Promesses et programmes de campagne

Après l’effervescence des primaires, les partis présentent leurs arguments de campagne

Zionist Union leader Isaac Herzog (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Zionist Union leader Isaac Herzog
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
La nuit des élections de 2009, le président du Likoud, Benjamin Netanyahou, et l’ancienne chef de file de Kadima, Tzipi Livni, avaient prononcé en même temps leurs discours de victoire à leurs électeurs, agissant tous les deux comme s’ils avaient gagné la course et le droit de former le futur gouvernement. Livni avait gagné 28 sièges ; Netanyahou, 27 ; et les chaînes de télévision avaient diffusé leurs discours en direct sur un écran divisé en deux. Six ans plus tard, à deux mois du scrutin du 17 mars, Netanyahou et Livni ont, à nouveau, proclamé leur victoire. Cette fois, ils ont été assez aimables pour espacer leurs discours de neuf jours : Netanyahou a choisi le 5 janvier et le centre des conventions de Tel-Aviv ; Livni, le 14 et le kibboutz Shfayim.
Même si elle n’est que seconde sur la liste commune, derrière Itzhak Herzog, le premier discours de Livni devant des partisans travaillistes – elle qui est la fille d’un combattant de l’Irgoun – a été le point d’orgue de la soirée.
Les deux rassemblements avaient des airs de victoires électorales. Jingles, confettis, candidats appelés à monter sur scène, salves d’applaudissements. Deux joyeuses fêtes pour les activistes des deux bords. Et dans une campagne qui ne fait que commencer, l’heure était à la surenchère. Le Likoud a annoncé 30 sièges – même si les sondages le créditent de 25 mandats – alors le parti travailliste a monté la barre à 32. Reste à convaincre les électeurs…
Des programmes bien rodés
Netanyahou concentrera sa campagne sur la réforme du système électoral ; Yaïr Lapid, le président de Yesh Atid, a choisi la lutte contre la corruption en politique ; Moshé Kahlon, chef de file de Koulanou, la réforme du logement ; quant à Avigdor Liberman, d’Israël Beiteinou, il est revenu à son habituelle bataille contre les Arabes israéliens.
Le choix est judicieux. En mettant en valeur l’urgence d’une réforme électorale, Netanyahou répond à la colère du public, qui l’accusait d’avoir provoqué des élections anticipées. Même si son projet de rendre le gouvernement presque impossible à renverser ne se réalise qu’après les élections – et en cas de victoire à ces dernières – il rendrait inévitablement la prochaine coalition beaucoup plus stable, quels que soient les partis qui la rejoindraient.
Lapid mise sur le fait que la corruption en politique sera au centre du débat ces deux prochains mois, et la police semble coopérer. Bien qu’il ne puisse plus se présenter comme une alternative, il peut au moins compter sur son irréprochabilité, ainsi que sur celle de sa liste.
Quant à Moshé Kahlon, il a révélé une large part de son programme dans une série d’interviews accordées à la presse israélienne mercredi 14 janvier, et lors d’un meeting le lendemain. Sa campagne est un reflet de sa liste pour la Knesset : dominée par les enjeux socio-économiques. Quant aux problèmes sécuritaires et diplomatiques, ses deux figures phares – le général Yoav Galant et l’ancien ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis Michael Oren – lui serviront de paravent, afin de cacher la légèreté de son programme sur ces questions.
Enfin, lors de sa conférence de presse jeudi 15, Liberman est resté fidèle à lui-même : prêt à faire de sérieuses concessions en faveur des Palestiniens et sous certaines conditions, mais toujours hostile vis-à-vis des Arabes israéliens, remettant au centre de sa campagne la question de leur loyauté envers l’Etat d’Israël. Liberman a brouillé les pistes, clamant « Oum El Fahem en Palestine ». Palestine, et non Autorité palestinienne. Un agenda qui a semé la confusion chez les commentateurs politiques qui ne savent comment le définir. Une démarche intelligente – car elle représente l’opinion de nombreux électeurs indécis.
Herzog se pose en expert
Et qu’en est-il de Herzog ? Le chef de file du parti travailliste prévoit de consacrer autant de temps aux problèmes socio-économiques, diplomatiques et sécuritaires, et d’insister sur leur complémentarité. Il souhaite positionner sa liste comme la seule comptant des experts dans tous les sujets. Pour ce faire, il devra choisir une personnalité respectée du monde de la sécurité, et l’ajouter à ses rangs dans une semaine ou deux, bien que le spécialiste et parlementaire Omer Bar-Lev soit déjà présent. Pour la diplomatie, il peut compter sur Tzipi Livni. Quant aux affaires socio-économiques, l’économiste Manuel Trachtenberg, l’audacieux entrepreneur Erel Margalit et les protestataires Itzik Shmouli et Stav Shaffir semblent faire l’affaire. Herzog a même appelé Margalit pour lui confirmer qu’il recevrait un portefeuille socio-économique important, bien que Shaffir et Shmouli se soient classés avant lui aux primaires.
Dans son discours au kibboutz Shfayim, Herzog est revenu sur tous ces enjeux et a prévenu que la réelle victoire serait atteinte seulement quand lui et ses candidats auront réussi à changer quelque chose. Son surnom, Bouji (mignon), a été soigneusement effacé du langage de communication du parti travailliste par les stratèges de campagne. Il ne ferait pas assez Premier ministre. Egalement à noter, l’absence du mot « paix » dans tous ses discours de campagne très médiatisés, mot qui semble devenu tabou et pourrait effrayer certains électeurs. Mais est-ce réellement le cas ?
Ce que les partisans du Likoud et du parti travailliste ont prouvé en choisissant ces listes, c’est l’absence d’ambition de piocher dans le camp adverse sur l’échiquier politique. Au départ, les deux formations semblaient se disputer les voix du centre. Finalement la liste du Likoud compte beaucoup de « faucons », et celle du parti travailliste, une grande majorité de « colombes ». Les stratèges des deux partis mettent l’accent sur la traque des électeurs indécis à l’intérieur même de leurs camps politiques respectifs.
Le Likoud va tenter de rallier des voix des partis satellites, situés à sa droite, particulièrement Israël Beiteinou et Shas, tandis que le parti travailliste aimerait grappiller des électeurs de Yesh Atid et de Meretz. Livni va jouer un rôle central dans ces efforts : elle a déjà essayé d’attirer ces électeurs lors de son discours à Shfayim, en déclarant sentir que, pour de nombreux Israéliens, son alliance avec Herzog avait réussi à transformer le désespoir en espoir…
Pour tous, il reste encore deux mois de travail acharné avant les élections.
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