Le temps joue en faveur de Téhéran

Le dernier round de négociations représentait la meilleure chance qu’avait l’Occident de parvenir à un accord. La prolongation des discussions en revanche pourrait ne mener à rien…

Le temps joue en faveur de Téhéran (photo credit: REUTERS)
Le temps joue en faveur de Téhéran
(photo credit: REUTERS)
Au terme de dix mois de négociations sur le nucléaire iranien, une question demeure : un accord était-il possible ? Et si oui, pourquoi cette fois plus que lors des précédents rounds de négociations ?
Alors que toutes les tentatives ont jusque-là échoué, tout portait à croire qu’un compromis avait enfin de fortes chances d’être signé.
D’abord, parce que les Etats-Unis avaient tout fait pour que cela arrive : le président Obama était allé jusqu’à accepter que l’Iran conserve ses infrastructures souterraines de Fordo, plus de 5 000 centrifugeuses ainsi que le droit d’enrichir de l’uranium. Mais aussi, parce que de son côté, Téhéran s’est montré plus prêt que jamais à faire des concessions. Alors que lors des derniers pourparlers, la République islamique a toujours refusé de geler son programme nucléaire, elle y a cette fois concédé et a tenu la plupart de ses engagements. Voilà pour le bon côté des choses. Mais malgré toute la bonne volonté de l’Occident et la créativité des solutions proposées, un accord n’a pu être signé.
Les sanctions n’ont pas été levées, argueront les optimistes. Mais il est important de comprendre que ces dernière s’étiolent, alors que la Russie, la Chine et certaines puissances au sein même de l’Europe désespèrent de reprendre leurs fructueuses affaires avec la République islamique, des échanges qui se comptent en milliards de dollars.
Au lendemain de ce dernier échec, l’heure est donc aupessimisme.
Premièrement, l’Iran pense que le temps joue en sa faveur. La preuve : il est toujours prêt à poursuivre les négociations. Normal, malgré des années de pourparlers et de sanctions, Téhéran est aujourd’hui à quelques mois de devenir une puissance nucléaire.
Le refus de Téhéran
Le Régime pense également que les milliards débloqués –même si ce n’est rien comparé aux 100 milliards toujours confisqués – l’ont sauvé de l’abysse et pourraient même lui permettre de ne pas avoir à renoncer à ses centrifugeuses.
Centrifugeuses qui sont justement au centre des désaccords. Beaucoup pensaient qu’avec un accord les Etats-Unis accepteraient de déplacer la barre de 1 500 à 4 000/5 000 centrifugeuses autorisées, pendant que l’Iran reverrait son chiffre à la baisse de 10 000 à 8 000, pour parvenir à un accord définitif aux alentours de 5 000 ou 6 000 centrifugeuses. Ces chiffres sont importants puisqu’ils permettent d’évaluer quand l’Iran sera en mesure d’accéder à l’arme nucléaire. Avec 5 000 ou 6 000 centrifugeuses, il lui faudrait de six mois à un an, en fonction des évaluations.
Ces données étaient impensables il y a encore quelques années – quand pendant près d’une décennie, les Etats-Unis ont refusé la moindre centrifugeuse sur le sol iranien. Et pourtant, Washington était prêt à signer ce qui aurait constitué une énorme victoire pour Téhéran – même si l’Occident aurait pu penser avoir réussi à ralentir les avancées nucléaires de la République islamique – mais une erreur historique pour Israël, l’Arabie Saoudite et d’autres acteurs de la région, car un tel accord serait en outre allé de pair avec la levée des sanctions. Et pourtant, les Iraniens ont refusé.
Il y a plusieurs théories sur les raisons de ce refus, mais si Téhéran l’a fait c’est qu’il a senti qu’il pouvait se le permettre. D’une part, l’Iran pense pouvoir obtenir mieux. Et aussi, son refus ne lui a rien coûté.
L’Iran avance
L’histoire nous a montré qu’à chaque fois que des négociations ont échoué, le programme nucléaire iranien a fait un bond en avant. Téhéran est passé de quelques centrifugeuses début 2000 à 1 000 en 2007 pour arriver à 19 000 aujourd’hui (dont 10 000 seulement sont opérationnelles). Si jusqu’en 2010 il ne pouvait enrichir qu’un faible volume d’uranium, il peut désormais en produire plusieurs milliers de kilos. Durant toutes ces années, le programme nucléaire iranien n’a cessé de se développer, alors que les tentatives de négociations échouaient les unes après les autres – en août 2005, en mars et en août 2006, en juillet 2008, en octobre 2009, en juillet 2012 et en avril 2013 – faisant fi des lignes rouges de l’Occident. En d’autres termes, l’Iran avance.
Et puis il y a la Chine et la Russie. Pendant des années, elles ont traîné des pieds pour signer des sanctions contre le Régime. Leur accord à la résolution onusienne de juin 2010 aura été historique, au même titre que le soutien russe au projet de partition de la Palestine, en novembre 1947. Fidèles partenaires commerciaux de Téhéran, si Moscou et Pékin ont finalement validé des sanctions, ce n’est pas par crainte de voir l’Iran se doter de la bombe atomique mais parce qu’en 2010 et plus encore en 2012, Mahmoud Ahmadinejad les a personnellement offensées : d’abord en rejetant à plusieurs reprises des propositions pourtant en sa faveur faites par ses deux alliés. Puis en leur faisant des coups bas, politiques et économiques. Perçu comme un personnage imprévisible, incontrôlable et ingrat, l’ancien président iranien tombait alors en disgrâce.
Mais avec l’arrivée du président actuel Hassan Rouhani, la Russie et la Chine pourraient souhaiter la levée des sanctions mises en place. Les deux puissances, pressées de reprendre leurs échanges lucratifs avec la République islamique, auront certainement tendance, lors de prochaines négociations, à accepter n’importe quel accord qu’elles jugeront « suffisant ». L’Iran en est conscient. Le temps joue décidément en sa faveur.
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