Les enfants d’abord !

Est-ce qu’un nouveau système vanté par l’ancien ministre des Affaires sociales, Isaac Herzog, pourrait briser le cycle de la pauvreté que subissent de plus en plus d’Israéliens ?

enfants (photo credit: Reuters)
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(photo credit: Reuters)
Il s’agit d’un plan simple, déjà adopté dans plusieurs pays occidentaux. L’idée : combattre la pauvreté croissante.
Encourager activement chaque parent à ouvrir un compte épargne à leur enfant, y verser un montant minimal chaque mois et veiller à ce que le gouvernement en fasse autant, pour que chaque citoyen puisse débuter sa vie d’adulte avec des moyens plus ou moins équivalents.
“Mettre en application un plan de la sorte est un de mes rêves de longue date, depuis ma nomination au poste de ministre”, explique l’ancien ministre des Affaires sociales, Isaac Herzog. Il a dirigé le ministère de 2007 à 2011 et mis cette idée en avant récemment dans un ouvrage intitulé Plan de travail : une recette pour l’assistance sociale.
“J’ai emprunté l’idée à [l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair] lorsque j’étais en fonction”, confie Herzog. Et d’ajouter qu’il a même commissionné une équipe pour réfléchir à son adaptation en Israël et mis en place un projet pilote en 2009. Immédiatement rejeté par le Trésor.
Car le coût total d’un plan de ce genre pour le gouvernement pourrait atteindre les 2 milliards de shekels d’ici 20 ans. Herzog a alors promis que s’il était à nouveau élu député, il présenterait un projet de loi pour mettre en place son dessein.
Si son plan d’épargne pour chaque enfant israélien, complété par des fonds gouvernementaux, tenait plus du rêve utopique que d’une réalité dans un pays clairement capitaliste, un an après sa démission du gouvernement, sa candidature et son échec aux primaires de son propre parti, le député travailliste a tenu sa promesse de s’occuper de la pauvreté.
On n’a pas tous les jours 21 ans...
En collaboration avec l’ONG d’autonomie sociale Yedid, Herzog a élaboré un plan qui, si voté, obligerait les parents à verser chaque mois un pourcentage de l’aide d’allocation parentale allouée par l’état sur un compte spécial, fermé, mais accessible par leur enfant uniquement le jour de leur 21e anniversaire.
Herzog et Yedid ont prévu de présenter ce projet à la Knesset en mai prochain. Et ont déjà lancé une campagne de grande envergure pour attirer l’attention des citoyens. Leur idée pourrait finalement réduire les niveaux de pauvreté en Israël de manière significative, estiment-ils.
“Je considère ce projet comme la meilleure solution pour enrayer la pauvreté intergénérationnelle de notre société”, explique Herzog. Le jour de l’interview, l’ancien ministre aujourd’hui député travailliste suivait attentivement une assemblée de la Knesset pour connaître le dernier mot sur un projet de loi opposé aux plans du gouvernement d’augmenter le prix du gasoil à un coût permanent de 8 shekels le litre.
Il s’accorde à dire que si le temps n’avait pas été si mauvais, la colère à propos de la hausse de l’essence aurait poussé les citoyens à nouveau en masse dans les rues, comme l’été dernier.
Malgré la pression du grand public et la conscience du besoin de justice sociale, les représentants de Herzog et Yehid sont conscients : gagner le soutien politique du public sur un projet d’épargne où les parents sont obligés de perdre, ne serait-ce qu’à court terme, une partie de leurs allocations familiales n’est pas chose aisée. Le projet est “dur à vendre”.
Néanmoins, selon un sondage commandé par Yedid fin février, plus de la moitié des familles israéliennes, (57 %), n’épargnent pas pour l’avenir de leurs enfants. Menée par l’Institut Mohot, l’étude a également montré que seul un quart des parents (28 %) mettent de l’argent de côté et 12 % économisent lorsque l’occasion se présente. En moyenne, les familles épargnent 355 shekels par mois ; 419 shekels au maximum.
De plus, le rapport a sondé leur volonté de participer à un plan du gouvernement pour les contraindre à épargner sur le long terme, en utilisant une partie de leurs aides sociales. 66 % considèrent que c’est une étape positive pour l’avenir de leurs enfants.
Selon les calculs d’Herzog, annoncés dans son livre, avec un tel plan, en tenant compte des fonds du gouvernement accordés en fonction des revenus des familles, chaque citoyen pourrait bénéficier de 25 000 à 50 000 shekels à ses 21 ans.
Des fonds, insiste-t-il, qui donneraient à chacun une base financière. Un moyen de financer ses études, d’ouvrir un commerce ou d’acheter une maison.
Herzog ajoute que le plan doit être accompagné de rééducation économique afin d’apprendre aux Israéliens à mieux épargner et mettre l’accent sur l’importance d’investir financièrement dans leur avenir.
La pauvreté : pas seulement une question d’argent
Selon le Dr Roby Nathanson, directeur général du Centre Macro pour l’Économie politique, Israël est confronté à d’énormes niveaux de pauvreté, presque deux fois supérieurs à ceux des autres pays de l’Organisation pour la Coopération et le Développement économique (OCDE).
Selon les chiffres récents, plus de 433 000 familles vivaient sous le seuil de pauvreté en 2010.
“La pauvreté, que j’ai étudiée durant de nombreuses années, n’est pas seulement une question d’argent. C’est également culturel et se transmet de générations en générations”, expose Nathanson. Il souligne que “nous avons besoin de trouver des outils pour enrayer le lien culturel et générationnel avec la pauvreté.” Et d’ajouter que beaucoup de familles dans le besoin ne songent pas à l’épargne sur le long terme mais au contraire “consomment ce qu’ils gagnent” immédiatement.
“Ils ne pensent qu’à gagner leur vie.
Epargner n’est pas une priorité”, observe Nathanson, également partisan du plan de Herzog. “Je pense que c’est l’une des méthodes les plus efficaces que je connaisse pour enrayer le cycle de la pauvreté.”
“A court-terme, cela ponctionnera dans les caisses du gouvernement, mais à longterme cela permettra de faire des économies, car avec la baisse de la pauvreté, l’Etat pourra réduire les sommes versées pour les allocations et autres aides aux revenus.”
Mais malgré l’enthousiasme de Nathanson et de Herzog, le plan dont il s’inspire ne s’est pourtant jamais matérialisé en Grande-Bretagne.
“Ce que nous présentons est un peu différent du modèle britannique”, nuance toutefois Ran Melamed, directeur adjoint de la Politique sociale et de la Communication au sein de Yedid. “Nous souhaitons créer un programme global pour tous les enfants, qui va particulièrement stimuler les familles à bas revenus.”
Selon Melamed, si certaines idées viennent du projet britannique, d’autres ont été reprises de programmes nationaux similaires à l’oeuvre en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans d’autres pays.
“C’est formidable d’adopter des idées pour lutter contre la pauvreté en provenance de l’étranger. Mais en même temps, de nombreux pays copient ce que nous faisons ici, en Israël. Et je crois qu’ils peuvent aussi apprendre de nous.”
Melamed souligne aussi qu’une telle idée peut paraître impossible à réaliser mais que Yedid a déjà enregistré certains succès concernant des lois sociales qui requéraient un financement du gouvernement.
Dont un programme pour des déjeuners chauds pour les enfants des familles démunies. Et, argumente-t-il, le plan ne vise pas seulement à donner un coup de pouce économique aux familles défavorisées, il sera également utile pour les familles stables qui songeront alors à économiser.
“Même si vous venez d’une famille riche, vous ne pouvez jamais prévoir ce qui vous attend. Peut-être que votre père va faire faillite ou que vos parents vont divorcer.
Malgré certaines circonstances de la vie, tout le monde en Israël aura une solide base pour débuter sa vie d’adulte.”