Les fruits de leur travail

Des chercheurs de l’Institut Volcani montrent leurs nouveaux produits à des chefs impatients de les découvrir

Les fruits de leur travail (photo credit: AMY SPIRO)
Les fruits de leur travail
(photo credit: AMY SPIRO)
Voulez-vous un supplément de lycopène dans vos tomates ? Que diriez-vous d’un pamplemousse sucré et facile à peler, ou de pois chiches qui ne secouent pas vos intestins ? Ces produits sont quelques-uns des projets sur lesquels travaillent les scientifiques de l’Organisation de recherche agricole (ARO) de l’Institut Volcani (le département recherche du ministère de l’Agriculture). Le 27 janvier, les chercheurs ont présenté les résultats de leurs travaux à plusieurs dizaines de chefs (membres de l’Association des cuisiniers israéliens) venus des quatre coins du pays, au siège de l’ARO à Beit Dagan. A chaque chercheur son champ de spécialité : herbes fraîches, agrumes, fraises et pois chiches.
Le Dr Nativ Dudai, spécialisé en plantes et herbes aromatiques et médicinales à l’agence de l’ARO à Neveh Yaar et professeur à l’Université hébraïque, affirme que l’espèce de basilic qu’ils ont développée (variété perrie) est la plus utilisée en Israël. Elle s’exporte également à l’étranger. « Il ne faut pas seulement prendre en compte la qualité de l’herbe, mais également sa capacité à pousser toute l’année et sa durée de vie », explique l’expert.
Jusqu’aux années 1970-1980, l’immense majorité des gens ne cuisinaient qu’avec des herbes séchées, mais les efforts israéliens ont en partie contribué à changer cette habitude ; de telle sorte qu’aujourd’hui les chefs du monde entier privilégient le frais au sec. « Chez Volcani, nous développons des produits, nous ne les cultivons pas et nous ne les vendons pas », tient-il à souligner.
Aujourd’hui, Israël envoie ses herbes en Europe grâce à une autre invention de Volcani : des boîtes spécialement conçues pour leur stockage. Les cartons peuvent contenir un kilo d’herbes fraîches et sont recouverts d’un film plastique dit « respirant ». Leur forme particulière (l’un des coins est aplani) permet à l’air de passer quand les boîtes sont empilées, évitant ainsi la surchauffe de celles placées au milieu des cargaisons. D’après un rapport de l’ARO paru en 2012, l’exportation d’herbes et assimilés depuis Israël rapporte plus de deux milliards de dollars par an. « Nous avons même la choutzpah (l’audace) de vendre notre basilic à l’Italie », plaisante Dudai, car la Botte est connue pour sa sauce pesto qui mélange basilic frais, huile d’olive, pignons de pin et ail. A elles seules, les exportations de basilic (la variété perrie uniquement, qui résiste particulièrement bien à la moisissure) s’élèvent à 50 millions de dollars par an. Les chercheurs de Volcani continuent à développer de nouvelles espèces d’herbes (certaines ne sont même pas encore nommées) pour atteindre l’optimum en matière de goût, odeur, apparence et durée de stockage des produits.
Tamir, Jasmine ou Gili, à chacun sa fraise
Le Dr Nir Carmi, spécialiste des agrumes, explique que la plupart des variétés commercialisées aujourd’hui sont des espèces hybrides : « De nos jours, les gens préfèrent les clémentines et mandarines aux oranges traditionnelles, parce qu’elles sont plus faciles à éplucher ». Les consommateurs veulent aussi des fruits sans pépins, qui donnent plus de jus et ont un goût plus sucré. Carmi révèle qu’entre les greffes entre espèces voisines, les multiples campagnes de plantations, tests et récoltes, il faut huit à neuf ans jusqu’à la mise sur le marché d’une nouvelle espèce. Leur pamplemousse aliza – issu d’un croisement entre le pamplemousse ancien et l’orange – a remporté il y a peu un concours de goût en Europe. Il est facile à peler, ne contient pas de pépins et est très sucré.
Récemment, Volcani a également développé le « flamingo » (un pamplemousse rouge né de l’hybridation entre pamplemousse, orange et clémentine) : 14 % de sucre, pas de pépins et du lycopène, un antioxydant qui, paraît-il, aide à prévenir les cancers. Parmi les projets sur lesquels l’ARO travaille en ce moment, on trouve un pamplemousse sans furocoumarine, une molécule déconseillée aux personnes qui prennent un traitement à base de statines pour leurs problèmes cardiaques.
Dans le monde de la fraise israélienne, le Dr Nir Dai est le roi. Il donne des chiffres : Israël produit 25 000 tonnes de fraises chaque année, dont 97 % sont consommées dans le pays. Seulement 500 tonnes par an sont exportées, principalement vers la Russie ou le Royaume-Uni. Pour la fraise, l’objectif des chercheurs de Volcani est de perfectionner le goût, la couleur, la forme, la durée de conservation, le rendement et l’équilibre sucré-acide des fruits. « Nous faisons régulièrement goûter nos produits aux différentes étapes de leur développement », explique-t-il. L’arôme des fraises est l’un des domaines sur lesquels ils continuent de progresser. Les variétés avec une odeur puissante, comme la Mara des bois, sont très petites, fragiles (et donc difficiles à exporter), ont peu de rendement et moisissent aisément. « Mais elles sont délicieuses ! », ajoute Dai.
L’une des variétés les plus populaires en Israël est la tamir, qui donne des fruits gros et sucrés. La variété jasmine donne aussi des gros fruits et pousse dans des espaces restreints. La gili, vendue depuis deux ans seulement, donne de bonnes récoltes et se conserve bien une fois cueillie. Les chefs ont vivement débattu de l’importance comparée de l’apparence et du goût des fraises dans la cuisine, mais aucun produit n’a provoqué plus de disputes que les pois chiches, produit israélien par excellence.
Le pois chiche, l’incontournable
Le Dr Chmouel Galili, spécialiste du produit à l’Institut, explique que le pois chiche est la légumineuse la plus cultivée dans le bassin méditerranéen et que la majorité de ceux cultivés en Israël sont consommés sur place. Dans un marché aussi saturé, sur quoi travaillent les chercheurs ? Galili raconte que l’un des futurs projets du laboratoire est de supprimer un effet indésirable de la consommation de pois chiches (ou de n’importe quel type de haricot) : les flatulences.
Les scientifiques tentent pour cela de réduire la quantité de raffinose contenue dans les pois. Mais Galili tempère : pour l’instant, la demande des consommateurs pour ce type de produit n’est pas assez élevée pour qu’ils se consacrent à son développement. L’Institut est très fier de son nouveau produit, le pois chiche vert frais. Récolté un mois et demi avant les autres pois chiches, il peut être mangé tel quel ou d’abord blanchi, et a un goût totalement différent des pois secs.
Aujourd’hui, il est difficile de trouver des pois chiches frais en Israël, mais ARO a développé des méthodes de récolte et production à large échelle qui devraient résoudre le problème. L’auditoire était très réceptif aux idées de recettes proposées par Galili, du houmous ou falafel de pois chiches verts à l’utilisation de farine de pois chiche dans les gâteaux. Autre possibilité : remplacer le lait de soja par du lait de pois chiche, ou créer une liqueur à partir de la légumineuse.
Les chefs ont goûté les différentes variétés de pois chiches en salade, mais aussi quatre variétés de fraises, une demi-douzaine de variétés d’agrumes, et enfin une ligne d’huile d’olive parfumée. Naama Rosenberg, porte-parole de l’Institut Volcani, a confié aux cuisiniers que leur apport dans le processus était essentiel : « Il est important pour nous de savoir non seulement si le produit fonctionne dans les champs, mais également quel goût il a et comment il peut s’insérer dans le monde culinaire. »
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