Alors que son deuxième mandat est dominé par la menace nucléaire iranienne, rien ne motive davantage Binyamin Netanyahou que la volonté de faire l’histoire économique.Le Premier ministre ne cache pas son ambition : dépasser la France et le Royaume- Uni, respectivement cinquième et sixième économies mondiales, en termes de production par habitant. Un souci de croissance qui sous-tend toute sa politique.De 2003 à 2005, alors qu’il était ministre des Finances, Netanyahou avait alors entrepris de vendre les biens de l’Etat et d’assouplir la législation du travail. Depuis, l’économie israélienne a fait un bond, avec une croissance moyenne de 4,2 % par an. Une expansion qui va aider à assurer la survie d’Israël, “îlot de démocratie entouré d’un océan de problèmes” au Moyen-Orient, a ainsi déclaré le Premier ministre aux dirigeants de la communauté juive américaine réunis le 19 février à Jérusalem.“Une belle réussite” En 2011, le PIB par habitant était de 32 300 dollars en Israël, contre 39 600 dollars en Grande-Bretagne et 44 400 dollars en France. Et au dernier trimestre, le taux de chômage s’élevait à 5,4 %, soit le chiffre le plus bas depuis 1985, contre 9,3 % en France et 8,4 % en Grande-Bretagne.Malgré l’état de guerre qui existe depuis la création de l’Etat en 1948 et n’a jamais été totalement résolu, le pays est parvenu à produire les meilleurs couples risque-rendement de tous les marchés boursiers des pays développés au cours de la dernière décennie, selon le classement Bloomberg des rendements sans risque.Ces dix dernières années, l’indice boursier de Tel-Aviv, le TA-25, est retourné à 7,6 %, après ajustement : le plus élevé des indices de référence sur 24 pays développés. Hong- Kong arrive en deuxième place, avec le Hang Seng à 6,7 %, suivi par la Norvège, qui s’enorgueillit pour sa part du meilleur rendement total.“C’est une belle réussite”, s’est félicité Netanyahou à la tribune de la Knesset le 20 février dernier. Une réussite qui rend le pays plus fort pour repousser les dangers, et en particulier la menace que constituerait un Iran nucléaire. Ce dernier thème a été au centre de la rencontre du 5 mars à la Maison Blanche et des discussions entre les dirigeants israéliens et américains.C’est sans doute à sa famille que Netanyahou doit son sens aigu de l’Histoire. Son père, Benzion Netanyahou, qui vient de fêter ses 102 ans, était professeur d’histoire à l’université Cornell et spécialiste de l’Inquisition. Il était apparu aux côtés de son fils disputant une partie d’échecs, dans un spot électoral pour la campagne de 2009. “Il faut de la détermination pour pouvoir agir, pour accomplir l’action impopulaire qui, en fin de compte, va peut-être sauver le pays”, déclarait Netanyahou dans le spot, alors que son père venait de déplacer une pièce sur l’échiquier.Dans les discussions politiques, ce sont le plus souvent des arguments économiques que le fils avance. L’ancien soldat combattant s’enflamme quand il parle stratégies de croissance, quittant son bureau pour attraper un marker et dessiner des schémas sur le tableau blanc de son bureau privé, en vue de démontrer l’avantage de réduire les taxes ou de déréguler le marché de l’immobilier. Lors de l’interview du 20 février, Netanyahou a souligné la force de certaines entreprises de technologie israéliennes, telle Check Point Software Technologies Ltd., numéro deux mondial dans le domaine de la sécurité informatique. “Israël produit davantage de produits conceptuels que n’importe quel autre pays”, souligne-t-il.Relier Ashdod à la mer RougeIsraël, dont la population de 7,8 millions d’habitants équivaut à celle de la Suisse, compte une soixantaine d’entreprises cotées au NASDAQ, soit plus que tout autre pays au monde, Etats-Unis et Chine mis à part.La nation abrite également un plus grand nombre de start-ups par habitant que les Etats-Unis. Durant son premier mandat comme Premier ministre, dans les années 1990, Netanyahou avait favorisé les investissements étrangers et ainsi aidé la croissance d’entreprises de technologie, en particulier d’informatique et de télécommunications, qualifiant cette industrie bourgeonnante de “Silicon Wadi”. Puis son gouvernement a allégé les restrictions des échanges sur le shekel, réduit le déficit du budget, ralenti l’inflation et limité les hausses de salaires en tenant tête aux syndicats.Au cours des trente mois de Netanyahou comme ministre des Finances, l’économie s’est relevée de la récession qui l’avait affectée en 2001 et 2002 : pour cela, Netanyahou a réduit les dépenses budgétaires, vendu des entreprises d’Etat et introduit la dérégulation. Ainsi a-t-il organisé la vente d’El Al, principale compagnie aérienne du pays, de la Israel Discount Bank, troisième banque du pays, de Bezeq, premier fournisseur de télécommunications. Il a également mis en chantier la dénationalisation de la banque Leumi.“Comment peut-on s’y prendre pour intéresser les grandes économies asiatiques ?”, interroge Netanyahou. “Tout d’abord, avec notre technologie. Nous avons des atouts dans ce domaine. Nous pouvons également construire une ligne de chemin de fer de la mer Rouge à Ashdod, afin de relier l’Asie à l’Europe.” Cette ligne relierait Ashdod, sur la Méditerranée, au port d’Eilat, sur la mer Rouge, permettant à Israël de rivaliser avec le canal de Suez de l’Egypte pour l’acheminement de marchandises. Netanyahou imagine aussi une autre voie ferrée entre le port de Haïfa et la ville frontière de Beit Shean, à l’est, ce qui pourrait donner à l’Autorité palestinienne et à la Jordanie un accès ferroviaire à la Méditerranée.La confiance en l’avenir de l’économie israélienne a encore été confortée par la découverte de gisements de gaz naturel au large des côtes, que l’on doit aux groupes Noble Energy Inc. (basé à Houston) et Delek (basé à Netanya). Des gisements qui pourraient bien assurer l’indépendance énergétique d’Israël et lui permettre de devenir un pays exportateur de gaz.Le gisement Leviathan comporte pas moins de 20 billions de mètres cubes de gaz, a assuré Noble Energy, partenaire des compagnies israéliennes sur le site. Soit la plus importante découverte de cette firme, qui en détient 39,66 % d’intérêts. Le deuxième grand gisement, nommé Tamar, est estimé à 9 billions de mètres cubes.En tête des priorités de Netanyahou pour construire l’économie, figure l’exportation de gaz et d’autres produits israéliens en Chine et en Inde, les deux nations les plus peuplées du monde. “Nous devons nous comporter comme un animal très vif qui sait trouver son chemin dans un monde semé de dangers”, avait ponctué le Premier ministre devant le congrès des dirigeants juifs.
“Si nous voulons pouvoir faire face à nos besoins en matière de défense, il faut que cette croissance se poursuive”, a-t-il expliqué. “Ce n’est pas une question de qualité de vie, mais de sécurité nationale.”Voilà pourquoi Netanyahou a créé un comité chargé d’encourager la concurrence, introduit des réformes pour réduire le coût de la vie au lendemain du mouvement de protestation sociale, fait passer une loi pour céder un certain nombre de terres gouvernementales à des entreprises privées, imposé une discipline fiscale et introduit un budget sur deux ans, une action saluée par le Fonds Monétaire International.Selon le FMI, l’économie israélienne a enregistré une croissance de 4,8 % en 2011. Idem en 2010. Soit 1,7 % de plus qu’aux Etats-Unis. Le ministère des Finances estime par ailleurs que le Produit Intérieur Brut augmentera de 3,2 % en 2012.Avec Stanley Fischer aux commandes de la politique monétaire à la Banque d’Israël, Netanyahou affirme que la nation est en mesure de rivaliser avec les économies les plus développées du monde. Il faut dire que Stanley Fischer a été le directeur de thèse de Ben S. Bernanke, président de la Réserve fédérale, au MIT (Massachusetts Institute of Technology), dont Netanyahou est également diplômé. “Il n’y a aucune raison que nous ne puissions pas dépasser la Grande-Bretagne et la France en PIB par habitant”, a indiqué Netanyahou dans une interview réalisée le 20 février dernier, depuis son bureau de Jérusalem, chauffé uniquement par deux petits radiateurs d’appoint. “Nous devons conserver une croissance de 5 %.”