Israël VS Hezbollah

La tension monte à la frontière Nord, après la mort de six agents du Hezbollah et six gardiens de la Révolution dans le Golan syrien

Des soldats israéliens près de la frontière libanaise (photo credit: REUTERS/BAZ RATNER)
Des soldats israéliens près de la frontière libanaise
(photo credit: REUTERS/BAZ RATNER)
Mardi 20 janvier, citant un « haut responsable de la sécurité » israélien, l’agence de presse Reuters affirmait que le général iranien tué dans l’opération – attribuée par les médias étrangers à l’aviation israélienne – « n’était pas la cible ». Si la citation et la source sont authentiques, l’objectif est clair : envoyer à l’Iran un message apaisant afin de prévenir toute escalade qui pourrait mener à une confrontation avec le Hezbollah. Ces déclarations pouvaient également être interprétées comme un aveu de l’armée israélienne : celle-ci reconnaissait non seulement avoir mené le raid, mais également que ce dernier constituait un échec des services de renseignement ou des troupes sur le terrain, voire même des deux. Mais quelques heures plus tard, une « source sécuritaire officielle » a réfuté ces affirmations, expliquant que « l’Etat d’Israël ne commente jamais les événements en Syrie ».
Il est possible que les deux déclarations émanent, en fait, de la même source, mais soient destinées à deux interlocuteurs différents : un message de conciliation à destination de l’Iran ; un argument de campagne aux électeurs israéliens, deux mois avant le scrutin.
Sous le couvert du secret et du silence, il est difficile de discerner ce qui s’est réellement passé en amont des événements. Mais, en Israël, les processus de décision et d’approbation de telles opérations d’assassinats ciblés sont mûrement réfléchis ; les diverses agences de renseignement sont chargées de recueillir des informations variées et des données sur les potentielles cibles. Les flux dans le processus de décision vont dans les deux sens – du politique vers les dispositifs militaires ou sécuritaires, et vice-versa. Il est toujours préférable de parvenir à un consensus, mais parfois, des désaccords surviennent lors des délibérations, entre les deux niveaux ou en leur sein même. Ainsi, et cela s’est déjà produit dans le passé, le chef du renseignement militaire peut s’opposer à une proposition d’opération pourtant soutenue par ses pairs, le chef d’état-major de Tsahal ou le Mossad. Bien que la décision finale revienne au ministre de la Défense et au Premier ministre, les commandants militaires et du renseignement peuvent largement influencer le processus et quasiment empêcher toute prise de décision dangereuse.
Une politique difficile à maintenir
Depuis l’éclatement de la guerre civile en Syrie il y a presque quatre ans, Israël a adopté une attitude non interventionniste. Les seuls écarts ont eu lieu lorsque « les intérêts israéliens étaient en péril », comme l’a déclaré de nombreuses fois le ministre de la Défense Moshé Yaalon. Ainsi, Israël a répondu avec des frappes de missiles ou d’obus de faible intensité quand le territoire du Golan a été bombardé par l’armée syrienne ou le Hezbollah. De plus, selon des sources étrangères, des convois d’armes syriennes ou iraniennes, transportées par voie de terre de la Syrie au Liban, ont été attaqués plus de dix fois par les forces israéliennes dans le passé : pour Israël, empêcher le transfert de missiles sophistiqués de longue portée, ou d’armes antiaériennes, est « un intérêt vital ».
Mais, dans l’ensemble, Jérusalem a tenté de se restreindre – au point que, même lorsque des tirs ont visé le territoire israélien (une fausse alerte, comme cela a été révélé plus tard), l’armée n’est pas intervenue.
Israël a longuement soutenu que son intérêt ultime est la paix et la tranquillité le long de la frontière avec la Syrie. Pour le prouver, le pays a accueilli des soldats syriens blessés ainsi que des civils dans les hôpitaux, et a fourni une aide humanitaire importante. Au point que les Libanais et les Iraniens ont accusé Israël de coopérer avec le front al-Nosra, considéré comme la branche syrienne d’al-Qaïda, qui contrôle désormais la frontière de cent kilomètres entre la Syrie et Israël tout en combattant le Hezbollah.
D’un côté, l’attaque de la semaine dernière contre le Hezbollah et les commandants iraniens pourrait mettre en danger ce calme relatif mais tant souhaité. De l’autre, il serait dangereux d’ignorer les récentes incursions du Hezbollah dans le Golan syrien, près de la frontière israélienne. On peut supposer que ce tour d’inspection par le groupe libanais et sa suite iranienne faisait partie d’un effort grandissant pour établir un « commandement du Golan ». Les dirigeants du Hezbollah, dont le secrétaire général Hassan Nasrallah, déclarent qu’il s’agit d’une réaction à ce qu’ils perçoivent comme une rupture par Israël d’accords tacites : ils accusent l’Etat hébreu d’être derrière l’attaque il y a quelques semaines d’un convoi qui transportait probablement des armes sophistiquées – et qui fut commise non pas sur le sol syrien mais en territoire libanais. Attentif à ces développements, Israël voit le Hezbollah comme désireux de créer un tremplin pour défier le pays sur un second front, dans l’éventualité d’une troisième guerre du Liban.
Le véritable but de l’attaque
De nombreuses spéculations sont apparues dans les médias à propos de la cible réelle de cette dernière attaque. Ce n’était probablement pas le général iranien, ni d’ailleurs Jihad Mughniyeh, le fils d’Imad Mughniyeh, qui était considéré comme le « ministre de la Défense » du Hezbollah, le bras droit de Nasrallah et le chouchou des commandants des gardiens de la Révolution iranienne. Contrairement à son père, Jihad, âgé de 25 ans, n’était ni un audacieux, ni un commandant militaire talentueux. Il était cependant une icône pour l’Iran et le Hezbollah, le fils du légendaire Iman, et ainsi le commandement du soi-disant bataillon du Golan lui était assuré.
De nombreux experts considèrent que le but de l’attaque était Abou Ali Tabatabai, un commandant supérieur du Hezbollah en charge des « forces spéciales » qui, actuellement, combattent dans la guerre civile syrienne en défendant le régime d’Assad. Si une guerre éclate dans le futur, ces forces spéciales auront également la tâche de pénétrer dans le territoire israélien pour attaquer les petites communautés rurales les plus proches de la frontière.
Le Hezbollah compte environ 30 000 soldats, la plupart d’entre eux étant des non-conscrits qui sont appelés pour leur devoir de réserve – presque comme dans Tsahal. C’est une force très disciplinée et hiérarchisée, avec d’excellents commandants professionnels. L’expérience a montré qu’après la perte de commandants supérieurs, le Hezbollah a peiné pour les remplacer. Aujourd’hui, sept ans après la mort d’Imad Mughniyeh, le Hezbollah ne s’est pas encore remis de sa perte.
Les conséquences de la décision de se débarrasser de Jihad Mughniyeh, Tabatabai et du général iranien ne sont pas encore connues ; sa pertinence dépendra de la riposte promise par le Hezbollah et l’Iran.
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