Netanyahou dans le collimateur

Si le public israélien a réagi avec retenue à la publication du rapport du contrôleur de l’Etat sur les dépenses du couple Netanyahou, celui sur la crise du logement pourrait avoir plus de succès

Mobilier de jardin, vêtements, maquillage et frais de bouche. Le couple Netanyahou n'a pas lésiné sur les dépenses. Aujourd'hui, le Premier ministre risque bien de payer la note. (photo credit: REUTERS)
Mobilier de jardin, vêtements, maquillage et frais de bouche. Le couple Netanyahou n'a pas lésiné sur les dépenses. Aujourd'hui, le Premier ministre risque bien de payer la note.
(photo credit: REUTERS)
C’était en 2003. Le quotidien Haaretz révélait que l’homme d’affaires sud-africain Cyril Kern avait transféré 1,5 millions de dollars au fils d’Ariel Sharon, Guilad, pour couvrir les dettes contractées par son père lors de sa campagne pour les primaires du Likoud en 1999. Le scandale avait secoué l’arène politique et la presse s’empressait de prédire la défaite de Sharon, la victoire d’Amram Mitzna et la paix au Proche-Orient. Mais l’ancien Premier ministre avait fait mentir tous les pronostics et remporté les élections législatives, à 38 mandats contre 19 pour son adversaire.
Plus d’une décennie plus tard, le rapport du contrôleur de l’Etat sur les dépenses excessives du couple Netanyahou est publié à moins d’un mois du scrutin, annonçant la chute du parti au pouvoir. Selon les derniers sondages, le nouveau scandale a coûté deux mandats au Likoud, qui perd ainsi son avance sur le Camp sioniste. Pour l’instant, les scores sont de 22 contre 24, mais rien n’est encore joué. A l’heure où nous mettons sous presse, le procureur général Yehouda Weinstein n’a pas rendu sa décision d’ouvrir ou non une enquête pénale pour détournement d’agent public.
Le couple Netanyahou se prépare au pire et a déjà loué les services du célèbre avocat Jacob Weinroth. La meilleure défense étant l’attaque, dans l’entourage du Premier ministre on affirme que les dépenses ont augmenté sous la gestion de Meni Naftali, un « ancien fonctionnaire aigri » chargé de l’entretien, et qui avait déjà poursuivi Sara Netanyahou en justice pour mauvais traitement.
Mais Meni Naftali n’a pas l’intention de se laisser faire. L’ancien employé de la résidence du Premier ministre s’est vu accorder l’immunité en échange de son témoignage, qui pourrait apporter de nouveaux éléments et contribuer à l’ouverture d’une enquête. Selon de récents sondages, 45 % des Israéliens croient les révélations de Meni Naftali, contre 36 % qui ne les croient pas. 47 % estiment que l’ouverture d’une enquête n’est pas justifiée, mais 39 % espèrent qu’une investigation sera lancée.
A en croire une enquête d’opinion menée ce week-end, la chute de popularité de Benjamin Netanyahou n’est pas aussi désastreuse que prévue. Si 20 % des indécis se disent certes moins enclins à voter pour le Likoud, 30 % des électeurs du parti de droite aux élections de 2013 ont affirmé que le rapport de Yossef Shapira les confortait dans leur choix de redonner leur voix au parti au pouvoir le 17 mars prochain. Seuls 14 % des électeurs du Likoud ont affirmé que la publication du rapport risquait de freiner leur entrain.
Pourquoi les soupçons de corruptions semblent-ils renforcer les électeurs du Likoud au lieu de les rebuter ? Et pourquoi les chiffres des dépenses démesurées du couple au pouvoir n’ont-ils pas eu de réel impact sur l’opinion publique israélienne, alors que l’on aurait pu s’attendre à ce qu’ils révolutionnent le résultat de ces élections ?
Une partie de la réponse est de nature historique. Depuis la création de l’Etat, le « prolétariat » séfarade accuse « l’élite » ashkénaze de contrôler le pays, l’armée et les médias. Malgré les changements démographiques des dernières années, ce ressentiment est toujours présent. Cette élite est vue aujourd’hui comme celle qui fera tout pour empêcher le Likoud de remporter les élections.
A moins que les Israéliens aiment avoir des politiciens corrompus ? Un peu mais pas trop. Quand l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert a dépassé la ligne jaune, il a été forcé de démissionner en 2008.
Parallèlement à cela, la popularité de Tzipi Livni ne cesse de chuter. Selon certains chiffres, elle serait la chef de parti la moins populaire de l’échiquier politique israélien. Selon un sondage mené par le Likoud, Tzipi Livni serait même moins appréciée en Israël que le président américain Barack Obama, et l’idée d’une rotation avec Itzhak Herzog porterait tort au Camp sioniste. C’est pourquoi le Likoud dirige sa campagne contre elle.
Pour conclure, l’opinion publique israélienne s’offusque, mais ne semble pas prendre très au sérieux les conclusions du rapport de Yossef Shapira. A l’image du scandale des bouteilles, les Israéliens jugent ces accusations frivoles. Mais le Premier ministre n’est pas encore sorti d’affaire. Le prochain rapport du contrôleur de l’Etat sur la crise de l’immobilier, dont la publication est attendue dans les prochains jours, pourrait changer la donne. Le compte rendu devrait pointer du doigt les récents gouvernements Netanyahou – ainsi que celui de son prédécesseur Ehoud Olmert – pour la flambée des prix du logement, et pourrait avoir un impact majeur sur la suite de la campagne…
Sara-Bibi : dépensiers compulsifs?
* Hausse des dépenses de la résidence officielle : + 211 000 shekels depuis 2009, date de l’entrée en fonction de Netanyahou.
* 2011 : année record avec 490 000 shekels de dépenses. Dès 2012, la tendance est cependant à la baisse.
* 164 632 shekels de repas livrés à domicile entre 2010 et 2011, malgré la présence d’un cuisinier à demeure.
* 144 000 shekels de vêtements, maquillage et coiffure, soit 2,5 fois plus que le budget alloué.
* 75 400 shekels de nettoyage – moyenne mensuelle – pour les deux domiciles du couple entre 2009 et 2013. Dont 8 200 shekels pour l’entretien de la résidence privée de Césarée, alors que le couple passe la majeure partie de son temps dans la résidence officielle de Jérusalem.
* Achat de mobilier pour la résidence officielle de Jérusalem, échangé avec un mobilier identique, mais plus ancien, provenant du domicile privé de Césarée.
* Affaire du « Bottlegate » : la première dame a gardé l’argent du recyclage des bouteilles pourtant achetées avec des fonds publics.
* Mise à contribution des employés pour payer de menus frais, non remboursés.
* Emploi d’un électricien, ami du couple et proche du Likoud, malgré l’interdiction formelle du comité. Interventions de l’employé chaque week-end, pendant trois mois, fin 2009, y compris le jour du jeûne de Kippour, pour un taux horaire alors doublé. L’un des motifs les plus sérieux d’éventuelles poursuites judiciaires.
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite