L’inoxydable Premier ministre

Attaqué de toutes parts, Binyamin Netanyahou reste incroyablement populaire. Décryptage.

P6 JFR 370 (photo credit: Baz Ratner)
P6 JFR 370
(photo credit: Baz Ratner)

Mais quel est son secret ? En tant qu’ambassadeurisraélien aux Nations unies dans les années 1980, Bibi avait développé uneadmiration sans bornes pour le président américain de l’époque Ronald Reagan,rapporte un de ces anciens collaborateurs.

Maintenant une indéniable popularité malgré les scandalesà répétition, Reagan s’était fait un surnom éloquent : « le présidenten Téflon ». Telle une poêle Téflon, rien n’accrochait. L’admiration deNetanyahou portait sur l’économie capitaliste et la politique étrangère tenacede Reagan. Mais Bibi a évidemment aussi appris de sa réussite politique. LeTéflon de Reagan a peut-être accroché le futur leader, qui s’apprêtait alors àdémarrer sa carrière politique.

Une semaine en enfer

Saut dans le temps. Retour à la semaine dernière, qu’unesource proche du Premier ministre a qualifiée de « semaine del’enfer ». Netanyahou a en effet dû faire face à des attaques corrosivesde l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert, de l’ancien chef du Shin Bet(l’agence de sécurité d’Israël) Youval Diskin, et enfin de responsablesanonymes de la Maison-Blanche et du département d’Etat américain.

Olmert a raillé son aptitude à décider de l’opportunitéd’une frappe sur l’Iran, Diskin a traité sa politique sur les implantations etles libérations de prisonniers palestiniens, de « cynique etnauséabonde ». La dernière pique est revenue aux fonctionnaireswashingtoniens : « Nous savons comment le contenir. Il estgérable ».

Quant à la visite à Rome et la rencontre extrêmementimportante avec le Pape le plus militant de ces dernières décennies, elles ontété éclipsées par des articles sur les dépenses somptuaires des troisrésidences de Bibi. On a ainsi appris que les Netanyahou ne lésinent pas surles bougies parfumées, le vin, le pressing, les mezouzot et… l’eau pour leurpiscine de Césarée.

En dépit de tout cela, Netanyahou reste toujours lechouchou des Israéliens. Le sondage de l’institut Panels avec le Jerusalem Postet le SofHashavoua en apporte une preuve supplémentaire, s’il en fallait.L’enquête a été réalisée auprès de 505 personnes, un échantillon statistiquementreprésentatif de la population. A la question de savoir quel candidat ilséliraient Premier ministre si les élections avaient lieu maintenant, 37 %ont répondu « Netanyahou ». C’est quatre fois plus que pour toutautre candidat potentiel.

Son plus proche challenger, la ministre de la JusticeTzipi Livni n’a reçu que 8 % des voix, suivie par le nouveau leader del’opposition Itzhak Herzog (6 %), le ministre de l’Economie NaftaliBennett (6 %), le ministre des Finances Yaïr Lapid (3 %) et leministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman (2 %). 31 % ontchoisi d’autres personnalités politiques, et 7 % ne se sont pas prononcés.

Alors qu’il leur était demandé également de noter lesministres, Netanyahou a été crédité d’un 53 % positif par l’ensemble desparticipants, et d’un 73 % par les sympathisants du Likoud. Seuls 5 ministres sur 23 ont fait mieux. Le même Bibi que les fonctionnaires anonymes de laMaison-Blanche et du département d’Etat ont traité cette semaine de« faible et désespéré ». Ne reculant pas non plus devant lesinterprétations de comptoirs : « Sa rhétorique dure sur l’Iran étaitune preuve d’un manque de confiance en lui ».

Vieille recette

Netanyahou maintient donc sa popularité envers et contretout. Comment fait-il ? C’est très simple. Tout comme Reagan et d’autresleaders populaires : en unissant son pays contre les ennemis extérieurs.Reagan était président pendant la Guerre froide avec l’Union soviétique. Ilaura grandement contribué à y mettre fin.

Netanyahou, lui, unit son peuple contre trois élémentsennemis : l’Iran, le président américain Barack Obama, et les médias.

Tant qu’empêcher la nucléarisation de l’Iran fera partiedes préoccupations nationales principales, Bibi restera imbattable. Sondageaprès sondage, il est avéré que le public israélien le soutient de manièreécrasante sur l’Iran, et ne fait confiance à personne d’autre pour gérer lamenace. Du court terme ? Pas si sûr. Les enquêtes révèlent également queles Israéliens doutent très sérieusement de la disparition de cette menacenucléaire au terme des 6 mois imposés par le calendrier des accordsirano-occidentaux.

Une porte-parole du département d’Etat américain a, defait, révélé cette semaine que le moratoire des 6 mois n’avait pas encoredémarré, car les détails techniques de l’accord n’avaient en réalité pas étéconclus à Genève. Et en mai 2014, Netanyahou aura à s’assurer d’une applicationscrupuleuse du traité final. A n’en pas douter, le nucléaire iranien a encorede beaux jours devant lui, tant à l’international qu’au sein du débat intérieurisraélien.

Un pour tous, tous contre Obama

La seconde menace sur la liste n’est ni plus ni moins quele président Obama lui-même. Un sondage de l’Institut de la démocratie d’Israël(IDI) a révélé la semaine dernière que 49 % des Israéliens croient quel’Etat juif doit chercher d’autres alliés, et qu’il ne doit plus autant faireconfiance aux Etats-Unis.

L’enquête a été menée dans un contexte de tensioncroissante et de récriminations mutuelles entre les administrations de Jérusalemet de Washington. Selon les déclarations de responsables proches de Netanyahou,l’objectif d’Obama n’est en fait rien d’autre que de garder la tête hors del’eau pendant les 3 dernières années de son mandat, et non d’empêcher un Irannucléaire. Un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, ministère quia plutôt tendance à minimiser ces tensions, a expliqué à un journaliste cettesemaine que les relations entre les Etats-Unis et Israël n’avaient jamais étéaussi mauvaises.

Par le passé, quand il y avait de telles tensions entreun Premier ministre israélien et un président américain, les Israéliens seralliaient au président et se retournaient vers leur propre leader pourchercher ce qu’il avait fait de mal. Ce qui s’était produit, par exemple lorsdes divergences entre Netanyahou et le président Bill Clinton, au cours dupremier mandat de Bibi. Mais n’est pas Clinton qui veut. Les sondages montrentque les Israéliens sont extrêmement sceptiques au sujet d’Obama et de sapolitique au Proche-Orient. D’ailleurs, c’est bien simple : dès qu’unaccrochage émerge avec Washington, la popularité locale de Netanyahou grimpe enflèche. Lesdits fonctionnaires américains, qui l’ont traité de« faible », n’ont apparemment pas compris que de tels qualificatifsne font que le renforcer.

Ces tensions ressenties avec Washington sont avivées parl’ennemi n° 3 : les médias. L’index exhaustif de l’IDI montrerégulièrement que les médias sont l’une des institutions que les juifsIsraéliens respectent le moins.

Les principaux organes de presse en Israël ont soulignéles dépenses des résidences de Netanyahou. Si le Premier ministre n’avait pasautant essayé de cacher ses dépenses, elles n’auraient peut-être pas étéconsidérées si problématiques. Mais selon le sondage, la couverture médiatiquesur l’affaire est revenue aux médias comme un boomerang, et le public nes’intéresse pas autant que prévu aux fines liqueurs servies aux dignitairesétrangers.

La « semaine de l’enfer » est désormaisderrière nous. Mais plusieurs défis se profilent pour les semaines à venir.Netanyahou devra faire face à la tension au sein de sa coalition, qui a étémise au jour la semaine dernière avec le différend entre HaBayit HaYehoudi etYesh Atid sur les allocations aux couples gays. Une telle tension pourraitbientôt devenir un réel problème, quand les décisions devront être prises ausujet des projets de lois sur la réforme électorale, le référendum etl’enrôlement des harédim.

Le 18 décembre prochain, le Premier ministre aura aussi àaffronter un congrès des militants du Likoud, ce qui pourrait grandementl’affaiblir aux yeux de Washington. Il doit par ailleurs trouver un candidat àla présidence pour empêcher son opposant, Reouven Rivlin, de succéder à ShimonPeres, lors de la campagne qui aura lieu en mai et juin prochains. Enfin, ladate butoir des neuf mois que les Etats-Unis ont fixée pour résoudre le conflitisraélo-palestinien s’annonce pour fin avril, à peu près en même temps quecelle de l’atteinte d’un accord final entre les puissances occidentales etl’Iran.

Avec autant de défis devant lui, Netanyahou aura besoinde Téflon en abondance.