Binyamin l’illusionniste

Décryptage du tour de maître de Netanyahou

Benjamin Netanyahu  (photo credit: © Reuters)
Benjamin Netanyahu
(photo credit: © Reuters)
Ce sont des voix aux intonations dramatiques qui m’ontalertée ce matin du 8  mai : je m’étais endormie dans une certaine réalitépolitique et réveillée avec une autre. Après quelques secondes de parlotte sur“le nouveau gouvernement d’union nationale”, je me demandais en me frottant lesyeux s’il ne s’agissait pas d’une émission d’archives.
Je m’en suis immédiatement voulue d’avoir supprimé ce qui devait être ledernier paragraphe de mon article de la veille : “Mais en politiqueisraélienne, tout peut arriver, et souvent, tout arrive.” Trop banal, tropévident, m’étais-je dit naïvement.
Mais je me suis félicitée d’avoir mentionné que le Premier ministre BinyaminNetanyahou est “appelé le ‘Magicien’ pour sa capacité à manigancer des manœuvres politiques défiant le génie [électoral].”
Les tours de magie, comme nous le savons tous, dépendent d’un parfaitchronométrage, d’une l’ambiance adéquate et d’une excellente préparation encoulisses. Eh bien en politique, c’est apparemment pareil.
Que vous soyez fan ou non du stratège, comment ne pas être impressionné par lamanière dont Netanyahou a rallié si rapidement au gouvernement le nouveau chefde file de Kadima, Shaoul Mofaz, et les 28 députés de sa faction, pendant queles Israéliens dormaient paisiblement.
En tant que journaliste, c’est la terminologie autour du drame qui aparticulièrement attiré mon attention. Le retour en force de l’expression“hatargil hamasriah”, la manœuvre malodorante, en hommage à Shimon Peres,quand en 1990, à la tête du Parti travailliste, il avait tenté de doubler à lafois son partenaire de coalition nationale, le Premier ministre Itzhak Shamir,et son rival de toujours au sein du parti, Itzhak Rabin, et conspiré derrièreleur dos pour renverser le gouvernement d’union nationale auquel tous faisaientpartie.
Peut-être est-il dans la nature humaine, ou plutôt dans la nature politique, devoir que ceux qui condamnaient violemment une élection anticipée, jugée“inutile” et “source de gaspillage d’argent”, conspuent la machination deNetanyahou, la taxant d’agissement antidémocratique.
Même si le Premier ministre n’a en aucun cas prolongé son mandat, il a apportéà son gouvernement la stabilité qui lui permettra de survivre jusqu’à la dateinitiale des élections : octobre 2013.

En politique, tout peut arriver 

Netanyahou ne fait qu’éviter au pays unepériode de campagne électorale où la Knesset est au repos, les budgets laissésen suspens, et les parlementaires davantage préoccupés par leur avenir que parl’intérêt général.

La “manoeuvre malodorante” n’était pas la seule expression qui a délié leslangues la semaine dernière. Le mot “combina” - combine - typiquement israélienqui signifie manigance et marchandage, a également fait son grand retour. Et“politikaï” - politicien - prononcé comme une épithète, loin d’être uncompliment, prend d’assaut les murs de Facebook.
Et pourtant, Netanyahou a réussi en une nuit à créer une coalition de rêve,avec une solide majorité de près de 100 députés sur 120, drainant les petitspartis religieux et l’aile de droite, y compris son ennemi juré au sein duLikoud, Moshé Feiglin, et son ancien ami Avigdor Lieberman, chef d’IsraëlBeiteinou.
Il a également réussi à mettre en place une plate-forme - la conscriptionobligatoire pour tous, y compris pour les ultra-orthodoxes, et la réformeélectorale - très largement approuvée. Même la tentative de faire revivre leprocessus diplomatique avec les Palestiniens - si elle est finement jouée -pourrait aboutir, bien que je soupçonne la plupart des Israéliens etPalestiniens de préférer un modus vivendi à un nouveau “processus de paix” quinous exploserait à la figure, une fois de plus.
Les mots “menteur” et “zigzag” ont également été galvaudés cette dernièresemaine.
La “manoeuvre” sera inévitablement utilisée comme briquet pour rallumer lesprotestations sociales prévues pour cet été - avec le début des vacancesuniversitaires.
Même si la vaste coalition de Netanyahou est l’occasion d’implémenter lesnécessaires réformes économiques et sociales.
Netanyahou a dans la foulée acheté Mofaz, gagné du temps et engrangé un autretitre de gloire dans l’histoire politique locale. L’accord tout droit sorti duchapeau du Premier ministre est l’oeuvre d’un grand magicien.
Mais comme je l’ai déjà dit : “En politique israélienne, tout peut arriver, etsouvent, tout arrive.”
L’auteur est rédactrice en chef de l’Edition internationale du Jerusalem Post.
liat@jpost.com