Voir du pays et… revenir ?

De récents événements ont relancé le débat sur la « yérida » ou l’émigration volontaire des Israéliens pour des cieux plus propices.

P14 JFR 370 (photo credit: Reuters)
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Le phénomène estrécurrent dans le débat public israélien. Et frise parfois l’hystérie : laquestion de l’émigration au départ d’Israël occupe de nouveau le devant de lascène. Qu’elle prenne le qualificatif négatif de « descente »(yérida) en hébreu, ou de « fuite des cerveaux » pour désigner lesmeilleurs et les plus brillants, elle apparaît toujours comme une menacemajeure pour le sionisme.

Deux événementssont à l’origine de la récente vague de lamentations collectives. D’abord leprix Nobel de chimie attribué cette année à trois scientifiques juifs dont deuxsont des expatriés israéliens installés en Californie. Ensuite, une série télésur Aroutz 10, la dixième chaîne de télévision, intitulée Hayordim Hahadashim(Les nouveaux émigrants), qui dépeint des Israéliens, jeunes, laïques etinstruits, en quête de confort socio-économique, en particulier à Berlin, maisaussi à Londres et dans le New Jersey.

A cela s’ajoutele rapport annuel présenté par le professeur Dan Ben-David, du département depolitique publique de l’université de Tel-Aviv et directeur exécutif du CentreTaub, qui se penche sur les « conséquences catastrophiques » de« l’hémorragie des grands esprits ».

Les réactionsn’ont pas tardé à agiter le Landerneau médiatique. Ainsi Ynet affiche destémoignages de « descendeurs » sur la défensive, qui tentent dejustifier leur mouvement. Yediot Aharonot publie dans son supplément de fin desemaine une interview du poète Natan Zach qui déclare : « Je nerecommanderais pas de venir ici, le mal a tendance à régner dans ce pays. Jecomprends les jeunes Israéliens qui veulent le quitter. »

Un tauxmigratoire raisonnable

De la raisond’être du sionisme à la relation complexe entre le peuple juif et la terred’Israël, les arguments ne manquent pas pour expliquer la sensibilitéparticulière des Israéliens face au problème de l’émigration. Cependant, sil’on met en parallèle la longue histoire du peuple juif en diaspora commenation d’itinérants, nos propres exigences en matière de sécurité et leslimites économiques objectives d’un petit pays qui produit plus d’étudiantshautement qualifiés qu’il ne peut en employer, il est naturel qu’un pourcentagerelativement important d’Israéliens choisisse de vivre à l’étranger.

Mais pourquoicela nous rend-il si nerveux ?

La réponse àcette question n’est pas aussi facile qu’il puisse paraître. En dépit desaffirmations répétées du contraire, Israël n’est pas confronté à un exodemassif qui menace sa démographie juive. Les taux d’émigration d’Israël ne sontpas plus élevés que ceux de la plupart des autres pays occidentaux. Sur unebase annuelle, entre 20 000 et 25 000 Israéliens ont quitté lepays ces dernières années. Par ailleurs, 7 000 à 10 000 d’entre euxreviennent après avoir passé au moins un an à l’étranger.

Si l’on ajouteles 14 000 à 20 000 immigrants qui font leur aliya (ou« montent ») chaque année – principalement d’Amérique du Nord, del’ex-Union soviétique et d’Ethiopie – au cours de la dernière décennie, Israëla réussi à maintenir un solde migratoire positif.

Certes, de 2005 à2007, le taux migratoire d’Israël était pratiquement nul. Mais il a repris dupoil de la bête depuis, pour atteindre le niveau de la plupart des paysoccidentaux. Il était par exemple de 1,94 en 2012, contre 1,1 en France, 0,71en Allemagne et 3,6 aux Etats-Unis. La moyenne de l’UE en 2010 était de 1,9.

A l’image despays occidentaux

En revanche, lenombre total d’Israéliens qui vivent actuellement à l’étranger est plusdifficile à déterminer.

Selon le Bureaucentral des statistiques, entre la fondation de l’Etat en 1948et 2011, 690 000 Israéliens ont quitté la Terre promise pour ne pas yrevenir. On estime qu’environ 145 000 d’entre eux sont décédés et que plusde 100 000 sont des Arabes israéliens. Autre donnée intéressante :parmi les Israéliens qui ont émigré ces dernières années, un grand nombre estissu du 1,2 million d’immigrants de l’ancienne Union soviétique, arrivésen Israël depuis janvier 1989. Même si seulement 10 % de ceux qui ontfait leur aliya après 1989 sont « redescendus » avant 2005.

Si tout cela nereprésente pas grand-chose aux yeux des non-initiés, en réalité, « le tauxde rétention » d’Israël de 90 % est tout à fait étonnant.Comparativement, au Royaume-Uni, où près de quatre millions d’immigrants sontarrivés entre 1997 et 2006, seulement 60 % ont fini par rester.Aux Etats-Unis, entre 60 % et 75 %.

Les immigrantsqui ont déjà tout quitté une fois sont plus susceptibles de le faire à nouveaupour un certain nombre de raisons. S’ils ne parviennent pas à s’intégrer dansleur nouvel environnement, ils peuvent choisir de continuer ailleurs ou deretourner vers le pays d’où ils sont venus. Ayant déjà vécu un déracinement,ils n’ont plus peur de l’inconnu. Aussi, de nombreux immigrants se serventd’Israël comme passerelle pour leur véritable destination. Toutefois, le succèsde l’Etat juif est tout à fait remarquable dans l’intégration de sesimmigrants.

Le tauxd’émigration parmi les Israéliens de souche est encore plus faible. Il atteinten 2011, selon un article du démographe Yinon Cohen, publié dans le Journalinternational de sociologie comparative, 5,85 %. Plus que la moyenne de4,9 % des pays membres de l’OCDE, mais moins que des pays comme l’Irlande,la Nouvelle-Zélande, la Suisse, l’Autriche, la Finlande, la Grèce ou leRoyaume-Uni.

Et Yinon deconclure : « De toute évidence, le nombre d’Israéliens nés dans lepays qui résident à l’étranger n’est pas exceptionnellement élevé par rapportaux autres pays occidentaux. »

La non-fuite descerveaux

Et au bout ducompte, malgré le pourcentage important d’Israéliens d’origine étrangère(40 % de la population), en dépit de sombres perspectives pour unrèglement politique durable avec les Palestiniens, d’une situation sécuritairedifficile, et d’une économie relativement restreinte, une forte proportiond’Israéliens demeure dans l’Etat juif.

Même lesaffirmations sur la fuite des cerveaux dont souffrirait Israël sont exagérées.Dans une récente interview au Globes, Ehoud Gazit déclarait :« Israël ne connaît pas de fuite des cerveaux, comme d’autres pays ».Car, selon l’expert scientifique du ministère de la Science, de la Technologieet de l’Espace, on parle de fuite de cerveaux quand des personnes instruites neveulent pas vivre dans le pays. Ce qui n’est pas le cas de l’Etat juif,affirme-t-il : « Les scientifiques israéliens veulent vraimentrevenir chez eux ».

Le« problème », si on peut l’appeler ainsi, est qu’Israël, paysminuscule, produit le plus grand nombre de scientifiques et d’ingénieurs parhabitant au monde. Mais il ne dispose tout simplement pas d’assez de postespour tous ces talents remarquablement formés.

En outre,plusieurs études sur la migration ont montré que si les Israéliens hautementqualifiés sont plus susceptibles d’émigrer – en partie parce qu’ils sont lesseuls à pouvoir obtenir un permis de travail dans les pays occidentaux – cesmêmes individus ont tendance à revenir en Israël en nombredisproportionnellement plus élevé.

Selon leprofesseur Lilach Lev-Ari, qui dirige le département de sociologie del’éducation au Collège académique Oranim, et dont les recherches portent surles expatriés israéliens, les émigrants partis à l’étranger pour développer unecarrière professionnelle ou universitaire rentreront très probablement au pays.

Alors que« quelqu’un de moins instruit qui quitte Israël pour des motivationspurement financières, a moins de chances de revenir », note Lev-Ari,« parce qu’il n’y a pas de limites à l’appât du gain. Mais si l’on s’estfixé des objectifs éducatifs ou professionnels spécifiques, une fois le butatteint, il est fort probable que l’on souhaitera rentrer. »

Un débat quitourne à l’hystérie

Pourtant, même sile taux d’émigration d’Israël est tout à fait raisonnable compte tenu de lacomposition de la population et des conditions particulières auxquelles doitfaire face le petit Etat juif, entouré de voisins hostiles, une certaineatmosphère défensive et quasi-hystérique entoure le discours public sur laquestion.

Par exemple,après la diffusion de la première partie de l’émission Hayordim Hahadashim surAroutz 10, qui mettait en avant le faible coût de la vie à Berlin et lessalaires moyens plus élevés qu’à Tel-Aviv, Matan Chodorov, a présenté sesexcuses à l’antenne. Et tenu à souligner : « En aucun cas nous ne voulonsplaider en faveur du départ d’Israël. »

Quant auxtribunes libres publiées sur Ynet par des émigrants israéliens installés àBerlin, elles sont passées des justificatifs (« On m’a proposé un job derêve », « J’ai l’intention de revenir bientôt », « je suisun émissaire d’Israël ») à la défensive (« J’ai rempli mesobligations envers l’Etat, maintenant il est temps de penser à moi »). Demême, les commentaires de Zach au Yediot Aharonot en faveur de l’émigration ontravivé de vieilles controverses.

Mais si le tauxd’émigration d’Israël est conforme à la norme internationale, pourquoi le débattourne-t-il à l’hystérie ? Le facteur démographique y est sans doute pourquelque chose.

Au cours desdernières décennies, le pourcentage de Juifs en Israël (l’ensemble de Jérusalemet du Golan inclus, mais sans compter la Judée-Samarie) a progressivementbaissé par rapport au pourcentage de non-Juifs, Arabes, immigrants de toutesorte, légaux et illégaux, et d’immigrants originaires de l’ex-URSS qui ne sontpas juifs selon la Halakha (loi juive).

Si en 1990, audébut des grandes vagues d’immigration en provenance de l’ex-URSS, lesnon-Juifs constituaient 18,6 % de la population, en 2009 ce nombre estpassé à 28,35 % : soit une augmentation de plus de50 %. Car l’aliya soviétique a certes conduit de nombreux Juifs versla Terre promise, mais elle compte également en son sein plus de 300 000immigrants admissibles à la citoyenneté israélienne en vertu de la Loi duretour, qui ne sont pas juifs au sens strict du terme.

Eviter undéséquilibre démographique

Conserver unemajorité juive est crucial pour l’existence d’Israël en tant qu’« Etatjuif et démocratique ». C’est ce qui justifie le maintien de lois comme laLoi du retour, qui accorde automatiquement la citoyenneté israélienne à toutepersonne d’ascendance juive, tout en rendant extrêmement difficile lapossibilité pour les non-Juifs d’obtenir la nationalité du pays. Ou encore lemaintien de symboles nationaux comme l’Hatikva, hymne national qui évoque lanostalgie de « l’âme juive » pour Sion. Mais aussi le calendrierjuif, ou des dizaines d’autres aspects de la nation d’Israël, de sa culture àson système juridique, en passant par le rôle du judaïsme dans le mariage, ledivorce et les conversions, qui en font un état juif à part entière.

Le désir demaintenir une majorité juive détermine également les réactions politiquesvis-à-vis du conflit israélo-palestinien. C’est l’élément moteur qui prévautdans la solution à deux Etats. Pour la grande majorité des Israéliens juifs,telle est d’ailleurs l’option la plus populaire pour résoudre le conflit, carelle garantit à Israël la possibilité de conserver sa forte majorité juive.

L’annexion de laJudée-Samarie, avec ses près de deux millions d’habitants palestiniens,mettrait en danger cette majorité juive. Conserver toute la Judée-Samarie, sansaccorder aux Palestiniens le droit de vote, porterait atteinte à la démocratieisraélienne. C’est pourquoi la plupart des Israéliens soutiennent, en principe,cette solution à deux Etats avec les Palestiniens.

Avec un telenjeu, on comprend que l’idée de voir des Juifs quitter Israël pour ne jamaisrevenir rend les Israéliens un tant soit peu nerveux. Chaque Juif qui partaffaiblit la pérennité de la majorité juive et, de ce fait, porte atteinte à lajustification démographique pour un Etat juif et démocratique à part entière.Et ce déséquilibre démographique menace l’ensemble du projet sioniste.

La diaspora, unebizarrerie temporaire ?

Le départd’Israël constitue également un affront aux fondements mêmes de l’idéologiesioniste ; les divers courants et institutions, sans oublier legouvernement israélien et presque tous les partis politiques du pays adhèrentau principe que la place du Juif se trouve idéalement dans un Etat juifsouverain, créé dans la patrie historique du peuple juif.

La centralité dela Terre d’Israël et l’importance d’y habiter ne sont pas, bien sûr, uneinvention sioniste. Comme tant d’autres aspects de son idéologie, le sionisme alargement emprunté aux sources juives classiques, tout en y apportant en routede nouvelles interprétations à la lumière de la laïcité.

Le Talmudbabylonien compare le fait de vivre en dehors de la Terre d’Israël à del’idolâtrie. Dans ses Lois des Rois, Maïmonide statue qu’« en tout temps,il est interdit de quitter la Terre d’Israël pour la diaspora, sauf pourétudier la Torah, trouver une épouse, ou récupérer des biens juifs des mains depaïens, mais il faut ensuite retourner en Terre d’Israël. En outre, il estautorisé de quitter la Terre pour affaires commerciales, mais demeurer àl’extérieur du pays est interdit sauf en cas de famine sévère… et bien qu’ilsoit dans ce cas permis de partir, ce n’est pas le chemin des Justes… »

Une longue listed’idéologues sionistes de diverses allégeances politiques considèrent la viejuive en diaspora soit comme une sorte de bizarrerie temporaire qui finira parêtre rectifiée, soit comme une anomalie.

Au début du XXesiècle, les écrivains Yossef Haim Brenner ou Micha Josef Berdyczewski semontreront même particulièrement extrémistes dans leur « rejet del’exil » (shlilat hagalout). Ils qualifient les Juifs de la diaspora commementalement et moralement démunis, handicapés spirituellement, humiliés parleur incapacité à se défendre et en tout point méprisables.

Même les penseurssionistes comme Ahad Haam, qui adoptent une attitude plus modérée, prêts àadmettre certains traits positifs acquis par les Juifs de la diaspora, appellentnéanmoins à la création d’un « centre spirituel » en Palestine quiferait rayonner la confiance en soi pour les Juifs de la diaspora et leurdonnerait la force de résister à l’assimilation, considérée comme unedéformation et une faute morale.

Le rejet del’exil devient un élément central dans le mouvement sioniste travaillistedominant.

Cette ligne depensée va s’affirmer après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’énormité de ladestruction des Juifs d’Europe se fait jour.  Avant la Shoah, le sionismereste un mouvement juif mineur, confronté aux bundistes, socialistes,assimilationnistes, mouvements juifs réformés et autres « solutions »à la situation difficile des Juifs de la diaspora dans le monde moderne. Mais,après la guerre, il semble être la réponse la plus brutalement réaliste pouroffrir des chances de survie aux Juifs en exil – du moins en Europe.

La colère d’ABYehoshua

Bien que l’accentmis sur le rejet de l’exil ait été atténué dans l’idéologie sionistecontemporaine et dans le système éducatif israélien, les attitudes négativessont profondément ancrées et persistantes.

« Un rebutde mauviettes » : c’est ainsi que le Premier ministre d’alors, ItzhakRabin, qualifie l’émigration israélienne, dans une interview donnée àl’occasion de la fête de l’Indépendance, en 1976.

« Ladiaspora est une maladie et on ne devrait rien avoir à faire avec lesIsraéliens qui la rejoignent », déclarait à son tour en 1980, lors d’undébat à la Knesset, la député Guéoula Cohen, alors que les chiffres des départsd’Israël dépassaient de 30 000 ceux des arrivées, un record jamaisatteint.

AB Yehoshua,écrivain lauréat du prix Israël, est peut-être le plus virulent et le plusconnu des représentants contemporains de cette position sioniste classique. Ilfait toutefois partie du camp des colombes au regard du conflitisraélo-palestinien. Pourtant, au fil des ans, Yehoshua a utilisé les termesles plus méprisants pour décrire ceux qui choisissent de rester vivre endiaspora.

Lors d’uneréunion avec les rédacteurs et les journalistes du Jerusalem Post, en 2003, iltraite ainsi le judaïsme de la diaspora de « masturbation », parrapport à la vie en Israël qui, elle, est « le vrai truc ».

Dans la mêmeveine, lors du colloque du centenaire de l’American Jewish Committee, en 2006,il déclare : « Le judaïsme en dehors d’Israël n’a pas d’avenir. Sivous ne vivez pas en Israël… votre identité juive n’a aucun sens. »

Et pour enfoncerle clou, en 2012, Yehoshua prend pour cible les grandes communautés d’expatriésisraéliens à l’étranger : « Il y a environ 500 000 [sic]Israéliens à l’étranger, qui parviennent aisément à se glisser dans leur« israélianité », qu’ils considèrent comme citoyenneté et nonidentité… Pourquoi ? Parce qu’ils ne peuvent pas trouver d’emploiici ? Les Suédois, non plus, n’ont pas autant de travail dans la hautetechnologie qu’ils le voudraient, mais on ne voit pas beaucoup de Suédois auxEtats-Unis. »

Quandl’assimilation guette les exilés

L’émigration desIsraéliens et leur intégration réussie – d’abord dans des villes comme NewYork, Los Angeles, Londres, puis plus tard même à Berlin – constituent unaffront direct aux valeurs sionistes classiques, et à ce que l’on croyait êtreles leçons irréfutables de la Shoah.

La communautéjuive, particulièrement en Amérique, semble être en plein essor, non seulementéconomique, mais aussi culturel et même spirituel. Hier comme aujourd’hui, lesJuifs représentent, de façon disproportionnée, une part importante de l’éliteéconomique, intellectuelle, culturelle et même politique de l’Amérique. Lelobbying pro-israélien très influent apporte la preuve de la nécessité demaintenir une présence dans un pays devenu le plus important allié d’Israël.

Ainsi, en dépitdes affirmations du contraire de Yehoshua, le judaïsme en dehors d’Israëlsemble être florissant, mais avec un taux d’assimilation galopante, notammentchez les non-affiliés et les non-orthodoxes. Et un nombre croissant d’Israéliensveut en être.

Selon un sondagerécemment publié, mené auprès de 500 Israéliens, 48 % déclarent qu’ilsauraient préféré naître et vivre dans un autre pays, pour 52 % quichoisissent Israël. Un sondage réalisé en 2007 affichait des résultatssimilaires.

Les enquêtesmenées en 2009 par le regretté Asher Arian de l’Institut de la démocratied’Israël, montrent que, si une majorité des Israéliens sont convaincus devouloir rester en Israël à long terme, ces pourcentages ont diminué après avoirculminé à 83 % en 1995, suite à la signature des accords d’Oslo.

Une autre caused’inquiétude à propos de l’émigration est le fait que beaucoup d’Israéliens quiquittent Israël pour ne jamais revenir ont tendance à s’assimiler en très grandnombre. C’est l’une des conclusions tirées par Lev-Ari, d’Oranim, dans sonlivre « Israéliens américains : migration, transnationalisme etidentité diasporique », rédigé en collaboration avec Uzi Rebhun.

Apparemment, uneidentité construite uniquement sur le fait israélien n’est pas viable endiaspora.

De la difficultéà maintenir les identités nationales

Contrairement aujudaïsme, qui a su résister à l’exil grâce à la notion d’appartenance à unpeuple et à l’accent mis sur la religion, l’identité israélienne –essentiellement similaire à toute autre identité nationale, qu’elle soitgrecque, italienne ou allemande – semble difficile à transmettre à ses enfantset petits-enfants en dehors du territoire physique d’Israël.

De fait, une descritiques des autorités rabbinique orthodoxes, opposées au mouvement sionistedes XIXe et XXe siècles, était qu’il s’efforçait de remplacer l’identitéreligieuse par une identité exclusivement ou principalement nationale. Et lavalidité de cet argument est prouvée par le taux particulièrement élevé d’assimilationparmi les yordim israéliens laïques.

Pourtant, lejudaïsme classique a réussi à développer l’idée d’une « patrietransportable », qui considère les Juifs comme une nation avec des liensparticuliers à une terre spécifique. Tout en maintenant une solide identitéreligieuse, indépendante du fait d’être dans une zone géographique quelconque.S’il n’a jamais été seulement une religion, pour contenir également ladimension de peuple, il a su s’adapter avec succès aux pressions de la vie endiaspora.

En outre, si lesJuifs ont souffert de l’absence de pouvoir politique et d’une incapacitéfondamentale à se défendre sur leur propre terre, ils ont fait preuve d’uneremarquable capacité à conserver leur identité juive et à la transmettre auxgénérations futures, à travers les rites, les croyances et la viecommunautaire. Ou tout simplement, l’éternité de la Torah.

En revanche, lacontinuité de l’identité nationale israélienne dépend de la vie en un lieuspécifique.

Ainsi, tant quel’Israélien reste en Israël, son identité israélienne a une portée infinimentplus riche, plus vaste et plus globale sur sa vie que la « judéité »du Juif américain, comme Yehoshua et d’autres sionistes le prétendent. Mais dèsqu’il pose un pied en dehors d’Israël, son identité israélienne devientdifficile à conserver.

Malgré tous lesdiscours sur le transnationalisme et la capacité à maintenir les identitésnationales à travers les frontières et les grandes distances via Internet etles nouveaux médias, la situation géographique joue encore un grand rôle dansla formation de l’identité, pour soi et pour ses enfants. En insistant surl’identité nationale, le sionisme a rendu les Israéliens particulièrementsensibles à l’assimilation.

La relation à laTerre

Pourrésumer : comme indiqué plus haut, le taux d’émigration en provenanced’Israël n’est pas excessivement élevé. Même le phénomène de l’émigration desuniversitaires n’est pas le signe d’une défaillance grave dans la sociétéisraélienne. Et ceux qui partent ont tendance à revenir en plus grand nombre.Et Israël peut également se targuer d’une réussite exceptionnelle à avoir suconserver la grande majorité de ses immigrants, qui forment un bon 40 % desa population.

Néanmoins,l’émigration continue d’être une source d’inquiétude pour des raisons liées àla démographie vis-à-vis des Palestiniens, à l’idéologie sioniste et à lapérennité de l’identité juive.

Mais il faut serappeler que les Juifs ont toujours eu une relation ambivalente avec la Terred’Israël. Contrairement aux autres nations autochtones, le récit bibliquerapporte que le peuple juif a été créé avant même son entrée en Terre d’Israël.La terre a été donnée aux Juifs à la condition qu’ils gardent un comportementmoral.

Et depuis presquele début de leur existence, ils ont embrassé la vie en diaspora. Après ladestruction du Premier Temple en 586 avant notre ère, lorsque les Juifs ont étéexilés de leur terre, beaucoup ont choisi de rester en Babylonie et ailleurs,même après la construction du Second Temple.

La survie desJuifs en diaspora, pendant près de deux millénaires d’exil qui ont mené à lacréation de l’Etat d’Israël, est un phénomène absolument extraordinaire. Pourréaliser cet exploit, ils ont développé des compétences uniques sur le planculturel.

Bien queMaïmonide et d’autres autorités rabbiniques aient statué sur le commandement devivre en Terre d’Israël et l’interdiction de la quitter, sauf dans descirconstances exceptionnelles, très peu de Juifs ont observé ces restrictionspendant des siècles. Maïmonide lui-même était un yored. Monté en Terre d’Israëlautour de 1168, il la quitte pour s’installer définitivement à Fostat, en Egypte.

Même après leretour du peuple juif sur sa terre, la légitimité du nouvel Etat est remise enquestion. Jusque chez ceux qui soutiennent sans réserve Israël, un désaccordsubsiste sur les frontières exactes de la souveraineté juive.

Les inquiétudes concernant la yérida ne peuvent, semble-t-il,faire abstraction de la relation complexe qui existe entre le peuple juif et laterre d’Israël.

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