Likoud : aurait pu mieux faire

Retour sur une campagne peu victorieuse.

Netanyahu with likud background 390 (photo credit: REUTERS)
Netanyahu with likud background 390
(photo credit: REUTERS)
Le dernier sondage du Jerusalem Postcrédite le Likoud-Beiteinou de 34 sièges. La faction enregistre là sa premièrehausse d’intentions de vote, depuis l’annonce de sa liste commune. Car si ellereste toujours quasiment assurée de remporter les suffrages, elle n’a pasréellement réussi à convaincre de nouveaux électeurs.
Premier point faible : une entrée tardive en campagne. Le parti s’est longtempspâmé à observer le centre-gauche s’entre-déchirer. Attendant le moment propicepour sortir le grand jeu et donner l’image d’un bloc de droite unifié etétabli, au contraire de ces partis constitués de « réfugiés politiques ».Histoire de bien illustrer le slogan choisi par le comité en charge desélections : « Netanyahou, la force de gagner ».
Mais la tactique ne s’est pas avérée pleinement payante. La faction n’est pasparvenue à enrayer la désertion de certains électeurs, suite à la décision defusion entre les deux partis de droite. Il lui fallait donc réajuster le tir.D’où sa décision, fin décembre, à moins d’un mois du jour J, de revoir sastratégie de campagne et d’entreprendre un virage à 180 degrés. Exit lesmanoeuvres pour débiner les concurrents. L’objectif consistait désormais àlaisser de côté le négatif pour se concentrer sur le positif, en misant sur lesréalisations accomplies.
Parmi les fiertés du parti de droite au pouvoir : le déploiement de la batterieantimissile Dôme de fer, les efforts nationaux pour enrayer la nucléarisationiranienne, la création de 400 000 nouveaux emplois, l’amélioration du niveauscolaire des élèves israéliens, l’arrêt des infiltrations clandestines desmigrants africains et le retour du soldat captif Guilad Schalit.
Et en prime, la promesse de faire subir au logement le même sort que celui dela téléphonie mobile : une baisse drastique des coûts.
L’accent était donc mis sur deux publicités : la première mettant en scène desIsraéliens de toutes origines, décidés à voter Bibi. Et la seconde, faisantl’éloge du Premier ministre quant à ses capacités de s’entretenir avec lesgrands de ce monde, en anglais, sous le slogan : « Quand Netanyahou parle, lesgens écoutent ».
Ne pas gaspiller les votes 
Autres couacs : les efforts déployés pour saper lacandidature de l’ancien conseiller de Bibi, Naftali Bennett, poussé hors duLikoud par une inimitié déclarée avec la femme du Premier ministre et désormaisleader du parti Habayt Hayehoudi.
Publicités anonymes, affiches de mauvais goût postées sur un site non officiel.Difficile de savoir si les initiatives sont orchestrées par l’état-major duLikoud-Beiteinou ou proviennent de membres isolés, mais la hache de guerreétait bel et bien déterrée. « Mes frères du Likoud, que vous arrive-t-il ? »,avait ainsi noté Bennett sur sa page Facebook.
Une chose est sûre, ces actes n’ont pas fait l’unanimité parmi certainsmilitants de base du Likoud, eux-mêmes membres du secteur des implantations etdu camp national-religieux.
Pour beaucoup, Bibi a fait une erreur en attaquant Bennett, qui reste, seloneux, un meilleur partenaire de coalition que les partis de centre-gauche.
Alors, pour les rassurer, qui d’autre que le chef de la coalition, Zeev Elkin,aidé de Tzipi Hotovely et de celui qui incarne l’aile dure du parti, pour unefois appelé à la rescousse, Moshé Feiglin.
Le Premier ministre exhorte aujourd’hui les Israéliens à ne pas « gaspiller leurvote » pour des petits partis sectoriels. Car selon lui, plus sa faction seragrande, mieux il sera à même de conduire lors de son prochain mandat lesréformes clés qui lui tiennent à coeur : réformer le système électoral etrendre équitable le fardeau du service militaire.
Le mot de la fin revient à Liberman qui critique la gauche pour ses concessionsà l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. « La gauche éclairée a bien essayéde diviser Jérusalem, mais Abou Mazen lui a répondu “nyet” », a-t-il ainsidéclaré. « La différence entre nous et la gauche, c’est que nous voulons uneJérusalem unifiée et la gauche veut une Jérusalem divisée ».
« Une campagne en dessous de tout »
Emmanuel Navon ne mâche pas ses mots. Selonce francophone d’origine, professeur de relations internationales àl’université de Tel-Aviv et candidat à la députation pour le poste réservé auxnouveaux immigrants sur les listes du Likoud, son parti a commis la plupart deserreurs possibles. En premier lieu, les attaques sur le candidat NaftaliBennett, que le Likoudnik francophone assimile à un comportement « de looser ».
« C’est complètement idiot », explique-t-il, « dans la mesure où une grandepartie des électeurs du Likoud sont issus du courant dati-leoumi, et necomprennent pas ce déferlement d’agressivité à l’encontre de Bennett ».
« Personnellement, je ne vois pas pourquoi s’acharner sur lui, alors que leLikoud a beaucoup à vendre ». Et le principal bénéficiaire n’est autre queBennett lui-même, estime Navon pendant que le Likoud « a perdu bêtement 5 ou 6sièges ».
Est-ce que la tension actuelle pourrait conduire à un refus de Bennett desiéger dans une éventuelle coalition Likoud ? « Non, je ne crois pas », répondNavon, « vous savez, en politique, tout le monde se déteste pendant lacampagne, puis tout le monde se réconcilie quand il s’agit d’entrer augouvernement ». Et de citer le comportement de Mofaz, qui n’a pas hésité àfaire plusieurs volte-face, traitant Bibi de menteur, avant de faire profil baspour entrer dans une coalition dont il est ressorti presque aussitôt, lacalomnie au bord des lèvres.
En dépit de la brouille actuelle avec son parti d’origine, Bennett resteraitdonc un partenaire naturel du Likoud. Un partenaire même « très probable »,estime Navon.
L’idéal de coalition, selon lui ? Une alliance du Likoud- Beitenou avec HabaytHayehoudi de Naftali Bennett et Yesh Atid de Yaïr Lapid. A l’image dugouvernement de 2003, où Ariel Sharon, encore Likoudnik s’était entouré deLapid père, alors leader du parti laïc Shinouï et du parti nationalreligieuxMafdal.
Car une telle coalition, caractérisée par l’absence de Shas et des partisreligieux, permettrait enfin de mener les réformes dont le pays a besoin,estime Navon.
Mais il faudrait que les 3 partis obtiennent plus de 60 sièges à eux trois, cequi n’est pas acquis. Selon les derniers sondages le Likoud oscille entre 32 et34 sièges, Habayt Hayehoudi entre 13 et 14 et Yesh Atid, 10. Soit un totalsitué entre 55 et 58 mandats, insuffisant pour former une majorité.
Comment, alors, compléter la coalition ? Shelly a fait savoir qu’elle n’enferait pas partie. « Et elle est crédible », note Navon, « elle ne devrait pasrevenir sur sa décision ». Reste l’option Tzipi Livni, à la tête du mouvementqui porte son nom, mais difficile de l’imaginer dans un gouvernement aux côtésde Habayt Hayehoudi. « Cela ne tiendrait pas un an », explique-t-il, car Livni« est uniquement intéressée par son Etat palestinien ».
L’autre option, selon Navon, consisterait alors en une coalition plus orientéeà gauche. Avec Lapid et Livni. Mais là encore, difficile de viser une majorité.En clair, estime le professeur, si on exclut Shas et les partisultra-orthodoxes, « aucune coalition ne se dessine à l’heure actuelle ».Resterait alors peut-être le joker Am Shalem, crédité de 3 mandats.
L’objectif consiste à pouvoir faire avancer les dossiers jusque-là bloqués parles partis religieux. Et sur ce point, Yesh Atid correspond au plus près desconvictions défendues par Navon : réformer les systèmes électoral et éducatif,et répartir équitablement le fardeau militaire.
« Yaïr Lapid n’est pas la copie conforme de son père », explique-t-il, « iln’est pas antireligieux, il s’est entouré d’un rav et d’un Haredi sur sa listeet il ne parle pas d’un Etat palestinien pour demain ».
Et quels sont les pronostics dans les rangs du Likoud ? Pour l’heure, rien nefiltre note Navon. « On ne sait pas ce que pense Netanyahou ». A priori, unefois encore, le leader du Likoud prendra sa décision au dernier moment.
Seul. A l’instar de l’annonce de liste conjointe avec le parti russophoned’Avigdor Liberman.
Un geste qui selon Navon a fait fuir deux types d’électeurs du Likoud : labourgeoisie laïque de Herzliyah/Tel-Aviv, à gauche politiquement, mais à droiteéconomiquement, partie en courant pour aller grossir les rangs de Yesh Atid.
Et les religieux traditionalistes, effrayés par le spectre laïc incarné parLiberman, qui ont rejoint les adeptes de Habayt Hayehoudi.
Conclusion : 10 points de perdus, estime Navon. Sur les 42 mandats que les deuxformations ont actuellement (29 pour le Likoud et 13 pour Israël Beiteinou), laliste conjointe n’est créditée que de 32 à 34 sièges.