Tombe la neige... sur les épaules de qui ?

Après la tempête, l’inévitable jeu des accusations et recherche de boucs émissaires a commencé. D’aucuns évoquent la « belle solidarité » dont ont fait preuve les Israéliens entre eux. Mais d’autres, députés et citoyens, tentent de réfléchir aux échecs du week-end dernier.

P6 JFR 370 (photo credit: Haim Sach)
P6 JFR 370
(photo credit: Haim Sach)

Lorsque l’incendie a éclaté dans le Carmel, il y a troisans, le Premier ministre Binyamin Netanyahou s’est vanté d’avoir trouvé grâce àGoogle un avion pour aider à éteindre le feu.

Les habitants de Jérusalem mécontents se sont plaint, lasemaine dernière, que Netanyahou et leur maire, l’ancien investisseur decapital-risque dans la haute technologie Nir Barkat, auraient dû chercher« chasse-neige » sur Google.

Heureusement que Barkat a été réélu pour un mandat decinq ans il y a deux mois. Les prochaines élections sont loin, ce qui donne auxhiérosolomytains suffisamment de temps pour pardonner et oublier. Et à Barkattout le loisir d’étudier ce qui doit être mis en place pour préparer lacapitale à affronter la prochaine tempête.

Interrogé cette semaine afin de savoir qui est à blâmerpour le chaos qui a accompagné la tempête de neige et paralysé la ville, Barkata déclaré qu’il était encore trop tôt pour se prononcer. Et d’expliquer auxjournalistes qu’Israël a une certaine propension à rédiger des rapports. Etque, pour sa part, il préfère concentrer tous ses efforts sur le retour à lanormale de la ville.

A noter que le leader de Shas, Aryé Déri – qui a tenté derenverser Barkat il y a deux mois aux municipales – a affirmé la même chosequand il a appelé à la formation d’une commission d’enquête gouvernementale.Selon lui, le rôle de cette future commission ne devra pas consister à désignerdes fonctionnaires responsables, car ce qui importe n’est pas « de fairerouler des têtes », mais bien de tirer les leçons qui s’imposent et mettreen œuvre les mesures nécessaires avant la prochaine catastrophe naturelle. Envain. Le jeu des accusations, qui a démarré avec la première voiture coincéesur l’autoroute Jérusalem-Tel-Aviv, peut désormais commencer pour de bon.

Le contrôleur de l’Etat, Joseph Shapira, s’est engagé àrédiger un rapport, les députés réclament une enquête parlementaire, et Barkatpromet de tirer les leçons de son propre chef.

Sel, pelles et chasse-neige

Parmi les questions susceptibles d’être posées, on trouveen vrac : ne pouvait-on pas prévoir l’énorme quantité de neige qui esttombée ? Pourquoi n’a-t-on pas découragé les non-résidents de Jérusalem devenir ? Pourquoi les sorties de la ville ont-elles été bouchées sivite ? Pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour dégager les voituresabandonnées sur les autoroutes ? Et pourquoi leur réouverture a-t-elle mistant de temps ?

Avant la tempête de neige, Barkat avait été interrogé surles camions pelleteuses, qui apparemment n’étaient pas destinés au déneigement.Les routes n’ont pas été salées avant la tempête, comme c’est le cas dans lesvilles à l’étranger. Est-ce parce que nos routes sont conçues différemment, ouparce qu’une telle mesure a été jugée inutile ? La ville possède-t-elledes souffleuses à neige ? Et que dire des bonnes vielles pellesd’antan ? L’équipe des agents de stationnement municipaux de Jérusalem, enchômage technique pendant la tempête, ne pouvait-elle pas être embauchée pouraller déblayer les rues ? Au niveau national, le ministre de la Sécuritépublique, Itzhak Aharonovitch, et le ministre de la Défense passive, GuiladErdan, ont admis dans une interview que leurs ministères n’étaient pas préparéspour une tempête de cette envergure.

Même si l’on peut comprendre, surtout dans le cas dupetit ministère pauvrement équipé d’Erdan, qu’Israël possède de nombreux planspour les situations d’urgence et autres catastrophes en tout genre.

Ironie du sort, hôpitaux, armées et forces de police dumonde entier viennent régulièrement en Israël pour apprendre à gérer lesditessituations d’urgence et les incidents causant des pertes massives. Ces paysdevront-ils nous renvoyer l’ascenseur et nous apprendre comment gérer unequantité de neige inattendue ?

Les premiers à payer le prix de cette tempête traitée àla va-vite sont les ingénieurs de la Compagnie israélienne d’électricité, quisont allés assister à une conférence à Eilat au lieu d’aider à rétablir l’alimentationélectrique de Jérusalem et sa banlieue. Les ouvriers subalternes de lacompagnie n’ont pas fait grande impression non plus sur les habitants de lacapitale, qu’ils ont tenté en vain d’aider.

Se faufiler entre les flocons

Sur le plan politique, la tempête pourrait pousser Erdanet le ministre de la Défense Moshé Yaalon à enfin résoudre leurs divergencesquant aux responsabilités de la Défense passive et sa viabilité. Proposer defermer le ministère, comme l’avait fait Yossi Beilin lors de ses deux mandats àla Défense, constituerait un geste audacieux pour Erdan. Une initiative quipourrait même le propulser au statut de nouveau chouchou national comme sonprédécesseur au ministère de la Communication, Moshé Kahlon, qui s’est attiréles grâces des Israéliens en compressant leurs frais de téléphonie mobile.

Quant à Netanyahou, on lui a reproché de trop parler etde ne pas en faire assez.

Mais comme lors d’autres mini-crises, il a su résister àla tempête, qu’il n’a même pas pris la peine de mentionner dans le longdiscours qu’il a prononcé à la convention du Likoud mercredi 18 décembre ausoir. Il y a de fortes chances que, pour lui, les « retombées de laneige » (une expression très tendance cette semaine sur Twitter) ne sefassent pas sentir. Mais Bibi a toujours su naviguer entre les« flocons ».

Naftali Bennett, lui, n’a pas passé la tempête soussilence et a même résumé les leçons positives qui peuvent en être tirées dansun discours à la Knesset. Il a mis en avant la belle solidarité dont il a été témoinparmi les citoyens du pays d’horizons très divers. Juifs et Arabes,ultra-orthodoxes et ultra-laïques, riches et pauvres, tous se sont retrouvéscoincés dans les mêmes rues ensemble, a-t-il rappelé, et tous ont fini pars’entraider. Il suffit parfois d’une catastrophe naturelle pour unir unesociété des plus divisées.

Les habitants de Jérusalem savent bel et bien s’unir entemps de crise, tout comme ils savent se plaindre à l’unisson. Ils ont montréleur bon côté la semaine dernière dans des circonstances difficiles. Reste queBarkat a tout intérêt à tenir ses promesses sur les leçons à tirer desintempéries s’il veut figurer à une place honorable dans les annales de laville. A commencer par acheter de vrais chasse-neige.

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