La semaine dernière, l’agenda politique des jours à venir secomposait ainsi : Binyamin Netanyahou devait faire passer sa loi pourl’éducation gratuite des tout-petits (c’est fait) et Eli Aflalo, coprésident duFonds national juif - Keren Kayemet LeIsraël, devait quitter la Knesset où il aété fraîchement élu (c’est en passe d’être fait). Et mercredi 11 janvier, lacommission législative de la Knesset devait voter une loi pour imposer unepériode de latence de six mois à un journaliste désireux d’entrer en politique.La presse ne s’était pas passionnée pour ce vote, sans doute parce qu’il nes’agissait que d’une première lecture et qu’il ne semblait pas y avoir uneclaire majorité parlementaire sur le sujet. Mais un homme, lui, a pris cescrutin très au sérieux. Et bouleversé l’ordre du jour.
Cet homme, n’est autre que Yaïr Lapid, fils du défunt chef laïc de Shinouï,Yossef “Tommy” Lapid. Et, ironie du sort, sa décision d’entrer en politique avolé la vedette aux discriminations des haredim envers les femmes, les faisantdisparaître de la une des journaux. Ironie du sort, car c’est son émissionOulpan Shishi qui a fait rentrer Naama Margolese, la petite fille de BeitShemesh, dans toutes les chaumières. Qui se souvient encore de Naama ? Quis’émeut encore à l’évocation de Daphni Leef ? Probablement personne. Toutesdeux semblent avoir été oubliées, dans un pays au cycle d’actualités effréné.Tous les regards se tournent désormais vers les prochaines électionslégislatives. Et sur la préparation des partis à cet événement politiqueincontournable. En l’espace d’une semaine seulement, Lapid est entré enpolitique, Noam Schalit s’est lancé dans la course avec le Parti travailliste,le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a laissé entendre queson parti Israël Beiteinou ne siégerait pas avec Shas dans la prochainecoalition, et enfin Tzipi Livni, chef de Kadima, reste sous pression pourassurer les primaires de son parti, au printemps prochain. Qu’on le veuille ou non, la fièvre électorale a commencé. Cela veut-il direpour autant que des élections se tiendront prochainement ? Il est parier quenon.La coalition de Netanyahou demeure stable. Aucun des partis concernés n’aintérêt à amorcer une élection prématurée. Le chef du gouvernement lui-mêmesouhaite que le scrutin se déroule en 2013. Ophir Akounis, parlementaire leplus proche de Netanyahou, a ainsi déclaré à la Knesset cette semaine quequiconque songe à une élection cette année vit “sur son nuage”.
Pas d’effet dominoLes Israéliens ont été gâtés par les précédents rendez-vousélectoraux, rapides et indolores. Mais cette année, le climat préélectoralpourrait durer plus d’un an, comme aux Etats-Unis.
En Amérique, la date des élections est inscrite dans la Constitution. Ici, la prochainecourse électorale est prévue pour l’heure pour débuter le 22 octobre 2013. Maisle Premier ministre peut à tout moment demander au président de dissoudre laKnesset et provoquer une élection. Il peut aussi, sciemment ou non, avancer lescrutin par ses manoeuvres politiques. Ce qui s’est d’ailleurs produit cesderniers mois, suite à deux initiatives de Netanyahou.Dans un premier temps, le 4 décembre, le chef du Likoud anticipe les primairesde son parti, prévues au printemps 2013, à janvier 2012. Motif : il se trouveactuellement à ce qui pourrait être l’apogée de sa popularité politique et veutse débarrasser des primaires tant que le seul candidat Likoud à se présentercontre lui est Moshé Feiglin. Il pourrait donc se faire réélire avec une majoritéécrasante, digne des scores syriens.Mais les partenaires de Netanyahou mettent en garde les chefs de partis et lapresse : avancer les primaires du Likoud ne signifie pas avancer les électionsgénérales. Certes, les primaires du parti de droite ne constituent pas un enjeupalpitant puisque le résultat semble joué d’avance, mais cela signifienéanmoins que la faction sera prête pour les législatives et que les autrespartis devront s’y préparer également. “Bibi n’a pas pensé [qu’avancer lesprimaires du Likoud] créerait un climat préélectoral”, a déclaré une sourceproche de Netanyahou. “Il n’a pas songé à l’effet domino.”Jeux politiques et petites machinationsPuis, vient l’étape numéro 2. Netanyahou permet à lacommission législative de la Knesset de mettre le projet de loi Lapid à l’ordredu jour. Le texte, proposé en juin 2010 a été bloqué depuis par l’oppositionfarouche du président de la commission, David Rotem (Israël Beiteinou).
Mais selon Amit Segal, correspondant d’Aroutz 2 à la Knesset, Netanyahou, viason chef de cabinet Natan Eshel, aurait persuadé Lieberman, le 28 décembredernier, d’ordonner à Rotem de soumettre le projet au vote, croyant pouvoir lefaire passer.L’une des raisons qui avaient poussé Rotem à ne pas faire voter le projetréside dans la volonté de Lieberman de voir entrer Lapid en politique. Card’après lui, diviser le Centre-gauche permettrait à Israël Beiteinou de devenirle deuxième parti représenté à la Knesset, derrière le Likoud. Mais Eshelaurait convaincu Lieberman que Lapid entrerait en politique, projet de loi oupas. Et que Kadima était tombé si bas dans les sondages qu’Israël Beiteinouétait assuré d’être le plus grand parti après le Likoud, même sans la divisioninhérente à la candidature de Lapid. Netanyahou souhaitait faire progresser le projet de loi pour forcer Lapid à selancer en politique, dès à présent, et quitter Aroutz 2. Le journaliste ydiffusait des reportages, tels que les manifestations à Beit Shemesh quicausaient des problèmes au Premier ministre. L’entrée prématurée de Lapid enpolitique est donc bénéfique pour Netanyahou.La saison électorale a bel et bien débutéLes soutiens de Lapid vont mettre dutemps à s’éroder. Et à moins que le scénario improbable d’une formation avecLapid, Shelly Yacimovitch et le gagnant - ou le perdant - quel qu’il soit, desprimaires de Kadima advienne, les voix du Centre-gauche seront éparpillées etaucun parti ne sera assez fort pour combattre le Likoud.
Mais apparemment, Netanyahou n’a pas tenu compte de l’agitation causée parl’entrée en politique de Lapid. Ce rebond politique pourrait intensifier leclimat préélectoral, initié par le changement de date des primaires du Likoud.Yacimovitch a répondu à l’attention focalisée sur Lapid en recrutant de nouveauxmembres : Schalit et l’inspecteur-général de la police israélienne MoshéMizrahi. Puis Lieberman a invité l’équipe d’Aroutz 2 à le suivre en campagnedans les villages druzes, mardi 10 janvier. Quant au leader du Shas, EliYishaï, il a quitté l’office de prière matinale chez le rabbin Ovadia Yossef,ce même jour, pour être interviewé par Kol Israël. Ce qu’il n’aurait jamaisfait si la saison électorale n’avait pas débuté.
En dépit de cette agitation, aussi longtemps que Netanyahou satisfait sa coalition,il peut éviter un scrutin en 2012. Le scénario le plus probable : que lesélections se tiennent au printemps 2013.L’audience, la semaine prochaine, de Lieberman accusé de corruption, et lerapport du contrôleur de l’Etat sur l’incendie du qui sera publié la semainesuivante, risquent de compliquer les choses pour Netanyahou dans ce contextepréélectoral.Dans un pays comme le nôtre, il est parfois aussi difficile de prévoir lesévénements des jours à venir que de prédire de quoi sera faite l’annéeprochaine.