La guerre dans la guerre

Le média est une arme considérable dans le conflit israélo-palestinien.

Mise en scène de supporters du Hamas à Gaza simulant la prise d'otages des trois Israéliens. (photo credit: REUTERS)
Mise en scène de supporters du Hamas à Gaza simulant la prise d'otages des trois Israéliens.
(photo credit: REUTERS)
Le rôle des médias dans le présent conflit asymétrique israélo-palestinien est loin d’être négligeable. Pour les démocraties en lutte contre le terrorisme, il est crucial de gagner cette guerre médiatique, cette « guerre dans la guerre », car de cette victoire dépend leur crédibilité sur la scène internationale. Israël, à l’image de toute démocratie ne veut pas être isolé politiquement ; il a besoin du soutien des autres pays. Pour autant, l’Etat juif semble moins maîtriser que son voisin palestinien cette guerre médiatique qui diabolise l’ennemi et utilise fortement l’image.
Lors des deux dernières opérations à Gaza, Plomb durci (27 décembre 2008-18 janvier 2009) et Pilier de défense (14 au 21 novembre 2012), Israël a suivi la « stratégie du levier », ou de la réponse disproportionnée : renforcer la pression sur les populations civiles qui cachent volontairement ou non des terroristes, ou des armes. Difficile de savoir si cette logique se révèle effective pour combattre le terrorisme, mais une chose est sûre, elle incite surtout à la critique d’Israël sur le plan international.
Lors de la récente opération Gardien de nos frères, qui avait pour objectif de retrouver les trois adolescents israéliens, Tsahal a pourtant choisi d’utiliser les réseaux sociaux et les médias. D’abord pour véhiculer l’information, mais aussi pour construire un activisme national et une dynamique de loyauté envers Israël. L’objectif est de rallier la population à la cause du pays menacé : le nationalisme israélien s’en retrouve ainsi exacerbé. Ces derniers jours l’ont bien montré avec la mort des trois jeunes adolescents israéliens Eyal Yifrah, Gil-Ad Shaer et Naftali Fraenkel : le soir de l’annonce du décès était dédié à la peine, puis, très vite, la colère a fait son chemin dans les rues de Jérusalem.
Sans doute, en raison de la vaste campagne médiatique qui a accompagné l’opération « Gardien de nos frères ». En 19 jours seulement, d’importants moyens ont été déployés, côté israélien comme palestinien, et la démesure était au rendez-vous. #BringBackOurBoys, la campagne médiatique autour des trois otages, a créé un consensus si fort que les Israéliens voyaient en eux un membre de la famille, un frère.
Mais la réponse médiatique du côté palestinien a aussi eu de grands échos.
#BringBackOurBoys, version palestinienne
Il faut dire que les Palestiniens n’ont pas lésiné. Sans trop de complication, ils ont récupéré le fameux #BringBackOurBoys israélien en appelant à libérer leurs prisonniers palestiniens. Ils ont également réutilisé le symbole de la coupe du monde pour ironiser l’enlèvement des trois Israéliens (cf. illustration ci-contre). Un autre de leur message célébrait le kidnapping : la campagne des « trois Shalit ». Son principe était simple : publier des photos de citoyens levant trois doigts sur les réseaux sociaux les plus célèbres, ce geste symbolisant le soutien à l’enlèvement des trois Israéliens. Les clichés mettant en scène des enfants ont eu un impact tout particulier, ce qui a permis à la campagne de prendre un essor considérable à l’échelle internationale, atteignant l’Egypte, la Tunisie et d’autres pays arabes désireux d’exprimer leur solidarité et leur soutien au kidnapping.
Une guerre virtuelle a donc bel et bien eu lieu sur les réseaux sociaux, qui a attisé la haine, renforcé la diabolisation de l’ennemi et engendré un mouvement de grande ampleur. Il faut toutefois noter que quelques-uns parmi les Palestiniens ont tenu à soutenir la campagne israélienne de #BringBackOurBoys : ils ont été menacés de mort, ou en tout cas ont été largement critiqués et discriminés. De la même manière que la nation juive s’est soudée autour de ses trois otages, unie dans l’attente de leur retour, puis dans la douleur, les Palestiniens se sont fédérés en apportant massivement leur soutien à l’enlèvement, acte légitime à leurs yeux car, arguent certains, les trois adolescents étaient avant tout des colons.
Toutefois, on peut s’interroger sur la pertinence réelle de cette culture de la haine au travers d’une utilisation de l’image. Cette voie choisie par les Palestiniens est contre-productive car, dans un tel moment de douleur en Israël, la campagne palestinienne n’a fait que convaincre les Israéliens du danger de l’établissement d’un Etat Palestinien.