La coalition impossible ?

Le futur gouvernement s’avère des plus difficiles à monter. Explications.

Bibi 521 (photo credit: OLIVER WEIKEN/REUTERS)
Bibi 521
(photo credit: OLIVER WEIKEN/REUTERS)
Interrogez n’importe quel promoteur immobilier en Israël. Il vous expliqueraqu’en raison des lenteurs bureaucratiques, toute nouvelle construction dans cepays a de quoi vous faire vous arracher les cheveux. Le Premier ministreBinyamin Netanyahou, qui a cherché, sans succès, à réformer le secteurimmobilier durant son premier mandat, a pu goûter à ces difficultés en essayantde former sa nouvelle coalition, là aussi, sans succès jusqu’à présent.
Date butoir à retenir : le vendredi 1er mars.
Si, comme prévu, il n’a pas réussi à former un gouvernement d’ici là, Bibi serareçu par le président Peres pour lui présenter un compte rendu de ses efforts,afin d’obtenir un prolongement de 2 semaines jusqu’au 15 mars.
Et de 1 : Livni 
Théoriquement, la formation d’une coalition aurait dû êtreaisée cette fois-ci.
Plusieurs raisons à cela. Il n’y a avait qu’un seul candidat sérieux au postede Premier ministre lors du scrutin du 22 janvier, ce dernier était sansconteste le favori et son parti a obtenu un minimum de 12 sièges de plus quetous les autres. Un autre facteur qui aurait dû faciliter les choses est lavisite annoncée du président américain Barack Obama. Evénement qui devraitprendre place le 19 mars, soit 4 jours après la date limite pour former un gouvernement.Ce déplacement souligne l’urgence et le sérieux des négociations en vue de lacoalition tout en légitimant la coopération des partis du centre gauche avecNetanyahou.
Au cours de la campagne, la formation qui semblait la plus dure à séduire n’étaitautre que le parti de Tzipi Livni. Celui-ci est pourtant devenu le premier àrejoindre la coalition, mardi 19 février. D’ailleurs, le député Amir Peretzavait notoirement rejoint Tzipi Livni à la dernière minute, croyant qu’elleserait moins encline à entrer au gouvernement Netanyahou que ShellyYachimovich.
Dans une interview du 12 décembre avec le Jerusalem Post, à l’occasion de laConférence diplomatique d’Herzliya, Livni avait admis du bout des lèvresqu’elle n’excluait pas de rejoindre une coalition dirigée par Netanyahou. « Jen’ai pas dit que je n’en serai pas », avait-elle dit. « J’ai promis auxélecteurs de ne jamais trahir leur confiance et que je prendrai ma décision enme basant sur nos valeurs communes et notre vision pour Israël. Il ne faut doncjamais dire jamais ».
L’interview avait été publiée sous le titre provocateur : « Livni, futureministre des Affaires étrangères de Netanyahou ? ».
L’idée semblait alors saugrenue.
Mais depuis lors, Bibi a brisé une promesse de campagne en nommant Livni à latête des négociations avec les Palestiniens, et il semblerait que, AvigdorLiberman étant occupé par son procès pour corruption, une bonne partie desrelations internationales israéliennes se feront depuis le ministère de laJustice, où s’installera l’ancienne dirigeante de Kadima.
Pourquoi Netanyahou a-t-il eu aussi peu de mal à faire céder Livni ? Toutd’abord, parce qu’elle a perdu les élections. Une Livni dotée de 6 députés estbien entendu plus docile qu’une Livni à la tête de 27 parlementaires.
Ensuite, parce que Netanyahou a fait preuve de respect en faisant d’elle sapremière partenaire, alors qu’aux dernières élections, il avait d’abord concludes marchés avec ses alliés de droite habituels avant de se tourner versKadima. Mais on peut aussi supposer que Livni a avant tout souhaité rejoindrele gouvernement, car elle croit le Premier ministre sincère dans sa volonté defaire progresser le sujet qui importe le plus à l’élue : le processusdiplomatique avec les Palestiniens.
Une autre bataille se joue 
Si tout s’est donc passé pour le mieux avec Livni,pourquoi est-ce aussi difficile avec les autres partis ? Et pourquoi est-ildevenu aussi compliqué de bâtir une coalition ? Plusieurs facteurs entrent enligne de compte.
Nombreux sont les journalistes à expliquer les difficultés de Netanyahou parces 3 petits mots innocents lancés par Yaïr Lapid : « Je suppose que oui ». Laphrase fatidique a été prononcée dans un reportage du magazine Ouvda sur Aroutz2, diffusé le 28 janvier, où le chef de Yesh Atid était interrogé pour savoirs’il pensait devenir Premier ministre aux prochaines élections. Gros titres detoute la presse le lendemain : « Lapid souhaite devenir Premier ministre ».
Soudain, Bibi était concurrencé. Sa nature suspicieuse l’a dès lors rendu bienplus précautionneux. Et, en fait, empêché toute offre trop généreuse dans lesnégociations avec Yesh Atid, parce faire tremplin à Lapid pouvait désormaissignifier creuser sa propre tombe politique.
Une nouvelle complication est ensuite apparue 9 jours plus tard, lorsque lePremier ministre a accordé un entretien au journaliste politique d’Aroutz 10,Nadav Perry.
Netanyahou, fort de 7 ans au total en tant que chef de gouvernement, arécemment dépassé l’ancien Premier ministre Itzhak Shamir à la seconde placederrière David Ben Gourion en termes de longévité à la tête du gouvernement.
Perry lui a donc demandé s’il comptait rester Premier ministre pour 6 annéesafin d’essayer de battre le record de Ben Gourion.
« Je suis encore là pour des années », a répliqué Bibi, révélant pour lapremière fois qu’il envisageait de se représenter à un 4e mandat.
Jusque-là, les experts supposaient que ce serait son dernier. Ce qui auraitsignifié que, tout comme les présidents français ou américain lors de leursseconds mandats, il aurait pu se permettre des réformes impopulaires car iln’aurait eu à se soucier que de son legs politique et non des prochainesélections. Si cela avait été vrai, il aurait pu avancer dans le dossierpalestinien et laisser les partis harédim hors de la coalition tout encoopérant avec Yesh Atid pour égaliser le service militaire et modérer lescontraintes de la vie juive dans le pays.
Mais une fois que Netanyahou avait annoncé qu’il se représenterait, il devenaitévident qu’il allait maintenir son alliance avec les formations orthodoxes. Enraison de ces deux déclarations, Lapid et Netanyahou ont en réalité d’ores etdéjà commencé à se battre pour les prochaines élections, avant même de formerce gouvernement-ci.
31 sièges partout, la balle au centre
La difficulté à bâtir une coalition est,enfin, bien évidemment liée au faible score du Likoud- Beiteinou au scrutin du22 janvier. Avec ses 31 sièges, le parti est bien loin des 45 mandats préditspar le stratégiste américain Arthur Finkelstein lorsque Netanyahou et Libermanont fait pot commun. Et Bibi, loin d’être le roi d’Israël, tel que l’avaitcouronné le Times Magazine l’année dernière.
Lorsqu’il a signifié à plusieurs reprises qu’il pourrait laisser HabayitHayehoudi hors de la coalition en raison de son inimité personnelle avec sonleader Naftali Bennett (basée sur des événements qui ont eu lieu il y a 6 anslorsque Bennett était son directeur de cabinet), ce dernier a passé un accordavec Yesh Atid : les deux formations entreront ensemble au gouvernement ou n’yentreront point.
Ensemble, elles possèdent le même nombre de sièges que le Likoud Beiteinou. Cemoyen de pression, joint au refus d’Avoda d’entrer au gouvernement, empêcheNetanyahou de former une coalition de plus de 57 mandats. Soit 3 députés demoins que la majorité. Lapid et Bennett, tous deux nouveaux venus, n’ont pasencore appris l’art du compromis politique. En clair : ils se montrerontinflexibles jusqu’au bout, quand bien même ils n’avaient pas conclu cet accordentre eux.
Pour toutes ces raisons, bâtir un gouvernement au cours des prochaines 2semaines demeure un immense défi.
Seule consolation : la loi israélienne prévoit des limites temporelles trèsclaires qui devraient rapidement mettre fin au suspens.
Les Belges, qui n’ont pas de date butoir eux, avaient mis 353 jours pourfinalement former un gouvernement en juin 2011.