La Torah vise à remettre l’économie au service de tous les êtres humains. La quête messianique passe par la résolution des problèmes économiques. N’est-ce pas Moise qui désapprouve les explorateurs envoyés en Canaan parce qu’ils préfèrent la spiritualité tranquille du désert à un quotidien parfois difficile dans le monde matériel de la Terre promise ?Attitude positive vis-à-vis du progrès« Le Judaïsme », s’exclamait André Neher, « est une des rares familles religieuses qui accepte de dire oui à l’économie sans réticence ». Il ne s’agit cependant pas d’un chèque en blanc pour toute forme d’enrichissement. La dignité humaine est fondamentale. C’est l’élément commun à tous les Hommes. C’est un demi-sicle (et pas un sicle entier) qui était demandé pour recenser les Hébreux. Certains commentateurs soulignent par là le fait qu’on ne doit pas faire équivaloir un homme à une unité monétaire. La tradition juive fait d’ailleurs tantôt l’apologie de la richesse, tantôt celle de la pauvreté. Face à la pauvreté, on rencontre souvent la notion de charité et celle de justice. Le Pr Baruk souligne que la charité seule aboutit à l’injustice par faiblesse et que la pratique de justice seule aboutit à trop souvent à l’injustice. Mais en hébreu, un seul terme existe – Tsedaka – pour exprimer les deux attitudes. Ainsi une nouvelle manière est introduite pour défendre les plus faibles. Cet impôt a un taux moyen de 10 % et peut atteindre chez les plus généreux jusqu’à 20 %. Même l’indigent doit aider celui qui est plus pauvre que lui.Destinée à recréer une société sans pauvres, la Tsedaka peut prendre les formes les plus diverses et est d’autant plus magnifiée par les rabbins qu’elle est discrète, ou mieux encore, qu’elle aide celui qui est dans le besoin à trouver un travail qui lui permettra de devenir indépendant.La Torah insiste sur le devoir de subvenir à ses propres moyens. Et le Talmud prône le mérite de l’entreprise individuelle. Parallèlement, les rabbins enseignent qu’« en faisant appel au travail permanent d’un employé, les rôles sont inversés et c’est l’ouvrier qui devient le patron ». Et en effet, le droit de grève est reconnu.Redistribution des revenus L’employeur doit payer l’ouvrier en temps voulu puisqu’il est écrit dans le Deutéronome (XXIV, 5) : « Le jour même, tu lui remettras son salaire avant que le soleil se couche car il est pauvre ». D’une façon générale, les rapports entre le patron et son employé doivent être basés sur l’injonction biblique « afin que ton frère puisse vivre avec toi ». La Torah déploie toute une série de règles bien précises sur la propriété comme : l’année sabbatique – chemita.Tous les sept ans, la terre doit se reposer. Elle devient la propriété de la collectivité ainsi que tous les fruits qu’elle donne sans ensemencement. (Lévitique XXV, 23). En outre, tout créancier fait remise de sa dette, et tous les quarante-neuf ans tous les biens et notamment les terres reviennent aux propriétaires respectifs qui les détenaient au Jubilé précèdent. De Jubilé – yovel – en Jubilé, la propriété revient donc irrévocablement à ceux qui l’ont reçu lors du partage à l’entrée en Terre Sainte. Qu’en est-il des transactions commerciales ? Le Talmud prend position à plusieurs reprises en faveur de la concurrence. Lorsqu’il édicte un certain nombre d’exceptions à cette règle, il veille toujours à ce qu’elles ne restreignent pas les avantages qu’apporte la concurrence aux consommateurs.« Ne commettez pas d’iniquités dans vos jugements et ayez des balances exactes », nous enseigne la Torah. L’acheteur doit être informé des éventuels défauts d’une marchandise ; ceux-ci ne doivent pas être dissimulés par un procédé quelconque. A titre d’exemple, Rabbi Yehouda enseigne dans le Talmud : « qu’un commerçant ne doit pas distribuer des amandes à des enfants car il les habitue ainsi à fréquenter son magasin ». Précisons cependant qu’un autre rabbin le permet. La Loi orale considère que les prix découlent du jeu du marché, où acheteurs et producteurs se confrontent et ne cherchent pas à s’opposer au jeu de l’offre et de la demande. Pour les produits de première nécessit, le Tribunal peut fixer un prix maximum (!!). De même, tout stockage spéculatif est strictement interdit. A l’issue de cette description non exhaustive de la conception de l’économie que se fait le Judaïsme, comment peut-on répondre à la question suivante : la Bible prend-elle parti pour le libéralisme ou le socialisme ?On notera tout d’abord que le principe d’appropriation collective des moyens de production trouve peu d’échos dans le judaïsme. Les différentes terres ont été attribuées aux chefs de famille des douze tribus. Une deuxième caractéristique du judaïsme est que la recherche de la justice sociale passe avant toute autre chose. « La justice, la justice tu rechercheras… », lisons-nous dans le Lévitique. L’objectif prioritaire étant de supprimer la pauvreté et toutes les formes de disparité afin de garantir la dignité intrinsèque de tous les êtres humains.Avec feu le rabbin Elie Munk on peut conclure, comme il l’écrit dans son remarquable ouvrage « La Justice sociale en Israël » : « L’application des principes de la Torah dans tous les domaines de la vie économique et sociale ne permet pas l’existence du système capitaliste ». uL’auteur dirige le centre Shorashim pour les étudiants de l’Université hébraïque de Jérusalem.Tél. : 054 239 97 91Chaque mois, vous trouverez dans cette rubrique les réponses aux questions que vous souhaitez poser : french@jpost.com