Musée de la Diaspora : un espace où se côtoient le passé et le présent

Une nouvelle aile de 7 500 m2 qui offre des outils interatifs au service de la culture, de l'histoire et des valeurs juives

Une illustration de la nouvelle aile du musée de la Diaspora (photo credit: AVIV HOFI)
Une illustration de la nouvelle aile du musée de la Diaspora
(photo credit: AVIV HOFI)
La nouvelle aile du Beit Hatfoutsot, le musée du Peuple juif, semble attirer les foules. A en croire le chiffre des entrées, le lieu draine un public nombreux et enthousiaste, récoltant quelques félicitations officielles au passage.
Venu découvrir l’extension flambant neuve de l’édifice de Ramat Aviv, le député Avraham Neguise, président du Comité d’absorption et d’immigration, a appelé tous les ministères à encourager les jeunes de la périphérie à visiter le Beit Hatfoutsot.
Ce n’est pas une mauvaise idée. Au vu des installations de la nouvelle aile, qui viennent s’ajouter aux artefacts plus anciens, le visiteur lambda ne risque vraiment pas de s’ennuyer.
Cette histoire est aussi la mienne
L’extension, qui a ouvert ses portes au début de l’été, couvre une aire de plus de 7 500 mètres carrés. Elle accueille une kyrielle d’expositions temporaires, intéressantes et distrayantes à la fois, en plus de la collection emblématique de maquettes de synagogues. Interrogez la plupart des visiteurs qui ont fréquenté le musée au cours de ses presque quarante ans d’existence, et demandez-leur quel est l’élément le plus frappant qui reste gravé dans leur mémoire, la réponse sera invariablement la même : les fameuses maisons de prière miniatures.
Le programme de rénovation a donné une nouvelle vie à ces modèles réduits. Ils sont désormais présentés dans toute leur gloire, dans le hall synagogal Alfred H. Moses & Family, dans de belles vitrines aux proportions généreuses, bien éclairées, qui offrent une excellente prise de vue sous tous les angles. Il existe également une version plus petite d’une des synagogues, exposée à l’air libre, pour se faire une idée concrète des proportions et détails architecturaux de la construction. « Les malvoyants peuvent ainsi apprécier directement et tactilement la maquette », explique Dan Tadmor, le PDG de Beit Hatfoutsot. « Il leur est permis de la toucher. »
Tadmor s’avère être un guide enthousiaste et dynamique de la nouvelle installation, première étape de la grande refonte du musée. Le tout devrait être dévoilé au public en 2019, pour un coût total de 100 millions de dollars.
La nouvelle aile procure une expérience passionnante, fascinante et enrichissante, et couvre un large éventail d’éléments et de thèmes, comme il sied à la nature multiforme et à l’histoire du peuple juif. Le Dr Orit Shaham Gover, conservatrice en chef, était, bien sûr, tout à fait consciente de la vaste thématique et de l’étendue historique que la métamorphose de l’institution devait couvrir. « Comment planifier un musée du peuple juif et exprimer ce vaste patrimoine dans une aire d’exposition aux dimensions limitées ? Où commence l’Histoire, et où finit-elle ? De quel point de vue va-t-on transmettre cette saga intemporelle ? Comment dépeindre les défis et les réalisations qui marquent l’histoire juive ? Quel est notre but en la racontant, et quel message voulons-nous transmettre ? » Autant d’interrogations qui ont accompagné le processus de rénovation. « Naturellement, il n’existe pas de réponse unique. Aussi, lorsque l’équipe de planification du musée du Peuple juif a examiné ces questions, a-t-elle choisi une approche singulière : la création d’un musée à travers lequel les complexités de l’histoire juive seraient mises en lumière. »
« La nouvelle installation, tout comme celle qui est encore en chantier, est conçue pour entraîner les visiteurs dans un voyage fascinant à travers un récit unique et perpétuel », ajoute Orit Shaham Gover. La conservatrice distingue un substrat conceptuel triangulaire à l’objectif précité : une approche pluraliste et globale, une célébration de la créativité et du renouveau, la pertinence et l’identification.
« Nous avons voulu entrelacer les fils du passé et du présent tout en illustrant l’idée que chacun de nous représente une parcelle de l’histoire juive au sens large. Le musée prône le concept de l’appropriation du récit : “Cette histoire est aussi la mienne.” »
A l’ombre des héros
Beit Hatfoutsot a choisi une approche participative interactive. Dan Tadmor, Orit Shaham Gover et le reste de l’équipe veulent voir le visiteur « retrousser ses manches et se salir les mains ». Ce n’est pas une galerie traditionnelle où l’on se contente de regarder : sans cesse sollicité, le public participe à une visite plus captivante.
En plus des reproductions et des vitrines, la salle des synagogues offre une pléthore d’informations multimédia et de stations ludiques. Un grand écran, au centre de la galerie, illustre les trois prières quotidiennes – celle du matin, de l’après-midi et du soir – et présente un large spectre liturgique, selon l’origine géographique et le milieu culturel des différentes communautés. L’accent sur la diversité est souligné par un film comique qui met en scène deux célébrités médiatiques : Jacky Levy et Kobi Arieli, qui décrivent avec brio les similitudes et les différences entre les rites séfarade et ashkénaze.
Tout est mis en œuvre pour capter l’intérêt du visiteur, grâce notamment à quatre stations interactives. Les responsables du musée ont clairement fait de leur mieux pour mêler l’historique et le contemporain afin de répondre aux besoins de toutes les tranches d’âge. Comme par exemple avec la musique juive dans l’espace synagogues, où l’on peut entendre neuf piyoutim (chants liturgiques) interprétés par des artistes emblématiques de toute la diversité du genre. Le jeu interactif pour les enfants leur permet de combiner et assortir à leur guise éléments et styles architecturaux, afin de monter leur propre maison de prière virtuelle.
Jeux et divertissements abondent dans une autre exposition permanente destinée au jeune public, dans la galerie de la famille Tamar et Milton Maltz. L’installation des Héros, pionniers du peuple juif comporte huit catégories de personnages de premier plan, piochés dans les annales de l’Histoire : scientifiques, philosophes, révolutionnaires, géants culturels, sportifs, individus au courage légendaire et responsables économiques.
Officiellement, elle s’adresse aux enfants âgés de 6 à 12 ans, mais on y rencontre de nombreux parents et grands-parents, en chaussettes, car on doit laisser ses chaussures à l’extérieur, dans des casiers prévus à cet effet, ce qui rend l’expérience plus ludique. Non contents de veiller sur leur progéniture, certains se laissent séduire, sans honte, par les activités multidisciplinaires autour des figures légendaires, et s’en donnent à cœur joie.
Au total, 143 « super-héros » juifs sont présentés, de la star du basket-ball d’origine américaine du Maccabi Tel Aviv, Tal Brody, au roi David, en passant par la gagnante de l’Eurovision Dana International, le célèbre architecte Daniel Libeskind, Steven Spielberg et Albert Einstein. La liste est longue.
De Moïse à Dylan
La nouvelle aile abrite également plusieurs expositions temporaires : l’une marque le 30e anniversaire du premier transport aérien de masse des juifs éthiopiens en Israël. Opération Moïse, 30 ans après est un émouvant spectacle centré autour d’un film d’Orly Malessa, elle-même arrivée, encore enfant, lors de cette aliya extraordinaire.
Elle a rencontré dans tout le pays des Israéliens d’origine éthiopienne, qui partagent leurs histoires à la première personne, chacun au cours d’un documentaire de cinq minutes. A la fois émouvants et passionnants, ces témoignages couvrent tous les aspects du calvaire enduré par de nombreux immigrants éthiopiens et leur parcours semé d’embûches pour réussir à intégrer la société israélienne.
Il y en a donc pour tous les goûts au nouveau Beit Hatfoutsot, y compris pour les jeunes des années 1960 et leur progéniture ayant reçu une solide éducation musicale. L’exposition temporaire Forever Young, Bob Dylan at 75 (Toujours jeune, Bob Dylan à 75 ans) tend à faire reculer les limites du paysage culturel juif toujours plus loin, en rendant hommage à l’un des artistes les plus influents de la seconde moitié du XXe siècle. Pour un aperçu de la vie et de l’œuvre du célèbre et insaisissable M. Dylan (ex-Robert Zimmerman), à travers films, images, affiches, et une large collection de ses chansons originales. Son histoire s’inscrit en filigrane de la révolution qu’il a engendrée, de son influence sur la musique et de sa relation en dents de scie avec le judaïsme. L’exposition a été conçue par Yoav Kutner, grande figure médiatique et expert incontesté du rock et de la pop, qui a enrichi son contenu esthétique en présentant un grand nombre de pochettes d’albums de Dylan extraites de sa collection personnelle.
« Notre point d’ancrage est l’identité juive », explique Dan Tadmor. « Nous ne sommes pas une institution religieuse. Nous nous attachons à tout ce qui a trait au peuple juif en dehors de la religion. » Selon le directeur de Beit Hatfoutsot, l’éthique du musée s’inscrit dans une politique d’ouverture. « Nous mettons l’accent sur notre histoire commune, notre patrimoine, nos valeurs et notre culture. Nous abordons également notre langue, l’hébreu : que nous la maîtrisions ou pas, elle reste la langue de nos ancêtres. Le mot d’ordre, c’est le peuple juif. L’identité juive est définie par l’ouverture et le pluralisme. Le pluralisme est l’un des fondements de Beit Hatfoutsot. Un concept que l’on retrouve dans tout ce que nous faisons. »
La nouvelle aile reflète cela et bien plus encore. A en juger par cette première tranche, la cure de jouvence prévue du musée est un événement à ne pas manquer. 
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