La Judée-Samarie comme vous ne l’avez jamais vue

La région intensifie ses relations avec l’étranger pour faire entendre la voix de ses habitants à l’international. Et ça marche.

P17 JFR 370 (photo credit: Reuters)
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(photo credit: Reuters)

Dani Dayan a fortà faire. Lorsqu’il ne mène pas de visites guidées en Israël, cet« ambassadeur » du Conseil des implantations juives de Judée-Samariesillonne les capitales européennes et les Etats-Unis. Il ne mâche pas non plusses mots. Malgré les déclarations officielles du président américain sur leProche-Orient, qui affirment le contraire, il reste persuadé que Barack Obama asu tirer les leçons de ses quatre premières années de mandat, et comprendaujourd’hui que la solution à deux Etats ne mènera pas à la paix.

Pendant plus decinq ans, Dayan a présidé le Conseil de Yiosh (acronyme de Yehouda veShomron,autrement dit la Judée-Samarie), dans le sillage du désengagement de la bandede Gaza en 2005. Il a largement contribué à reconstruire l’organisation quipeinait à bien des niveaux.

Il vientmaintenant de créer un service des relations étrangères du Conseil afin,dit-il, « de combler un vide, car, depuis longtemps, la voix des habitantsdes implantations ne rencontre plus d’écho sur la scène internationale ».

Dayan estconvaincu qu’Obama a, depuis belle lurette, renoncé à l’idée de concessionsterritoriales de la part d’Israël, via l’évacuation des implantations. Ou quemettre fin à la soi-disant « occupation » serait la seule voie versla paix. Mais selon lui « même s’ils ne veulent pas l’admettre, tous lespays, gouvernements ou organes de réflexion concernés réalisent que les chancesde succès de la solution à deux Etats sur le terrain sont pratiquementnulles ».

Sans kippa, maisavec conviction

Pour Dayan, ce« revirement des mentalités à 180 degrés est apparu au cours des troisdernières années, quand de plus en plus d’instances compétentes estiment que lasolution à deux Etats n’est pas viable – et cherchent maintenant desalternatives ».

Il se base pourcela sur le travail qu’il effectue sans relâche, lors de rencontres avec desinvités de l’étranger, ministres, députés et autres personnalités, en plus desdiplomates en poste en Israël et des membres de la presse étrangère.

Dayan emmènesouvent ces personnes influentes visiter toute la Judée-Samarie, sur descircuits ciblés. « Cela nous permet d’aller à leur rencontre pour leur expliquerles positions de Yiosh, tout en les laissant découvrir par eux-mêmes la réalitésur le terrain », précise-t-il.

Le reste dutemps, Dayan sillonne les capitales européennes et les Etats-Unis –principalement Washington – pour rencontrer les élus, les groupes de réflexionet les comités de rédaction de journaux afin de présenter sa vision de la paixentre Israël et les Palestiniens.

Dayan, qui neporte généralement pas de kippa, ne correspond pas à l’image du« colon » type telle qu’elle est véhiculée dans les médias. Unedonnée qu’il utilise à son avantage pour influencer ses interlocuteurs. Ilparle couramment plusieurs langues, dont l’anglais et l’espagnol, et peut doncsensibiliser les représentants du gouvernement directement, sans avoir recoursà un interprète. « De plus », ajoute-t-il « la création d’undépartement des affaires étrangères offre, pour la première fois, aux habitantsdes implantations les moyens de communiquer directement avec des gouvernementsétrangers pour exprimer et expliciter leurs positions, sans filtres niintermédiaires ».

C’est grâce àcela, explique Dayan, qu’il a été accueilli à Washington, en juin dernier, lorsd’un voyage bien rempli, qui lui aura permis de présenter son point de vue làoù aucun autre dirigeant des implantations n’a eu accès jusqu’à présent. Cettevisite comprenait également des allocutions devant les principaux membresrépublicains du Congrès appartenant à la commission des Affaires étrangères,ainsi que devant d’importants groupes de réflexion basés à Washington.

Son prochainvoyage a pour destination Madrid, où il aura l’occasion de rencontrer desparlementaires, répondant à l’invitation d’un groupe présidé par l’ancienPremier ministre espagnol José María Aznar.

En plus de luiavoir ouvert des portes en haut lieu, ce changement se fait sentir égalementdans la volonté « sans précédent », souligne-t-il, des grands médiasoccidentaux de promouvoir ses positions sur les implantations.

Dayan a ainsirécemment publié des articles d’opinion dans les pages éditoriales de grandsjournaux prestigieux, tels que le New York Times et The Guardian.

Il a égalementété l’invité d’une émission populaire sur la BBC, et participé à un débat àl’université d’Oxford, retransmis en direct sur Al Jazeera, la chaîned’information la plus regardée dans le monde arabe.

« Tout celaa inversé la donne », déclare Dayan. « Aujourd’hui ce sont les médiasqui nous courent après pour écouter notre point de vue, et pas le contraire. Lemouvement des implantations a été diabolisé et marginalisé pendant silongtemps… mais désormais les organes de presse admettent que nous faisonsintégralement partie du débat »

Le Daily Telegraphet la chaîne américaine MSNBC viennent ainsi de réaliser un reportage completsur la vie en Judée-Samarie. « Chercher à savoir qui sont réellement leshabitants des implantations et ce qu’ils pensent est une démarche nouvelle àlaquelle nous n’avons pas été habitués », note-t-il.

Si seulement lesmédias français pouvaient suivre le mouvement et se montrer plusobjectifs ! Il semble que, de ce point de vue-là, un long travail reste àfaire…

Les deux Etatsont fait long feu

Interrogé sur cequi l’a convaincu que le président américain a changé son fusil d’épaule, Dayanobserve : « Obama reste très passif sur la question. Qu’il laisse lesecrétaire d’Etat américain John Kerry prendre part seul aux discussions, sanssoutien significatif, indique bien qu’il est conscient que les chances desuccès d’un accord de paix durable, basé sur la formule de deux Etats, sonttrès minces. Il ne veut pas compromettre son legs historique avec cettequestion ».

Fort de cesnouvelles percées, Dayan ne se laisse pas pour autant griser par le succès. Ilsait que le combat n’est pas encore gagné et que tout le monde n’a pas encorechangé d’avis, loin s’en faut. Kerry lui-même reste un ardent partisan de lasolution à deux Etats.

« Kerry estvraiment très présent en Israël. Mais c’est plus l’obsession du secrétaired’Etat lui-même que la ligne politique d’Obama », veut croirel’ambassadeur des implantations. « D’autres, comme lui, persistent,s’obstinent sur la solution à deux Etats », concède-t-il, « maiscertains commencent également à envisager la possibilité d’un virage à droiteou à gauche, voire même d’un demi-tour. C’est une situation unique qui nousplace dans une position d’influence, et nous tentons à peser sur labalance. »

Dayan s’affirmede but en blanc contre la création d’un Etat palestinien. Une position qu’ildéfend à l’aide de trois arguments majeurs : les liens historiques dupeuple juif avec la Judée-Samarie ; la coexistence arabo-juive actuelledans toute la zone ; les menaces que ferait peser sur la sécuritéisraélienne, la création d’un « Etat à la botte de l’Iran » auxfrontières de la nation juive.

Sur la questionde la sécurité, il se fait ainsi fort d’interroger les diplomates qu’ilrencontre : « Seriez-vous prêt à envoyer votre fils combattre au seind’une force internationale afin de défendre Israël contre des attaques deroquettes palestino-iraniennes ? » Une interrogation qui a le méritede les confronter à la réalité de la solution à deux Etats. Réalité quiobligerait Israël à s’appuyer sur les garanties internationales et les vies dejeunes soldats américains et européens.

L’avenir passerapar la Jordanie

Elie Pieprzassiste Dayan dans ses nouvelles fonctions. Immigrant américain originaire deWashington, il a passé des années au Capitole à travailler comme lobbyisteprofessionnel sur les questions intérieures américaines. Aujourd’hui directeurdes affaires extérieures du Conseil des implantations de Judée-Samarie, Pieprzn’était pas directement impliqué dans les questions liées à Israël, au cours deses années passées dans la capitale américaine. « Mais quand voustravaillez à Washington et que portez une kippa, vous devenez automatiquementambassadeur des Juifs américains pour tout ce qui touche à l’Etathébreu », sourit-il.

Les relationsétroites qu’il a tissées avec les élus lors de son passage là-bas lui ouvrentaujourd’hui de nouvelles portes dans sa position actuelle de représentant de laJudée-Samarie, et lui permettent d’introduire Dayan plus facilement dans lecénacle. Le rôle de Pieprz est de « rendre la Judée-Samarie accessible auplus grand nombre, par la création d’une plate-forme en anglais et en apportantla logistique nécessaire aux militants sur le terrain ». Il prévoit pourcela le lancement d’un nouveau site internet qui supervisera la production dedocuments écrits, notamment de travaux universitaires sur la légitimité deYiosh en vertu du droit international et servira de centre de ressources pourl’organisation de voyages, afin de « transmettre le message que nous essayonsde faire passer ».

En fin de compte,si la solution à deux Etats n’est pas la réponse selon eux, quelle estl’alternative proposée par Dayan et Pieprz à ce public hautement influent etréceptif en termes de paix entre Israël et les Palestiniens ?

La résolution duconflit sera régionale et comprendra la Jordanie, répondent-ils en chœur.« Ce sera une résolution fonctionnelle, et non territoriale. Il n’y aurapas de souveraineté étrangère à l’ouest du Jourdain. On ne peut pas acceptercela. Nous devrons concevoir un partage des responsabilités », veut croireDayan. « Ce partage comprendra la Jordanie, puisqu’Israël n’a pasl’intention de gérer la vie des Palestiniens ». Et d’ajouter,catégorique : « Nous ne partagerons pas la Judée-Samarie, lasouveraineté appartiendra à Israël ».

Le représentantreste néanmoins persuadé qu’une paix véritable n’est pas encore à portée demain. La faute aux accords d’Oslo, tacle-t-il.

« Lesillusions nées des accords d’Oslo ont été le coup le plus dur jamais porté auxefforts de paix. Oslo a soulevé des espoirs que les Palestiniens ne pourrontjamais satisfaire. Pour chaque année écoulée depuis la signature des accords en1933, il faut ajouter une année supplémentaire pour se débarrasser de toutesles illusions. Je ne vois donc aucun changement possible à la situationactuelle dans les 20 prochaines années ».

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