La taupe européenne

Pourquoi l’UE refuse-t-elle de classer le Hezbollah organisation terroriste ?

Taupe europenne (photo credit: Sharif Karim/Reuters)
Taupe europenne
(photo credit: Sharif Karim/Reuters)

Berlin - La manoeuvre diplomatique du ministre des Affaires étrangèresAvigdor Lieberman, fin juillet à Bruxelles, pour convaincre l’Union européennede reconnaître le Hezbollah entité terroriste a rencontré une résistancefarouche. Mystère.

Lieberman s’attelle à mettre le Hezbollah hors d’état de nuire depuisl’assassinat de cinq Israéliens et d’un chauffeur de bus bulgare, le 18 juilletdernier. Car pour les agences de renseignements israélienne et américaine,aucun doute : c’est bien le petit protégé libanais qui a fomentél’attentat-suicide.

Le ministre des Affaires étrangères chypriote, Erato Kozakou- Marcoullis,qui préside l’UE, a déclaré qu’il “n’existe aucun consensus au sein des 26 paysmembres de l’EU pour intégrer le Hezbollah sur la liste des organisationsterroristes”, alléguant qu’“aucune preuve tangible ne montre que le mouvementest impliqué dans des actes terroristes”.

Des propos qui ne sont pas passés inaperçus. Les blogs antiterroristes et lesexperts des deux côtés de l’Atlantique ont immédiatement été inondés deréactions, autant de démentis suite aux propos naïfs de Kozakou- Marcoullis.

Et Jacob Campbell va plus loin. Ce chercheur à l’Institut de la démocratiemoyen-orientale au Royaume-Uni et auteur du rapport “Helping Hezbollah” (Aiderle Hezbollah), a confié au Jerusalem Post : “Quelques jours après l’attentat deBurgas - presque sans aucun doute perpétré par le Hezbollah - la présidence duConseil de l’UE a explicitement exclu l’éventualité de le classer organisationterroriste, insistant sur le fait qu’il n’y avait aucune ‘preuve tangible’ quirelierait le Hezbollah à des activités terroristes.

Une déclaration ridicule faite en dépit d’une résolution antérieure adoptée parle Parlement européen, qui cite des ‘preuves évidentes’ d’actes terroristescommis par le Hezbollah.
Sur ce sujet, comme sur tant d’autres, Bruxelles semble avoir la tête bienenfouie dans le sable.”Les Etats-Unis, eux, considèrent bien le mouvement deNasrallah comme une organisation terroriste. Sur son blog, l’expert américaindu Moyen-Orient Michael J. Totten a écrit : “Le premier acte terroriste duHezbollah a été la destruction de l’ambassade américaine à Beyrouth en 1983. Ilme faudrait une journée pour dresser la liste de tous les incidents depuis,mais je m’y abstiendrai.

Les responsables européens connaissent parfaitement les agissements de cegroupuscule. Leur refus de le mettre sur la liste noire n’a rien à voir avecleur ignorance ou avec l’innocence du Hezbollah.”

Quand l’UE fait la sourde oreille

Dans un compte rendu exhaustif sur le site populaire d’informations LongWar Journal, Bill Roggio, un membre éminent de la Fondation pour la Défense desDémocraties a rapporté que “le Hezbollah a soutenu et formé d’autres groupesterroristes pour perpétrer des opérations suicides, y compris le Hamas etAl-Qaïda.”

Si le Royaume-Uni a prohibé la branche militaire du Hezbollah, le groupeparrainé par l’Iran jouit toujours d’une grande latitude politique etorganisationnelle à travers l’Europe. Ce qui lui permet de promouvoir sonidéologie et d’accroître sa puissance opérationnelle.

Selon l’agence de renseignement intérieure allemande (Verfassungsschutz), leHezbollah compte environ 900 membres actifs dans la République fédérale. Maisl’Allemagne, tout comme la France, a montré peu d’enthousiasme pour interdirele mouvement. La France, tout simplement parce qu’elle souhaite préserverjalousement son influence diplomatique au Liban.

Une résolution législative a toutefois été émise pour exhorter l’UE àcouper l’oxygène du principal soutien du Hezbollah, les Gardiens de laRévolution iraniens.

En effet, en fin 2009, le Parlement néerlandais, dans une initiative rapportéepar le Jerusalem Post, a exhorté l’UE à radier les Gardiens, pour la simpleraison que “cette organisation a joué un rôle de premier plan dans larépression sanglante des récentes manifestations populaires [contre laréélection de Mahmoud Ahmadinejad] et soutiendrait de plus en plus activementle terrorisme international, comme le Hamas, le Hezbollah et les milicesanti-occidentales en Irak.”

Mais l’UE a tout simplement ignoré l’appel néerlandais. L’été dernier, leslégislateurs de la Chambre des députés italiens ont adopté à l’unanimité unerésolution appelant la communauté internationale à faire pression sur leprésident syrien Bashar Assad pour “endiguer le mouvement de répression desmilitants pour la démocratie, ainsi que l’influence de l’Iran et du Hezbollahen Syrie.” Mais une fois de plus, l’UE n’a pris aucune mesure contre leHezbollah.

Le professeur Gerald Steinberg, président du groupe NGO Monitor, a déclaréau Post : “Au Liban, des millions d’euros provenant du budget de l’UE sontdélivrés sous la bannière ‘réforme éducative’, tandis que le ministre del’Education prône l’enseignement de la ‘résistance’, comprenez le terrorisme duHezbollah, soutenu par l’Iran, comme démontré tragiquement en Bulgarie.”

Al-Manar, un instrument du Hezbollah

 Le Post a également rapporté uneconsigne administrative du ministre de l’Intérieur allemand, en 2008, pourempêcher la chaîne de télévision du Hezbollah Al- Manar d’acheter des spotspublicitaires et de collecter des fonds pour son studio de Beyrouth, mais aussipour interdire la diffusion de ses programmes dans les hôtels allemands. Selonla Fondation européenne pour la démocratie, basée à Bruxelles, “la TV Al-Manara été retirée de tous les satellites européens en 2004 et 2005 quand il s’estavéré qu’elle violait les directives audiovisuelles européennes et nationales.”

La Fondation prône depuis longtemps la prohibition d’Al- Manar en raison deses programmes qui “visent à propager une idéologie violente et le djihadisme,endoctrinent les enfants à la haine, incitent au terrorisme, glorifient lesterroristes-suicides, diffusent une propagande violemment antisémite etappellent à des attentats contre des cibles occidentales.

Al-Manar TV compte 10 à 15 millions de téléspectateurs par jour. Elle sertd’instrument au Hezbollah pour le recrutement de terroristes et communiqueraitavec des cellules dormantes dans le monde entier.”

Il est clair qu’Israël a tout intérêt à interdire le Hezbollah en Europe,un groupe qui veut effacer l’Etat juif et assassiner les Juifs où qu’ils setrouvent. Ne serait-ce que pour les meurtres de soldats français à Beyrouth etdu chauffeur de bus bulgare, l’UE devrait suivre sans sourciller, maisapparemment, elle n’est toujours pas disposée à affronter la bête.

L’auteur est chercheur à la Fondation pour la défense des démocraties etjournaliste au Jerusalem Post