La vérité.... où est l’âme soeur ?

Laïcs ou religieux, les Juifs se marient traditionnellement entre eux. Mais comment faire en Diaspora ?

Corbeau sur banc (photo credit: Radu Sigheti / Reuters)
Corbeau sur banc
(photo credit: Radu Sigheti / Reuters)

Taux de divorceexponentiel, familles recomposées... Le monde occidental a fait voler en éclatsles traditions qui régissaient la vie familiale jusqu’à il y a peu. Pourtant,même chez les plus libéraux, un de ces principes semble avoir la vie dure chezles Juifs : trouver un partenaire de la même religion. De l’attachement à latradition, au désir de bâtir un foyer religieux, en passant par faire plaisiraux parents ou éprouver un sentiment d’appartenance... les arguments nemanquent pas pour chercher l’âme soeur du côté de “chez nous”.

Or, si en Israël la chose peut sembler simple, quid des millions de jeunes gensen Diaspora ? Des communautés de petite taille, une mobilité géographique deplus en plus nécessaire dans le monde de l’emploi, mais aussi le phénomèned’assimilation compliquent la tâche. Dans la foulée du boom des rencontres en ligne, un site au label “100 % Juif”naît aux Etats-Unis : Jdate. Il est fondé par des Israéliens de New York quicomprennent le besoin d’adapter à la vie moderne le désir ancestral de “fonderun foyer en Israel”. Petit site est devenu grand, avec aujourd’hui plus de 750000 utilisateurs dans le monde. Aux Etats-Unis, le phénomène est énorme avecplus de la moitié des unions de confession juive ayant débuté sur Jdate aucours des dix dernières années.
En 2008, le site débarque en France. 60 000 internautes y sont inscrits depuis dans la langue de Molière. CélineZaoui, responsable de la branche française, explique qu’on se méfie en généraldes sites de rencontres dans l’Hexagone. Mais que Jdate répond à un besoin,surtout en province, où les communautés se comptent en quelques milliers d’âmesseulement, voire moins. Autre avantage : alors qu’en France, l’appartenance religieuse est souventconsidérée comme privée, en témoignent l’embarras et les périphrases surlesquels butent parfois les politiques à ce sujet, avec Jdate les choses sontclaires. On peut s’y lancer à la recherche de partenaire par niveau dereligiosité, mais aussi par origine communautaire, ashkénaze ou sépharade.
Se faire un réseau... et plus si affinités

En fonction desâges, note Céline, les comportements ne sont pas les mêmes. Ainsi, jusqu’à 35 ans, les utilisateurs s’inscrivent souvent pour un moisseulement, à la saison estivale. “Au pire, si je n’y rencontre personne, je meferai des amis”, s’était dit Karine, Française installée en Israël. La démarchesociale n’est en effet pas étrangère chez certains, notamment chez les nouveauxolim, sûrs de rencontrer des personnes avec qui ils auront des affinités.Conscients de ce besoin dans la communauté française en Israël, lesresponsables du site ont décidé de lancer une série de soirées au mois d’août,à l’occasion de Tou Beav.
“Bien sûr, on y va pour rencontrer l’amour, mais pas seulement !”, souritCéline. Sivan Lazar, bénévole dans le cadre du projet de l’Agence juive, Connect TLV,confirme : le réseau social est d’une importance primordiale pour l’intégrationdu olé hadash. L’association, installée près du boulevard Rothschild, mène unesérie d’activités pour les immigrants : cours de langue, échanges de bonnesadresses, aide aux démarches administratives, à l’emploi. Destinée aux jeunes qui arrivent souvent en Israël sans famille, ni mêmeparfois avec l’intention définitive de rester, Connect TLV rencontre un telsuccès qu’elle devrait bientôt s’étendre aux autres grandes villes du pays :Jérusalem, Haïfa, Beersheva.
L’activité la plus prisée ? “Sans hésiter, nos soirées Mix and Match”, expliqueSivan, une énergique trentenaire. “Ce sont des soirées de rencontres où nousinvitons des Israéliens pour permettre aux olim de les rencontrer”. Etd’ajouter : “Les Sabras adorent venir. Pour eux, les immigrants européens,américains ou hispaniques ont quelque chose d’attirant, d’exotique. Même si cen’est pas forcément pour quelque chose de sérieux...”. De quoi s’amuser etprofiter à fond de la Ville blanche, assurément. Mais pas seulement : Sivan le dit, l’intégration est loin d’aller de soi pourolim qui ont souvent vécu dans des conditions plus faciles dans leur paysd’origine. Beaucoup sont venus parce qu’ils ne “s’accomplissaient pas” dans les cercles sociauxqu’ils ont connus à l’étranger. Or si le lien à leur identité juive et la découverte d’une société juive etisraélienne qu’ils idéalisaient souvent sont primordiaux dans leur expérienceen Terre sainte, certains finissent par repartir, faute de s’être bâti unesituation stable. En définitive, deux facteurs sont susceptibles de les retenirsur le long terme, juge Sivan : un bon emploi et une relation sérieuse.Question de maturité ? Céline Zaoui note aussi que les 35-42 sont les plusnombreux sur Jdate et ils y passent plus de temps, signe peut-être d’unerecherche plus approfondie. A 34 ans, Karine est catégorique : “J’ai fait monaliya pour rencontrer l’homme de ma vie. J’ai vécu un peu partout, dont àPékin. Je voulais épouser un Juif et je savais que, statistiquement, j’auraisplus de chances de le trouver ici”. Arrivée en janvier 2011, la jeune femme,réticente, s’inscrit sur le site sur les conseils d’un ami à New York, dont lasoeur “impossible à marier”, venait enfin de convoler grâce à Jdate. En quatrerendez-vous, Karine rencontre David, un Israélien, le 26 février 2011. Etl’épouse un an plus tard.
Une aliya jugée donc “réussie” et un succès pour le site, qui a d’autresmariages à son actif cette année. Deux au moins ont suscité l’aliya d’un despartenaires, vivant à l’origine en France. Judaïsme, sionisme, tradition... Ebranlé par ailleurs, le mariage reste doncsouvent chez les Juifs une valeur incontournable, profondément enracinée dansla culture et l’identité communautaires. Que les leaders religieux dorment sur leurs deux oreilles : tout comme l’aliya,la Houppa a encore de beaux jours devant elle.