Vers de nouvelles priorités présidentielles ?

Peres-Rivlin : la passation de pouvoir marque un changement de style.

Reuven Rivlin prête serment (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Reuven Rivlin prête serment
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Il y a un an et demi, les législatives israéliennes se jouaient sur tous les sujets hormis les questions politiques traditionnelles de guerre et de paix. Deux mois plus tard, Le Premier ministre Binyamin Netanyahou formait une coalition dont le socle n’était pas l’unité autour d’un processus de paix, mais plutôt le consensus autour de questions socio-économiques.
Le nouveau gouvernement s’est alors immédiatement attelé à gérer les problèmes internes tels que l’enrôlement des étudiants de yeshivot dans l’armée, les réformes électorales et la baisse du prix des logements. Il y a certes eu des efforts diplomatiques avec la reprise des négociations israélo-palestiniennes neuf mois durant, mais la tiédeur du dialogue a nourri un peu plus le scepticisme général et n’a pas détourné le pays de ses préoccupations sociales.
Cette tendance s’est poursuivie le mois dernier avec la victoire de l’ancien président de la Knesset Reouven Rivlin lors de l’élection présidentielle. Chacun des 5 candidats avait chacun promis de se pencher en priorité sur les problèmes sociaux et non sur les questions de guerre et de paix. Dont Rivlin, qui souhaite s’occuper avant tout des problèmes liés à la fracture sociale dans le pays, et beaucoup moins des questions de diplomatie étrangère si chères à Shimon Peres, a-t-il fait savoir après sa victoire. Il a promis d’être le président de tous les Israéliens « juifs, arabes, druzes, riches, pauvres, religieux et moins religieux ».
Deux jours après son élection, l’attention du pays était brutalement détournée : la recherche des trois adolescents Gil-Ad Shaer, Eyal Yifrah et Naftali Fraenkel, puis leurs funérailles, suivies par l’intensification des tirs de roquettes et l’opération de Tsahal lancée contre le Hamas et ses tunnels terroristes, autant d’événements qui ont occupé les premières pages des journaux les semaines suivantes.
Le vote de lois cruciales pour séparer Etat et religion a été remis à plus tard. Les lobbies d’habitude si actifs sur les questions socio-économiques se sont tus. Les cabinets de relations publiques n’essaient même plus de promouvoir une histoire qui concerne autre chose que l’opération militaire en cours.
Rivlin colle-t-il à la réalité ?
C’est sous ces auspices que Rivlin a été investi comme président de l’Etat mardi 22 juillet, lors d’une cérémonie très sobre à la Knesset. Le cocktail traditionnel qui devait suivre l’intronisation a été annulé, et l’événement n’a eu qu’un faible écho. Même Peres qui, excepté pour quelques mois, n’a jamais été absent des bancs de la Knesset depuis sa première rentrée parlementaire en 1959, a semblé quitter la présidence sur la pointe des pieds, sans trompettes ni tambours.
On se souvient à peine que Netanyahou a fait tout son possible pour reporter l’élection présidentielle.
Etant donné le retour de l’agenda national à des questions de sécurité et les discussions actuelles avec le secrétaire d’Etat américain John Kerry et Ban Ki-moon, on peut se demander si Israël n’a finalement pas à nouveau besoin d’un président tel que Peres, et si l’arrivée de Rivlin avec ses priorités internes n’est pas, somme toute, prématurée.
Tout dépend de la manière dont on considère les événements de ces dernières semaines.
Les événements des derniers mois ont révélé avec acuité que la vraie force d’Israël réside dans son patriotisme. La vie a continué dans le pays en dépit des milliers de roquettes et des obus de mortier qui ont malheureusement tué trois civils. Le Hamas a unifié le pays parce qu’il s’est attaqué, non pas à la Judée-Samarie qui fait débat dans la société israélienne, mais à Tel-Aviv et à l’aéroport Ben-Gourion. En agissant ainsi, le mouvement de résistance islamique a renforcé l’endurance d’une population israélienne qui s’était montrée par le passé beaucoup plus prompte à réclamer la fin des opérations militaires à Gaza.
Cette unité est évidemment temporaire. Dès que le cessez-le-feu sera prononcé, les Israéliens retourneront à leurs divisions.
A l’écoute du peuple
La Knesset entame une période de congés mercredi 30 juillet. Mais Rivlin, lui, sera là, en première ligne à son poste de président. Les premiers jours de son mandat ? Il les passe et les passera aux funérailles des victimes, consolant les familles endeuillées. Mais une fois l’opération terminée, il mettra les bouchées doubles.
Selon ses collaborateurs, il n’a pas encore établi de plan précis pour les cent premiers jours de son mandat, en raison de la situation sécuritaire, mais cela ne saurait tarder. Il n’aurait même pas encore décidé s’il allait s’installer dans la résidence présidentielle ou rester dans son propre domicile de Jérusalem. Toujours selon ses proches, ses priorités seraient de promouvoir la démocratie, plaider pour la périphérie, faire avancer les droits des femmes et œuvrer contre le racisme. Rivlin a en outre insisté sur sa volonté de demeurer à l’écoute constante des difficultés de la population.
On s’attend également à ce qu’il tende la main à la communauté arabe israélienne pour qu’elle se sente partie intégrante de la société israélienne. Lors de son premier déplacement en tant que président de la Knesset, il avait d’ailleurs mis un point d’honneur à se rendre dans la ville d’Oum el-Fahm en Basse-Galilée, décision qui avait suscité la colère d’Avigdor Liberman, leader du parti Israël Beiteinou.
Si un accord est conclu avec les Palestiniens durant son mandat de sept ans, il saura parler aux populations évacuées et les consoler comme il l’a fait en 2005 lors du retrait de la bande de Gaza.
Cependant, il laissera au gouvernement le soin de traiter les questions de diplomatie ainsi qu’à Shimon Peres qui continuera, on le sait, à user de son aura sur le plan international afin d’œuvrer pour la paix en Israël.
« Il n’a pas l’intention d’enfiler le costume de Peres », déclare Emilie Moatti, porte-parole de Rivlin. « Il tient à focaliser son action sur les problèmes internes au pays et non pas sur les questions de guerre ou de paix, ni sur le fait de savoir qui a tort et qui a raison. Il va s’efforcer de réduire les dissensions au sein de la société israélienne afin de garder le pays uni même lorsque le calme sera revenu. » 
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