Prochain arrêt : divertissements

La gare ferroviaire de Jérusalem vient d’être inaugurée. Objectif: attirer les visiteurs « extra-urbains » et étrangers.

P18 JFR 370 (photo credit: Sybil Ehrlich)
P18 JFR 370
(photo credit: Sybil Ehrlich)
 Theodor Herzl avait pris le train depuis Jaffa jusqu’à Jérusalem,en 1898. Mais sans grand enthousiasme : « Le voyage fut “terrifiant”… Etreassis de la sorte, dans un compartiment exigu, bondé et étouffant, était unevéritable torture… » Le Kaiser Wilhelm II et son épouse voyageront égalementavec ce train et transiteront par cette gare, à peu près à la même époque.Herzl et l’empereur se rencontreront à Jérusalem le 2 novembre de cette mêmeannée.
Ce mois-ci, suite à un plan de rénovation et de développement, la gare d’origine,celle-là même où le fameux chemin de fer de Jérusalem tant décrié faisaithalte, vient de rouvrir. Remise au goût du jour sous la forme d’un complexe deloisirs et de divertissements, la nouvelle « Station numéro 1 », donne un coupd’éclat à la capitale.
La gare a été érigée en 1892. Elle était le terminus hiérosolomytain de laligne Jaffa-Jérusalem. La voie ferrée, construite par une société française,avait été essentiellement pensée pour être une voie d’accès pour les pèlerinschrétiens et les acheminer depuis le port de Jaffa jusqu’aux lieux saints deJérusalem. La liaison ferroviaire opérera une véritable mutation sur la ville,en la reliant ainsi au monde extérieur et en apportant des innovations modernesà ce qu’elle était seulement à l’époque : un « trou perdu » de l’Empireottoman. La durée du trajet entre Jaffa et Jérusalem sera dès lors réduite dedeux jours à quelques heures à peine.
En ce lieu et en son temps, il s’agissait d’une extraordinaire innovation ;mais comme la ligne ferroviaire avait été conçue pour être bon marché plutôtqu’efficace, utilisant des matériaux de seconde zone et contournant lesmontagnes au lieu de les traverser, l’itinéraire qu’elle empruntait était lentet laborieux.
Gare fantôme 
Les sortes d’excroissances triangulaires de part et d’autre dutoit, qui évoquent des ailes, seront ajoutées au début des années 1920, sous leMandat britannique.
Le bâtiment de la gare a été rénové plusieurs fois, mais sa structure initialen’a pas changé depuis plus de 120 ans. En 1946, il avait pourtant été réduit encendres par le Irgoun Zvai Leoumi, qui le considérait comme une cible légitime,eu égard son appartenance à la très détestée Compagnie des chemins de ferpalestiniens du Mandat britannique. Les traces de cette explosion sont encorevisibles sur le fronton principal.
Le premier train à rejoindre Jérusalem après la guerre d’Indépendance circulale 7 août 1949, transportant une cargaison symbolique de rouleaux de Torah, duciment, et des sacs de farine. Un service régulier reprit dès 1950 ; et durantles décennies cinquante et soixante, la gare vit défiler pas moins de sixtrains par jour dans chaque direction.
Cependant, à l’approche des années quatre-vingt, malgré un itinéraire certespittoresque entre Jérusalem et Tel-Aviv, avec l’augmentation des ventesd’automobiles, et en raison des temps de trajet qui ne pouvaient rivaliser avecceux des autocars, les services de trains seront considérablement réduits, etl’entretien de la gare et de la voie ferrée cessera quasiment. De fréquentsdéraillements, n’occasionnant fort heureusement aucune victime, auront pourconséquence la clôture de la ligne le 15 juillet 1998.
Suite à cette fermeture, le bâtiment de la gare abrite brièvement un restaurantappelé « Haratzif » (Le quai), abandonné peu de temps après. L’endroit seraalors totalement négligé durant de nombreuses années. La structure en ruines,vandalisée et couverte de graffitis, deviendra même un refuge pour lestoxicomanes et les prostituées, dans un environnement envahi par les ronces etautres mauvaises herbes. Un incendie dans le bâtiment n’arrangera pas leschoses, mais l’édifice survivra malgré tout.
Promenade sur les planches 
C’est en 2005 que la ligne ferroviaire reprendra sonactivité, et ralliera Jérusalem, mais au niveau de Malha, reléguant les cinqderniers kilomètres de voies (entre Malha et l’ancienne gare) aux oubliettes.Cette ultime section a été récemment réhabilitée sous l’appellation de « ParcHamessila » (le parc ferroviaire) avec le souci de conserver intacts les railsd’origine.
Quant à la gare elle-même, agrémentée de tous nouveaux panneaux de béton,relookée de lattes en teck, elle offre le plaisir d’une balade sur lesplanches. A présent, le bâtiment a retrouvé un second souffle. Lieu derendez-vous, centre de loisirs et de divertissements, il est à l’image de sonalter ego situé dans le sud de Tel-Aviv, inauguré en 2009 sous le nom de «Hatahana » (la station).
Moshé Shapiro, le président de « Shapiro Architectes », explique que sa sociétéa démonté le long toit en feuilles de métal, ajouté sous le Mandat britannique,qui couvrait la totalité du quai, pour le remplacer par une structure en bois.Il ajoute qu’il aurait été impossible de reconstruire un toit à identique àl’original, en utilisant les mêmes matériaux, mais que l’aspect extérieur estle même qu’avant l’époque du Mandat, lui restituant une apparence trèsauthentique.
L’ouvrage, dans une certaine mesure, est calqué sur celui réalisé à Hatahanapar un autre maître d’oeuvre.
Et le musée du Rail israélien à Haïfa a offert une ancienne voiture depassagers, ainsi qu’un wagon de marchandises « à plateau », fait savoir ledirecteur de l’établissement, Hen Melling, installés dans la zone d’expositionde la gare. Melling ajoute que la restauration du bâtiment a été effectuée àpartir d’informations fournies par son musée, riche d’une collection de 120 ansd’histoire ferroviaire.
Quant à l’ancien système d’aiguillage, utilisé pour orienter et diriger leslocomotives à vapeur sur les voies, ce sont les opérations de rénovation quiont permis de le mettre au jour.
Il sera réhabilité à son tour pour faire partie de l’exposition permanente.
Attractions, brocante et bio à la une 
Les anciens guichets de billetterie et lasalle d’attente de la gare accueillent désormais une très intéressanteexposition sur l’histoire des chemins de fer en Israël, depuis les toutpremiers projets de construction d’une ligne, qui remontent à 1839, jusqu’auxplans de développement les plus futuristes de la Compagnie des chemins de fernationaux.
Melling mérite d’être vivement remercié, pour avoir fourni des clichésphotographiques historiques provenant du musée de Haïfa. Des panneaux relatantavec force détails les différentes étapes de l’histoire ferroviaire de ce pays,qui existent en hébreu uniquement, ainsi que des présentations d’affiches defilms, constituent une fascinante toile de fond décorative.
Le site appartient à la Compagnie ferroviaire d’Israël et a été loué auxexploitants, pour une période de 10 ans, après quoi il redeviendra propriétépleine et entière de la Compagnie.
Les promoteurs se sont engagés à préserver et maintenir ce site historique derenom, qui s’ouvre au tourisme international. Le lieu, qui a ouvert au public àl’occasion des fêtes de Shavouot, comporte également des stands de vente deproduits gastronomiques de toutes sortes, ainsi que des vêtements et desbijoux. De plus, animations pour enfants, artistes de rue, et plusieurs troupesde danse s’invitent régulièrement pour proposer un programme dedivertissements.
On peut également trouver des légumes biologiques issus d’une ferme familialedu Moshav Hodiya, près d’Ashkelon.
Sur l’étal, du chou frisé, qui semble apparemment revenu à la mode ! D’autresétals proposent fromages faits maison et autres délicatesses. Le « Marché de laferme » est ouvert tous les jeudis et vendredis. Quelques encablures plus loin,« D Station » est une échoppe consacrée aux créateurs de mode. Elle est ouvertetous les mercredis, jeudis et vendredis.
Sport et visites malignes 
Quant aux animations pour enfants, elles ont lieuxles mardis et vendredis, alors que les artistes présentent leurs oeuvres leslundis et samedis. De plus, l’office du tourisme propose des « visites malignes» : une série d’itinéraires pédestres, ainsi que des circuits à bicyclette ouen « Segway ». Des cours de yoga et de Pilates sont également au programme pourbientôt. Ainsi que des appareils de cardio et de gymnastique, et un magasind’articles de sport.
Pour Assaf Polivoda, initiateur des « visites malignes », la Station numéro 1est idéalement située, puisque proche de nombreux autres pôles culturels et dedivertissements de la capitale, comme le théâtre Khan, le Zappa Club, et leLab. Il ne craint pas la probabilité de troubles, sous prétexte que le complexesera ouvert durant le Shabbat.
Des pubs, des restaurants, un « coffee-house » d’époque, et de nombreusesautres activités commerciales composent la « plaza » qui abritait autrefois denombreuses voies ferrées. Certains établissements sont ouverts pendant leShabbat, mais les horaires d’ouverture sont laissés au choix personnel dechaque commerçant ou négociés au sein de la gare. Il n’y a aucun problème pourtrouver un repas casher durant les jours de semaine. Un certain nombre de caféset restaurants ne sont pas encore ouverts, mais l’on peut s’attendre à ce qued’ici peu, la « Station numéro 1 » devienne un lieu de rendez-vous majeur pourles activités de loisirs.
L’office du tourisme accueille également un magasin de souvenirs qui proposedes produits liés à l’univers ferroviaire, ainsi que d’autres articles de trèsbelle facture.
« La Gare » est à deux pas de la Cinémathèque et du théâtre de Jérusalem, et àproximité des parcs « Liberty Bell » et « Hamessila ». Ce dernier est connupour sa promenade à vélo avant-gardiste. La « Vieille Ville » toute prochedevrait aussi profiter au site et attirer les touristes de tout le pays, ainsique les visiteurs du monde entier.