Une architecture coloniale

Aujourd’hui très à la mode, le quartier de la colonie allemande est bien loin de ses racines agricoles.

311_German Colony house (photo credit: Shmuel Bar-Am)
311_German Colony house
(photo credit: Shmuel Bar-Am)
Un des quartiers les plus huppés de Jérusalem est lacolonie allemande, Hamoshava Hagermanit. Son nom ne dérive pas de l’immigrationdes Juifs allemands dans les années 1930 après la montée au pouvoir d’Hitler.Il fait référence à un événement vieux de plus de 150 ans : la fondation de laSociété du Temple allemand, les Templiers, un groupe de missionnairesluthériens qui pensaient faire ressusciter Jésus en colonisant la Ville Sainte.
La Société établit alors des colonies en différents endroits de Palestine,alors partie de l’empire ottoman. La dernière d’entre elles, Waldheim, estfondée au cours de l’année 1908, dans les environs de Nazareth.
En tout, les Templiers comptent 6 colonies à leur actif au début du 20e siècle: Waldheim, Sarona à Tel-Aviv, Wilhelma près de Yaffo, et les coloniesallemandes de Bethléem, Haïfa et Jérusalem. Celle de la capitale est latroisième à s’établir en Palestine, Haïfa étant la toute première.
La colonie hiérosolomytaine est agricole, construite sur des terres en jachèreà l’extérieur de la Vieille Ville. Elle voit le jour en 1873, quand un desTempliers, Matthaus Frank, achète une large bande de terre dans la vallée deRefaim, à un propriétaire terrien de Beit Safafa, village situé au sud-ouest dela ville.
Les Templiers sont des chrétiens qui ont fait scission avec l’Egliseprotestante et ont encouragé leurs membres à s’installer en Terre sainte pourpréparer l’ère messianique. Leurs bâtisses se distinguent par une architectureempruntée au style allemand, original dans la région : des maisons de campagned’un ou deux étages, aux toits de tuile en pente et fenêtres à volets. Les mursextérieurs sont en pierre de Jérusalem, et non en briques ou en bois comme enAllemagne.
Les Templiers se sont engagés dans l’agriculture et le commerce traditionnel.Leurs maisons s’étendent principalement sur deux rues : Derekh Beit Lechem etEmek Refaim. Une des images les plus connues reste la vue depuis l’hôpitalAugusta Victoria, sur le Mont Scopus, un palace qui, selon les dires, étaitoriginairement construit par la Société qui avait le projet d’y établir sonsiège en Palestine. Mais quand les Anglais prennent le contrôle du pays en1917, ils jettent leur dévolu sur le complexe luxueux qu’était AugustaVictoria. Puis, avec la construction à la fin des années 1920 de la résidencedu hautcommissaire en Palestine, le palace reste vide.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Templiers et leurs descendants serontenvoyés en Australie, considérés comme « ennemis ». Et les riches famillesarabes installées dans le quartier fuient le pays de gré ou de force pendant laguerre d’Indépendance.
Pendant longtemps, les Templiers allemands ont peuplé les rues de Jérusalem endéveloppant l’agriculture.
Aujourd’hui, le quartier qu’ils ont construit est haut de gamme et se nomme la« Moshava ».
Ce Neuilly de Jérusalem
Traversé par Emek Refaim, il a vu fleurir tous lesrestaurants et cafés branchés de la capitale.
Après la guerre d’Indépendance, les propriétés vides ont été disséquées enappartements pour les nouveaux immigrants.
Par conséquent, le quartier, à l’origine riche et bourgeois, est devenu unrepaire plutôt malfamé.
Mais l’inattendu s’est produit. Malgré les partitions et dissections, lesmaisons ont gardé leur beauté et leur charme.
En un mot : leurs vieilles structures élégantes. De sorte que les acheteurs deJérusalem ont commencé à s’approprier ces biens en restaurant leur gloire dejadis. Désormais, tous les habitants y sont plutôt aisés.
Dans la plupart des demeures restaurées, des efforts ont été faits pourconserver l’architecture de base comme les fenêtres en arches et les toits detuile.
La colonie allemande est majoritairement anglophone : jeunes couples, familleset célibataires, résidents permanents ou visiteurs. Le quartier abrite aussi lethéâtre Smadar, cinéma artistique du coin et lieu de rencontre pour les jeunes.
L’influence des Templiers allemands, puis des riches chrétiens, et enfin desmembres du gouvernement britannique saute aux yeux dans ce quartier aux stylespluriels : une architecture issue de l’empire ottoman et de l’art déco anglaisde la période mandataire.
Un bon exemple de l’architecture anglaise reste l’hospice écossais et l’égliseSaint-Andrew, construite en 1927 et décorée de tuiles arméniennes ornées. Lesrues de la colonie allemande portent des noms de partisans du sionisme et dupeuple juif. Comme : Emile Zola, pour sa défense du capitaine Dreyfus, l’ancienprésident Tchèque Tomas Masaryk et l’ancien premier ministre sud-africain JanSmuts. Sans compter les nombreux noms britanniques comme David Lloyd George,l’ancien chef du parti travailliste Josiah Wedgwood, le colonel John Patterson,commandant de la légion juive de l’armée britannique pendant la première guerremondiale, et le général anglais sioniste Wyndham Deedes.
Ces jours-ci, l’immobilier dans la colonie allemande se réchauffe, selon YoelZalcman, professionnel du quartier. « Beaucoup désirent vivre dans la colonieallemande. A la fois parce que c’est central et pastoral. Ainsi la demande estimportante. L’offre, a contrario, est limitée. Personne ne veut vendre sonbien.
Pourtant, malgré l’écart important entre la demande excessive et l’offrefaible, les prix restent stables. Ils sont si élevés qu’ils ont atteint leurplafond ».
Une vieille maison rénovée avec jardin peut s’élever jusqu’à 4 millions dedollars. Les appartements dans les vieilles demeures se négocient entre 10 000et 12 000 dollars le mètre carré. Contre 7 500 dollars seulement pour unappartement standard. Et les différences de prix peuvent s’élever à 30 % selonles critères environnementaux : calme et verdure.