Rien de (très) nouveau dans l’hémicycle

Premier départ en vacances pour les députés. Entre promesses, nouveaux venus et empreinte féminine… Retour sur la session estivale parlementaire.

P4 JFR 370 (photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)
P4 JFR 370
(photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)

« Le changement,c’est maintenant ». Les dernières élections israéliennes n’ont pas échappé auxpromesses de renouveau. Dans les rangs de Yesh Atid, on clamait, « Nous sommeslà pour changer », du côté de HaBayit HaYehoudi, on promettait « un nouveaucommencement ». Depuis, Yaïr Lapid est devenu ministre des Finances et NaftaliBennett détient les portefeuilles de l’Economie, du Commerce et des Cultes.Cette nouvelle Knesset compte 48 nouveaux élus, 26 femmes (un record) et lapremière coalition sans harédim depuis 10 ans. Reste que cette première sessionparlementaire n’a pas marqué par son originalité. Exception faite du rôle jouépar sa gent féminine.

Des lois recyclées

Très contestée, la loi du budget 2013-2014 a finalement été approuvée inextremis par les députés à la veille de leur départ en vacances, le 31 juillet.L’opposition a livré une bataille en règle contre le programme économique deLapid, sous la houlette de la présidente travailliste Shelly Yachimovich quin’a pas manqué de souligner qu’il semblait être issu tout droit de l’époque oùle Premier ministre Binyamin Netanyahou était aux Finances, au début des années2000.

La polémique n’avait cependant pas attendu le budget. D’autres textes de loiont fait des vagues, avec, en premier chef, la réforme de l’enrôlementmilitaire. La mesure occupe le devant de la scène depuis 1 an et demi. Début2012, la Cour suprême déclare anticonstitutionnelle la « loi Tal », qui exempteles jeunes ultraorthodoxes du service. Le sujet n’a de cesse de préoccuper lesélus depuis lors. C’est au nom de l’enrôlement pour tous que Kadima avaitrejoint le gouvernement précédent, avant de le quitter, que la commissionPlesner avait été formée puis dissoute. A l’hiver dernier, le sujet figuraitainsi en bonne place dans les programmes de campagne de plusieurs partis éminents.
Aujourd’hui, il reste plus que jamais d’actualité. Une nouvelle commission, nonplus Plesner, mais Péri, du nom du ministre des Sciences et de la Technologie,Yaakov Peri, a vu le jour avant de laisser la place à la commission Shaked. Letexte de loi n’a cependant été approuvé qu’en première lecture et l’égalitéface l’enrôlement, dûment promise par le gouvernement, reste très théorique.
La réforme électorale, également votée en première lecture lors des derniersjours de session, n’a rien de très original non plus. La proposition d’IsraëlBeiteinou est identique à celle de l’année dernière, et celle de Yesh Atid nediffère pas beaucoup. A noter cependant que la loi, soutenue par la majoritédes ministres, a bel et bien fait des progrès.

« L’applicationde continuité »

Quant àl’opposition, elle s’est mise d’accord avec le Premier ministre, après uncombat harassant sur le budget lundi 29 juillet, pour ne plus faire obstructionà la loi sur les dispositions économiques à condition que le texte sur laréforme électorale soit réexaminé à la rentrée. La pomme de discorde :l’élévation du seuil parlementaire de 2 à 4 %, ce qui pourrait faire barrageaux petits partis, telles que les formations arabes. Un compromis à 3 % serasans doute trouvé et la loi pourrait dès lors être adoptée dès la semaine du 14octobre, date d’ouverture de la session parlementaire hivernale.

Quant à la loi dite du référendum, au nom de laquelle Bennett a menacé dequitter le gouvernement, c’est en réalité l’extension d’une mesure adoptée en2010. L’objectif de Netanyahou et de Bennett était donc essentiellement derenforcer le texte, en le transformant en loi fondamentale. Rien de nouveau surce terrain-là.
La loi de Prawer-Begin, légiférant sur les revendications territoriales desBédouins dans la région du Néguev, a été élaborée par l’ancien ministre sansportefeuille Bennie Begin sous le gouvernement précédent. La Knesset l’aadoptée en juin.
Enfin, le ministre de l’Intérieur Guideon Saar a élargi le projet de loi sur lalumière du jour, repoussant d’un mois le passage à l’heure d’hiver, le faisantadopter sans rechigner par les élus. Le texte avait déjà été rédigé par ledéputé Nitzan Horowitz (Meretz) sous la Knesset précédente.
Globalement, les élus ont très souvent adopté « l’application de continuité »,à savoir la prolongation de lois déjà existantes, ou encore l’autorisation decontinuer à travailler sur des lois votées en première lecture sous lalégislature précédente. Et de fait, plus de 1 500 propositions de lois ont étéprésentées, pour la plupart émanant de députés réélus qui n’avaient pas réussià faire voter leurs textes lors de leur précédent mandat.
Les mêmes bonnes veilles pitreries
Les députés de la 18e Knesset avaient su se montrer créatifs. La plénièreavait ainsi vu passer des pots de cottage, du déodorant en spray et de scabreuxpamphlets. Cette année, la seule pitrerie que l’on retiendra sera celle dudéputé Méïr Poroush (Judaïsme unifié de la Torah – JUT) qui s’est menotté à latribune en pleine séance plénière, déclarant, un brin dramatique, que mêmes’ils devaient être arrêtés pour refus d’enrôlement dans l’armée, les étudiantsde yeshiva n’en continueront pas moins d’étudier la Torah. Les huissiers ontmis plus de 10 minutes à le libérer. Reste que Poroush ne faisait que singerCharlie Biton, ancien député Hadash et membre des Black Panthers, qui s’étaitmenotté à l’estrade de la Knesset lors d’un débat sur la prisonnière de SionIda Nudel.
Quant au reste des députés orthodoxes, ils ont combattu l’enrôlement desharédim avec leurs arguments habituels, à savoir que les laïcs etnationaux-religieux israéliens détestent les ultrareligieux, et que la sécuritéd’Israël repose uniquement sur l’étude de la Torah, qui devrait êtresubventionnée par l’Etat. Comparant la réforme à la funeste décision d’Amman dedécimer les juifs de Perse, les élus du JUT ont adopté la stratégie deMordechaï, un des héros du livre d’Esther : déchirer leur chemise en signe dedeuil. Ils n’ont cependant pas déclaré de journée de jeûne national, commel’avait fait Mordechaï.
Leurs homologues séfarades de Shas se sont contentés, eux, d’une approche plusneutre, usant des méthodes parlementaires habituelles : discours, questions augouvernement et objections. Ils se sont davantage focalisés sur l’élection duGrand Rabbin. Une stratégie qui s’est avérée payante puisque le mentor de Shas,le rabbin Ovadia Yossef, a pu placer son fils, le rabbin Itzhak Yossef auxcommandes du Grand Rabbinat séfarade, tandis que le JUT n’a pas su empêcher lepassage de la loi sur l’enrôlement en première lecture, mercredi 31 juillet.
21 000 shekels deréparations

L’autre momentmémorable de cette session a vu les députés arabes – Jamal Zahalka (Balad),Ahmed Tibi (Taal), Afo Agbaria (Hadash), Haneen Zoabi (Balad), Masoud Gnaim(Taal), Muhammad Barakei (Hadash) et d’autres encore – monter l’un aprèsl’autre à la tribune pour déchirer leur copie de la loi Prawer-Begin, lors desa première lecture. Agbaria n’a pas hésité à appeler à une 3e Intifada si laloi, qui légalise environ 63 % des revendications territoriales bédouines,était votée.

Quant à Tibi, déchirer le texte de loi ne lui a pas suffi. Le député a renverséson verre d’eau sur le document, déclarant qu’il ne méritait aucun respect. Ungeste qui a endommagé le système sonore de la Knesset, nécessitant desréparations au coût de 21 000 shekels. La commission éthique de la Knesset asuspendu le député de sa fonction de vice-président de la Knesset.
Ce n’est pas la première fois qu’un verre d’eau vaut des ennuis à Tibi. L’annéedernière, l’ex-députée d’Israël Beiteinou, Anastasia Michaeli, avait jeté lesien à la figure du député travailliste Ghaleb Majadele. Tibi en avait fait sonmiel en tribune, semant son discours de grossières interpellations. Résultat :il s’était fait suspendre de la Knesset.
Yesh Atid a, malgré tout, su causer un embarras d’un nouveau genre, du fait deson amour immodéré pour Facebook. Le député Boaz Toporovsky s’est ainsi gagnéle surnom de « Toporovsky à poil », après avoir posté une photo de lui-même entenue d’Apollon sur le réseau social. Le cliché de l’élu, allongé sur le canapéde son bureau et recouvert de sa chemise après avoir passé la nuit à laKnesset, avait fait la joie des Internautes. Toporovsky y écrivait que laséance plénière s’était prolongée jusqu’à 4 heures du matin, et se disaitheureux que l’hémicycle dispose de douches.
Le pouvoir des femmes
Reste donc laplus grande nouveauté de cette 19e Knesset : 26 élues, le plus grand nombre defemmes députées jusqu’à présent. Une bonne partie d’entre elles sont desnouvelles venues en politique, comme Tamar Zandberg chez Meretz ou Orit Struck,de HaBayit HaYehoudi, qui ont d’ores et déjà marqué l’année parlementaire deleur empreinte. Trois partis sont aujourd’hui dirigés par des femmes : ShellyYachimovich aux commandes d’Avoda, Zehava Gal-On pour Meretz et Tzipi Livni àla tête de Hatnoua.

Parmi les batailles les plus féroces sur le vote du budget ont figuré plusieursquestions féminines, tels que l’impôt sur les femmes au foyer, finalementannulé, et une politique plus rigoureuse de subventions à la garde d’enfants.Les députées Guila Gamliel, Orly Levy-Abecassis et Miri Réguev, vétérantes duLikoud, se sont alliées à Yachimovich et à Gal-On pour combattre ces mesures,en compagnie de la députée travailliste Merav Michaeli, membre particulièrementactif de la commission des Finances.
Ancienne journaliste ouvertement dédiée à la cause des femmes, Michaeli faitpartie des « féministes professionnelles » qui ont rejoint les bancs de laKnesset cette année. A ses côtés, on compte également la députée Michal Roisin(Meretz), ancienne directrice de l’Association des centres d’aide aux victimesde viol, et la députée Aliza Lavie (Yesh Atid). Auteur du Livre de prières dela femme juive (non traduit), Lavie s’est distinguée en tant que présidente dela Commission pour l’avancement des femmes, attirant régulièrement l’attentionparlementaire sur des injustices et des inégalités dont fait l’objet la gentféminine. Son savoir sur le rôle des femmes dans le judaïsme lui a étéparticulièrement utile pour gérer des dossiers tels que les agounot (ces femmesqui n’obtiennent pas le guet de leurs maris) ou les Femmes du Kotel.
Roisin a proposé une loi pour doubler les indemnités civiles accordées en casde plainte pour harcèlement sexuel impossible à prouver (les faisant passer de50 000 à 120 000 shekels). Des progrès ont également été réalisés sur un textedéfendu par la députée Yifat Kariv (Yesh Atid), qui fait tomber la diffusion devidéos ou de photos à caractère sexuel sans consentement sous le coup duharcèlement sexuel.
A droite, HaBayit HaYehoudi compte désormais 3 femmes dans ses rangs, bien plusque le parti national religieux ou le parti de l’union nationale n’en ontjamais compté. Mieux encore, la star de la formation n’est autre que saprésidente parlementaire, Ayelet Shaked, législatrice hyperactive impliquéedans pas moins de 5 des 7 lois mentionnées en début d’article. Les deux autresparlementaires du parti, Orit Struck et Shouli Muallem, ne sont pas en reste.La première s’est assurée que la loi sur les congés maternité s’applique bienen Judée-Samarie, et la seconde a fait voter une loi garantissant la présencede femmes dans la commission chargée de nommer les juges rabbiniques.
En résumé, rien de très nouveau à la Knesset en cette première session,exception faite des femmes. Les députés masculins ont désormais deux mois etdemi de vacances devant eux pour revenir en pleine forme et tenter de rattraperle coche.