Le calme avant la tempête

Un été sous haute préoccupation sécuritaire. Même en ces temps de vacances, difficile de faire abstraction des menaces qui pèsent sur l’Etat hébreu

Calme avant la tempete (photo credit: (© Photo illustrative/Reuters)
Calme avant la tempete
(photo credit: (© Photo illustrative/Reuters)

Israël, fin de l’été 2012. Nous roulons sur la route 6, assaillie par desfamilles en partance pour la Galilée, la vallée de Jezréel et le plateau duGolan, par des voitures breaks chargées d’enfants rieurs, de vélos et dematelas gonflables. Comme tout le monde, nous nous arrêtons à mi-chemin pourprendre glace, café ou croissant dans une aire de repos, et faisons la queuederrière des papas, des bambins agités et des femmes enceintes exténuées par lachaleur.

Quelques jours avant notre voyage, le président iranien Mahmoud Ahmadinejads’était adressé aux fidèles de l’Université de Téhéran, à l’occasion derassemblements pro-palestiniens marquant le jour annuel de Qods (Jérusalem), ledernier vendredi du mois sacré du Ramadan, en ces doux termes : “L’existence durégime sioniste est une insulte à l’humanité tout entière.” Une chance que nospetits ne lisent pas les journaux.

Nous sommes partis avec deux voitures, une pour les grands-parents (nous) et l’autrepour notre fils, belle-fille et adorables petits-enfants, quatre au total, tousâgés de moins de huit ans. Les plus jeunes sautent partout, pressés d’arriveret de plonger dans un grand bassin d’eau fraîche. Mais nos chambres du kibboutzNir David, près de Beit Shean, ne seront disponibles qu’à 3 heures. Il s’agitdonc de trouver un moyen de les divertir jusque-là.

Première escale : Beit Shearim. La magnifique nécropole de grottes funérairesdatant du roi Hérode est un endroit sombre et frais, merveilleux sited’exploration pour des enfants turbulents. Les murs sont couverts de symbolesjuifs : une menora à sept branches, une arche de l’alliance, un etrog et unloulav, vestiges palpitants de la vie juive florissante en Basse Galilée, sixsiècles avant la conquête arabe.

Point de mire le plus célèbre : la tombe de Rabbi Yehouda Hanassi, chef duSanhédrin, qui avait déplacé cette illustre institution judiciaire à BeitShearim. Plus récente, la statue d’Alexandre Zaid à cheval, surplombant lavallée de Jezréel, nous rappelle les luttes et les sacrifices incessants pourreconstruire notre patrie sur cette terre antique.

Zaid, vétéran de l’organisation de défense juive Bar Giora, ancêtre deHashomer, s’était installé ici en 1926 avec sa femme Séphora et leurs quatreenfants. Il officiait comme gardien pour le compte du Fonds national juif.Douze ans plus tard, il était assassiné près de son domicile par un Bédouinlocal. Son meurtrier a été arrêté et tué par le Palmah.

Au temps des pionniers

L’histoire de l’Etat juif va accompagner nos brèves vacances d’été. Aprèsun plongeon dans les eaux fraîches du parc national Gan Hashlosha, visite d’unmusée, reconstitution exacte de la cour de Tel-Amal, la première “tour etpalissade” (Homa Oumigdal) installée en une nuit dans la période pré-étatiquepour décourager une attaque arabe et les tentatives britanniques de gelerimmigration et l’implantation de 1936 à 1939.

Le plan, conçu par Moti Gour, membre du kibboutz Nir David, était de construireune tour en bois surmontée d’un projecteur, qui servait de poste d’observationet d’alerte, de l’entourer de quelques huttes, puis d’encercler le tout d’unhaut mur construit de deux clôtures en bois pareballes remplies de graviers. Enmoins de trois ans, 55 collectivités ont été établies sur ce modèle, dukibboutz Dan, au nord, au kibboutz Negba au sud, des sites qui pour la plupartn’avaient pas connu d’âme juive depuis plus de mille ans.

Les hardis pionniers avaient la vie dure. Les enfants jettent un coup d’oeilsur les chambres nues et la cuisine rugueuse. Ils enfilent les tabliers bleuset les foulards, contemplent les houes et les pierres. Ils portent des seaux,les remplissent d’eau qu’ils vident dans un ustensile muni d’une planche àlaver pour se faire une idée de la lessive aux temps des pionniers.

Je les regarde, ces petits sabras, nés dans un pays libre, épris de paix,peuplé de locaux et de survivants de la Shoah, d’immigrés en fuite de la piremachine de persécution jamais encore inventée par l’humanité. Ils s’amusent enfaisant semblant de cuire le dîner sur la houe de gravier.

Après avoir escaladé la tour de guet, nous admirons la vue magnifique surl’oasis et ses eaux scintillantes. Je pense au rouage de l’histoire qui nous aconduits, leurs parents et moimême, à cet endroit et à cet instant del’histoire juive.

Le bulletin d’informations diffuse des images du cheikh Hassan Nasrallah,le vil chef de guerre terroriste, le protégé de l’Iran, qui nous fait unepromesse : son groupe va transformer la vie de millions d’Israéliens en“enfer”. Attendu que la dernière guerre du Liban a connu une fin prématurée,grâce au génie d’Ehoud Olmert, qui a permis au Hezbollah de se réarmerjusqu’aux dents, je prends Hassan très au sérieux.

Nir David est un tapis verdoyant, traversé par une rivière d’eau de source aucours tranquille. Les enfants jouent à l’ombre d’énormes palmiers, nourrissentles canards et les poissons de pain rassis, et s’arment de leurs bouées pourplonger dans la piscine olympique du centre sportif moderne. Le hennissementdes chevaux dans les écuries, le piaillement des oiseaux, le crissement desroues de bicyclette sont les seuls bruits qui troublent le calme ambiant.

A chacun sa foi

Tous de retour à la maison, tandis que les parents préparent les vêtementset les fournitures en prévision de la nouvelle année scolaire, le présidentégyptien Mohamed Morsi assure, en bruit de fond, au Premier ministre du HamasIsmaïl Haniyeh que “l’Egypte et la Palestine sont une seule et même entité.”

La Turquie, autrefois amie, alliée et lieu de villégiature prisé par lesIsraéliens, s’est transformée en république islamique qui nous claque la porteau nez. L’Egypte, notre partenaire de paix, a été reprise par les Frèresmusulmans. La Syrie est submergée par des forces sauvages, ni plusraisonnables, ni moins haineuses envers nous l’une que l’autre.

Le Hezbollah, au Liban, est une marionnette iranienne. Et l’Iran et l’Irak,anciens ennemis jurés, s’unissent désormais pour braver le boycott occidental,tentative frileuse de ralentir la production d’une bombe nucléaire à la mercide la vision messianique des mollahs iraniens déments : une carte sans Israël.

Nous, nos enfants et petits-enfants, et le reste de la grande nationd’Israël des temps bibliques, nous tenons au beau milieu d’un tourbillon tandisque les forces maléfiques du monde entier encerclent notre terre exiguë,chèrement acquise, industrieuse, magnifique et ses habitants créatifs etnobles.

Certains ont foi en notre armée. Certains en les membres de notregouvernement.Certains en Dieu. D’autres, comme moi, en les trois. Mais où que nous placionscette foi, il est de plus en plus clair que nous ne pouvons plus compter surnos frères humains d’Amérique ou d’Europe. Il est évident que le présidentBarack Obama, contrairement à son prédécesseur, n’est pas prêt pour une guerrecontre une nation dotée d’armes de destruction massive simplement parce qu’elleconstitue une menace pour l’humanité.

Le chef d’état-major américain, le général Martin Dempsey, a clairementsignifié que l’Amérique et Israël n’ont pas le même agenda. Nous risquons uneannihilation totale, l’Amérique non. Dempsey exhorte néanmoins Israël de nerien faire, sous prétexte d’incapacité à se défendre. Ô combien rassurant !Quant à l’Europe, au lieu de voir en l’Iran un ennemi global génocidaire detoute la planète, et en Ahmadinejad l’héritier spirituel de Hitler et desnazis, elle se contente de faire la “déclaration très ferme” selon laquelle“Israël a le droit d’exister.” Merci beaucoup. Que ferions-nous sans vous,chers Européens ? Les mots “plus jamais ça” sonnent creux de nos jours, alorsque les nuages noirs s’amoncellent dans le ciel des jours paisibles de la finde l’été, et que nous attendons patiemment, remplis de peur, de courage et d’espoirce que l’avenir nous réserve.

Mais nos ennemis, même si nombreux, feraient bien de se rappeler ceci : ils nesont pas confrontés aux Juifs désarmés de l’Europe d’il y a 70 ans. Cettefois-ci, ils seront au centre de l’enfer qu’ils créeront de leurs mains.