers de la Serre du cœur collaborent avec de nombreux bénévoles, que ce soit des groupes ou des particuliers, enfants et étudiants. Un groupe d’enfants autistes d’une école d’éducation spécialisée de Jérusalem vient ainsi une fois par semaine travailler avec Cohen à l’entretien des plantes. La serre vend aussi des plantes aux visiteurs et lors de foires artisanales dans différents quartiers de la ville.

La solitude des malades

L’un des objectifs importants du projet est bien sûr l’intégration des personnes atteintes de troubles psychiatriques au sein de la collectivité. Un après-midi par semaine se déroulent les rencontres Zoula B’teva, une initiative conjointe du jardin collectif et du centre Lama, un programme pour les personnes confrontées à des problèmes de santé mentale. Fondatrice et directrice du centre, Sima Levi s’est liée d’amitié avec Cohen et tous deux ont joint leurs efforts pour mettre en place cet événement hebdomadaire. A cette occasion, les membres du centre Lama, les employés de la serre et les bénévoles du jardin se réunissent pour préparer et partager un repas sain, dans ce cadre bucolique, entourés d’arbres et de fleurs, profitant de l’air frais, de la bonne cuisine et de la compagnie des uns et des autres.

Un autre projet mobilise les énergies de ces trois organisations : le lancement d’un centre pour le développement durable, sur les prémices mêmes de la serre et du jardin. Ce centre a pour but de rapprocher ceux qui souffrent de maladies psychiatriques des merveilles de la nature et de les initier aux valeurs et aspects pratiques de la durabilité. Cela doit leur permettre de développer leurs talents créatifs et les mêler à la population ordinaire. Le programme comprend une formation en agriculture biologique, un club de petit-déjeuner qui utilise les légumes cultivés sur place, et des conférences sur la durabilité, la santé mentale et physique, et le tri des déchets pour le recyclage. Sont aussi prévus des cours d’écriture créative, de photographie intuitive et la fabrication d’objets à partir de matériaux recyclés. Des représentants du jardin communautaire fourniront des conseils pratiques et théoriques et inviteront les participants aux repas collectifs et événements qui ont lieu dans le jardin.

Comme le souligne Sima Levi, toutes sortes d’expressions politiquement correctes désignent les conditions de santé mentale, en hébreu ou en français, et probablement dans la plupart des langues. Que l’on parle de « psychiatrique » ou de « santé mentale », de « maladie », de « troubles », de « problèmes » ou de « désordres », cela n’a aucune importance. Ce n’est qu’une question de mots ! Ce qui compte, affirme-t-elle, c’est de comprendre qu’une personne atteinte de trouble bipolaire, de schizophrénie ou de toute autre maladie mentale est quelqu’un comme tout le monde et doit être traitée comme être humain et non pas comme un malade.

« Ceux qui participent à nos programmes sont tous diagnostiqués comme atteints d’une “grave” maladie psychiatrique », explique Levi. « Avec ou malgré cela, nous menons nos vies, fonctionnons au sein de la société et y apportons notre contribution. Nous avons parmi nous des auteurs, des poètes, des médecins, des avocats, des photographes… la liste est longue.

Néanmoins, la stigmatisation associée à la maladie psychiatrique persiste, et à cause de cela on ne peut pas « sortir du placard », parler de notre condition, ce qui nous rend souvent très solitaires. C’est pour cette raison que la Serre du cœur, le Mercaz Lama et les rencontres Zoula ont vu le jour. C’est pourquoi nous travaillons également à développer ces programmes et lancer le Centre pour le développement durable. » 

Pour plus d’informations sur Ohr LeNefesh et la Serre du cœur, visitez www.ohrlenefesh.org ou envoyez un courriel à

contact@ohrlenefesh.org.
Pour tout renseignement sur le Mercaz Lama, adressez-vous à
hachlama@gmail.com.

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