La nécessité de reconstruire

Huit ans après le désengagement, l’organisation JobKatif œuvre toujours pour trouver des emplois à 2 400 ex-habitants du Goush Katif.

P14 JFR 370 (photo credit: Reuters)
P14 JFR 370
(photo credit: Reuters)

Aujourd’huiencore, 8 ans après le retrait israélien de la bande de Gaza, tout n’est pasrose pour nombre d’habitants déracinés. Beaucoup ont toujours besoin d’aides.Subventions financières, soutien psychologique, autant de services dispensés enpartie par l’Etat mais aussi – et peut-être surtout – par certaines des quelque30 000 amoutot, ou organisations à but non lucratif qui existent dans le pays.Parmi elles : JobKatif. Cette association, créée en 2005, au lendemain dudésengagement de Gaza, a pour mission de « permettre aux anciens habitants duGoush Katif et du nord de la Samarie de se restructurer en leur trouvant dutravail ». Une fois cet objectif réalisé, explique sa directrice Judy Lowy, «nous cesserons d’exister pour de bon ». Mais à ce jour, l’association esttoujours active… Huit années se sont écoulées depuis ce douloureux épisode del’histoire d’Israël et, à en croire Lowy, près de 2 400 personnes ont déjàretrouvé du travail grâce à JobKatif. Une remise en selle professionnelle quiest passée par la création de 240 petites entreprises aux quatre coins du pays.

« Bien sûr, c’est un succès », commente Lowy, « mais JobKatif ne relâchera passes efforts tant que les 600 autres ex-habitants du Goush Katif n’auront pasretrouvé une situation stable. »

Une course contrela montre

Le Shabbatprécédant Tisha be’av, JobKatif a lancé une grande campagne au terme delaquelle une centaine de synagogues s’étaient engagées à récolter des fonds età alerter l’opinion publique en faveur de ces déracinés qui continuent de vivredans le besoin.
Avec les fonds collectés, JobKatif fournira divers services d’aide à l’emploi :formation professionnelle, conseil à la création d’entreprise et assistancepour l’obtention de crédits et le recrutement d’investisseurs… « Nous n’avonspas choisi la date de notre campagne au hasard », explique Lowy. « Toutd’abord, le désengagement avait eu lieu juste après Tisha be’av. Ensuite, onsait que le Shabbat précédant le jeûne, appelé Shabbat Hazon, est consacré à laréflexion et à la rédemption. Or, c’est précisément la vision de JobKatif :reconstruire après la destruction. » Il existe cependant une autre raison à lacampagne massive organisée cette année en 2010, le gouvernement a reconnul’utilité de l’association et s’y est associé en versant lui-même le montant dechaque don reçu par JobKatif. En 2011, il a encore accru sa participation endoublant ces dons : pour chaque shekel reçu d’un donateur, lui-même en versedeux à l’association.
Mais cet engagement de l’Etat est censé s’achever fin 2013, et c’est désormaisune course contre la montre que mène JobKatif. L’association met en effet lesbouchées doubles pour récolter un maximum d’aides, tant en Israël qu’àl’étranger, avant la fin de l’année.
De 3% à 85%
C’est après avoirrencontré d’ex-habitants du Goush Katif dans les hôtels qui les accueillaientprovisoirement que le rav Yossef Zvi Rimon, rabbin d’Alon Shvout, dans le GoushEtsion, a fondé JobKatif. Pour lui, l’organisation doit son impressionnanteréussite à la capacité de ses bénévoles à sortir des sentiers battus. « Nousavons su trouver des solutions originales propres à remettre sur pied cette populationparticulière », se réjouit-il.
Rabbin et éducateur, Yossef Zvi Rimon ne possédait jusque-là aucune expérienceen matière d’emploi. Pour lui, procurer des revenus à ces nouveaux chômeurs nesuffit pas  il faut aussi les mener surla voie de la réhabilitation et les aider à se relever après l’épreuvetraumatisante qu’ils ont vécue.

« Quand il s’est rendu dans les hôtels, c’était simplement pour apporter sonsoutien à des Juifs qu’il savait dans le besoin », se souvient Lowy. « Il atrouvé là une population essentiellement constituée de fermiers, de petitschefs d’entreprises et d’éducateurs, dont le taux de chômage est passé, du jourau lendemain, de 3 % à 85 %. »
JobKatif n’a paspour vocation de verser des subventions. Comme le formule Lowy en se référant àla fameuse image : « Nous ne fournissons pas le poisson, nous aidons àfabriquer les filets de pêche : en d’autres termes, notre mission est d’aiderles gens à s’aider eux-mêmes. Nous ne voulons pas que les anciens habitants duGoush Katif disent : “Nous avons envie de travailler, mais nous ne pouvons pluscultiver la terre” Mais plutôt : “Nous ne pouvons plus cultiver la terre, ilfaut trouver autre chose”. C’est alors que notre association peut intervenir,en apportant conseil et formation à de nouveaux métiers. »

Entraide locale

« Les gens ne serendent pas compte que, huit ans après, les anciens du Goush Katif continuent àse débattre dans les difficultés », commente le rabbin Rimon.
Lors de la campagne cruciale du Shabbat Hazon, il a choisi de venir parler danscinq communautés de Raanana plutôt que de partir chercher des fonds àl’étranger. Car il faut savoir que, contrairement aux idées reçues, 60 % desdons versés en 2012 venaient d’Israël, contre 40 % pour l’ensemble des autrespays du monde.
Ainsi le rabbin Rimon s’est-il adressé à la communauté Shivtei Israël deRaanana, forte de 320 familles et dirigée par le rabbin Daniel Beller. Cedernier affirme que sa communauté a soutenu le Goush Katif dès les premièresheures : « Quand on a commencé à parler de désengagement dans les médias, nousétions convaincus que le gouvernement ferait le nécessaire pour que leshabitants du Goush Katif puissent s’installer ailleurs et redémarrer dans debonnes conditions. Mais très vite, je me suis rendu compte que le projet netenait pas la route et que les choses se faisaient dans la précipitation. Rienn’avait été préparé, et j’ai considéré que je n’avais pas fait assez, que nousn’avions pas fait assez, pour aider ces gens qui souffraient. Aussi, quandJobKatif nous en a donné l’occasion, n’avons-nous pas hésité. »
Pour le rabbinBeller, peu importe que l’on se situe à droite ou à gauche de l’échiquierpolitique : « Ces gens-là ont quitté leur travail et leur foyer au nom del’intérêt commun d’Israël et tout Israël a donc l’obligation de leur venir enaide. D’autant », ajoute-t-il, « qu’ils sont le sel de la terre. »
Remplacer lahaine par l’amour
Le rabbin Bellercomprend en outre la pertinence du choix du Shabbat Hazon pour la dernièrecampagne : « Ce qui est arrivé au Second Temple est dû à des fissures quialtéraient la société », affirme-t-il. « Alors peut-être pouvons-nousaujourd’hui opérer un tikoun (réparation spirituelle) en nous rapprochant deces hommes et femmes que nous ne connaissons pas personnellement, en comprenantque, quel que soit le lieu où l’on vit, notre destin et notre sort sont liésles uns aux autres. Si ce message est valable tout au long de l’année, il l’estencore plus pendant ce Shabbat-là, et c’est la raison pour laquelle on ne doitpas rester les bras croisés devant ceux dans le besoin. » C’est MikeLowenstein, jeune retraité américain, qui s’est chargé d’organiser la campagne duShabbat Hazon à Raanana et qui a servi de lien entre les 9 synagogues associéesau projet. Bénévole au sein de JobKatif depuis de nombreuses années, il esttombé amoureux du Goush Katif un an et demi avant le désengagement.
« J’ai surtout été impressionné par la part que prenaient ces gens à l’économiedu pays », explique-t-il. « J’espère que cette campagne permettra de remplacerla haine infondée par de l’amour gratuit », conclut ce militant, qui a déjàorganisé de nombreux concerts fructueux au profit de l’association.
Avant le désengagement, Maayan Yadaï vivait à Netzer Hazani, dans le GoushKatif, avec son mari Eyal et ses deux enfants (elle en a sept aujourd’hui).Elle porte une vive reconnaissance à l’association JobKatif, qui a aidé safamille à retrouver un équilibre financier. Installée à Avnei Eitan, dans leGolan, elle a monté sa propre entreprise de chambres d’hôtes et continue demiliter dans le domaine de la hasbara (défense de l’image d’Israël) pour sacommunauté.

Grâce aux cours de gestion organisés par JobKatif et au soutien del’association, elle a eu les moyens et le courage de se lancer dans un domaineprofessionnel dont elle ignorait tout. « Il n’était plus possible de continuerà s’en remettre aux prêts bancaires pour vivre », explique-t-elle.
Son mari Eyal doit lui aussi à JobKatif sa reconversion comme spécialiste dutraitement des sabots des bovins. « L’association ne nous a pas fait de cadeaux», explique-t-il. « Elle nous a aidés à nous en sortir en nous donnant un coupde pouce : en nous permettant d’acquérir le savoir-faire qui nous donnait la possibilitéde repartir à zéro ; nous gagnons désormais notre vie. » 
Pour touteinformation concernant Grâce à Dieu, la campagne de JobKatif, rendez-vous surle site jobkatif.org.il/