Les médias, producteurs de films, éditeurs, journalistes, sont trèsfriands d’affaires de moeurs. Mais dès que les regards se portent sur leur précarré, et que leurs propres pratiques sont dans la ligne de mire, leurs espritscurieux et intrusifs se mettent soudain en veilleuse et leurs caméras et leursmicros s’enrayent comme par enchantement.
Les salles de rédaction israéliennes et leurs bureaux administratifsseraient-ils enfin prêts à adopter une politique éthique au travail, et àmettre en place des mesures afin de mettre en faillite ces moeurs délétères ?Leurs employés sont-ils au courant de ce qui s’y passe ? Le public doit-il enêtre informé ? Y a-til un cahier des charges mis en place pour gérer lesplaintes et des peines prévues pour punir les dérapages ? Que savons-nous duharcèlement sexuel dans les médias ? La question a refait surface la semaine dernièreen raison des accusations portées contre Emmanuel Rosen, journaliste télé pourAroutz 10 qui anime son propre programme éducatif, Tik Tikshoret. Il s’avèreque depuis de nombreuses années, une épée de Damoclès était suspendue audessusde sa tête. Ses frasques lui avaient déjà coûté sa place à Aroutz 2, il y a 3ans. À l’époque, Rosen était un journaliste phare en prime time pour les infosde la seconde chaîne israélienne, dans une émission appelée Oulpan Shishi.Selon le site Internet Walla, Rosen avait été licencié suite à une plaintedéposée par une jeune employée de la chaîne. Son directeur, M. Avi Weiss, avaitnommé un comité pour vérifier la crédibilité de la plainte et conclu à lanécessité de limoger Rosen. Walla rapporte par ailleurs qu’en 2008 déjà, lescomportements de Rosen avaient eu pour conséquence de voir le journaliste AvriGuilad refuser de programmer La boîte noire, une émission produite par Reshetet animée par Rosen pour Aroutz 2, et ce en raison des nombreuses rumeurs quicouraient sur ses comportements licencieux.
Motus sur des affaires de moeurs en série
Il s’avère que tout ce remueménageest positif. La plainte a eu pour effet d’assainir des comportements etpratiques d’un autre âge auxquelles il est temps de mettre un terme. Maisprivilèges ou passe-droits, en 2010, en dépit des allégations qui courraientsur lui, Rosen a été embauché par Aroutz 10, non plus comme un simplejournaliste, mais comme leur spécialiste politique.
Puis il a décroché un poste à la télévision éducative en décembre 2008. Etégalement été recruté par la station de radio 103FM, la « radio en continu »,basée à Tel- Aviv, pour présenter le journal du soir avec le journaliste BenCaspit.
On ne peut s’empêcher de se demander ce que ses nouveaux patrons de Aroutz 10savaient de ses dérapages lorsqu’ils l’ont engagé.
Et qu’en savait Caspit d’ailleurs ? Après tout il était employé par la chaînedans les années 2002-2006.
Est-ce que Weiss de Aroutz 1 avait passé l’information à Aroutz 10 ? Et si oui,pourquoi n’en n’ont-ils pas tenu compte ? Et si Weiss ne les a pas informés desfaits, pourquoi ce silence ? Il est évident que Weiss et la direction de Aroutz10 doivent rendre des comptes au public. Pourquoi les producteurs du programmeReshet n’ont-ils pas donné suite aux récriminations de Guilad en procédant àdes investigations sérieuses ? On imagine le tollé si par exemple uneuniversité embauchait un professeur qu’un autre établissement aurait limogépour les mêmes motifs ! Sans parler d’un politicien, d’un ministre, ou den’importe quel fonctionnaire. Où d’un président. Bien sûr, cela aurait desconséquences, et quoi de plus normal ! Rosen et ses supporters se plaignentd’une campagne de diffamation orchestrée contre lui. Ils en veulent pour preuvequ’aucune des femmes soi-disant harcelée par le passé n’a jamais porté plainte.
L’éthique en question
Mais comme le souligne très justement Meirav Karako,ténor de la presse qui écrit dans le magazine Globes, et accuse Rosen del’avoir harcelée obsessionnellement, les faits ne doivent pas seulement êtreconsidérés du point de vue légal, mais aussi d’ordre éthique.
Car les emplois de ces hommes, leurs revenus et l’avancement professionnel dontils bénéficient sont conséquents. Instaurer une atmosphère où les femmes sontdavantage des objets sexuels que des collègues de travail respectés, estinacceptable, qu’il y ait crime commis ou pas. Et les médias qui sont prêts àcouvrir de telles pratiques devraient être poursuivis et dénoncés par lepublic.
En Israël, il est urgent d’élever le niveau d’éthique en matière de relationsprofessionnelles entre les deux sexes. L’affaire Rosen est une chose, l’absencede normes éthiques, une autre. Par exemple, le Dr Yitzhak Laor, connu pour sespositions d’extrême-gauche, est l’un des premiers à refuser d’accomplir sonservice militaire en « territoires dits occupés ».
Mais, fait un peu moins connu, en 2010 Laor a été accusé par le blog de gaucheHaoketz, d’être un harceleur sexuel en série, alors qu’il était rédacteur enchef du journal Haaretz.
Du harcèlement moral au harcèlement sexuel
Pourtant, Laor travaille aujourd’huiencore comme journaliste pour Haaretz. Ses éditeurs ont-ils mis en place unecommission d’enquête ? Non. Et pourtant, pour ce cas précis, une femme a bienporté plainte, mais malheureusement trop longtemps après les faits pour êtreprise en compte.
Il semblerait qu’à Haaretz aussi, un bon coup de balai serait nécessaire,accompagné d’une révision des normes du travail, et que les relations entre leshommes et les femmes auraient besoin d’être sérieusement revus et corrigés.
Le problème ne se limite pas au harcèlement sexuel, mais s’étend au harcèlementmoral.
Eli Yatzpan est l’un des comédiens les plus célèbres en Israël. Il faitcertainement figure de modèle pour nombre de jeunes artistes en herbe. LiorAverbach a rapporté que le 28 février, Yatzpan aurait insulté des technicienset les aurait traités de façon dégradante au motif qu’ils auraient mal faitleur travail. Comme cela a été mis en évidence à l’époque, il ne s’agissait pasd’un fait isolé.
Suite à ces événements, le directeur de Aroutz 10 aurait discuté du problèmeavec Yatzpan, exigé que ces faits ne se reproduisent pas et lui aurait intiméde surveiller son comportement. Toutefois, aucune mesure réelle n’a été mise enplace. Le comédien ne s’est même pas donné la peine de présenter ses excusesaux techniciens qu’il avait humiliés en public. Et Yatzpan est loin d’être leseul employé de Aroutz 10 à être colérique.
Des accusations semblables avaient déjà été lancées, il y a cinq ans, contre leprogramme News Five de la chaîne avec Rafi Reshef. De nombreux employéss’étaient plaints de dénigrement en public, en particulier émanant dugestionnaire du programme, Nehuschtan Okun, qui a quitté l’émission en 2012, enraison de difficultés financières au sein de la chaîne. Mais les plaintesétaient également dirigées contre Reshef lui-même. Certains des employés ontqualifié cette malheureuse expérience de traumatisante et se sont plaint qu’ilsen resteraient marqués à vie.
Et la liste n’est pas exhaustive. Rafik Halabi, rédacteur en chef principal desnouveaux programmes de Aroutz 1, Mabat, figure aussi sur cette liste noire. En2007, il avait été accusé de harcèlement sexuel par le tribunal disciplinairede la Commission de la fonction publique d’Israël. Et s’est vu contraint dedémissionner de la direction de la première chaîne.
Cela a-t-il mis fin à sa carrière ? Pas du tout. Il a été rapidement embauchépar Keshet à Aroutz 2, pour présenter le programme Rafik Halabi sur le terrain.Et plus récemment, il a été question de le nommer au poste de conseiller à lamairie de Daliat-el-Carmel.
Quelqu’un dans les médias y a-t-il vu une objection ? Non.
Les stars du petit écran sont fières de flirter avec le pouvoir. Ellesinfluencent la mode, donnent le ton des tendances musicales du moment et pèsentsur la vie culturelle et les opinions politiques. Il est dommage que le publicles encense jusqu’à en faire des icônes et à les ériger en modèle decomportement, alors qu’ils se rendent coupables de discrimination envers lesfemmes, violent leur espace vital et leur situation professionnelle et parfoismême leur corps.
Il devient extrêmement urgent qu’un système adéquat soit mis en place pouréviter ces dérapages et ce laxisme. Plus vite l’omerta sur les journalistessera levée, mieux ce sera.