Place au septième art

Energie, originalité et vitalité auront marqué la 32e édition du Festival international du film de Haïfa

Bar Bahar : meilleur premier film (photo credit: DR)
Bar Bahar : meilleur premier film
(photo credit: DR)
La semaine de Souccot s’est déroulée au rythme des bobines de cinéma, sous le regard des étoiles et de milliers de spectateurs toujours friands de films étrangers. Orchestré par son incroyable directrice et fondatrice Pnina Blayer, le Festival international de Haïfa a une fois de plus attiré les foules. Si le cinéma israélien a la cote à l’étranger, ici il est un peu boudé. En revanche, les projections russes, allemandes, turques, et surtout roumaines, ont affiché complet.
Cinémas du monde
La Roumanie à l’honneur. Deux films roumains ont été ovationnés, dont un a reçu une mention spéciale : Scarred hearts de Radu Jude. L’histoire se déroule dans un sanatorium dans les années trente et raconte la vie d’un jeune juif malade de la tuberculose, sur fond de montée du nazisme. Une réalisation magnifique et un jeu émouvant qui nous rappellent le roman de Thomas Mann, La montagne magique. Ovation également pour Graduation (Baccalauréat) de Cristian Mungiu, à qui le festival a rendu hommage, et qui met en scène la double vie d’un docteur aux prises avec la municipalité.
Côté allemand, on a apprécié la présence du célèbre acteur Sebastian Koch qui a joué dans La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck et le dernier opus de Steven Spielberg Le pont des espions. Il présentait Fog in august, qui met en scène un médecin nazi travaillant sur le programme d’euthanasie des patients handicapés. Un pan de l’histoire longtemps occulté en Allemagne.
La France n’était pas en reste avec le très beau film de Lola Doillon Le voyage de Fanny, et la participation de l’Institut français qui a fait venir la réalisatrice. Le scénario, inspiré d’une histoire vraie, raconte le périple improbable mais réel d’un groupe d’enfants fuyant l’occupation en 1943, sous la conduite de Fanny, une adolescente de 13 ans. Coup de cœur également pour le film franco-canadien Mobile Etoile de Raphaël Nadjari qui a lui aussi reçu un prix. Sorti en France sans beaucoup de succès, cette œuvre d’une pureté absolue raconte la difficile carrière d’un couple de musiciens baroques à la recherche d’un manuscrit inédit de liturgie juive.
C’est l’Italie qui a ouvert le bal avec Like Crazy (Folles de joie) de Paolo Virzi et la présence très remarquée de Valeria Bruni Tedeschi, fabuleuse dans le rôle d’une comtesse hystérique. Enfin, que serait-on sans l’Argentine et sa communauté juive si colorée ? The Tenth Man de Daniel Burman raconte le lent retour d’un fils vers la tradition. Mais Burman nous avait habitués à mieux. On se souvient de Lost embrace (Le fils d’Elias) qui avait eu un franc succès.
De l’autre côté du monde, la Corée nous a réservé une belle surprise. Coup de chapeau à Kim Ki-duk et son film The Net. L’histoire d’un pauvre pêcheur de Corée du Nord qui échoue par hasard en Corée du Sud après une panne de son bateau et est suspecté d’espionnage. Le film met en lumière l’absurdité dans les deux camps. Bouleversant et sans beaucoup d’espoir pour l’avenir.
Côté documentaires, le rire était à l’honneur avec le film du Français Grégory Monro, Jerry Lewis, The Man Behind the Clown (Jerry Lawis, clown rebelle). Une facette méconnue de cet acteur hilarant, né Joseph Lewich, et dont le grand drame de sa vie aurait été l’absence de ses parents à sa bar-mitsva. Des interviews surprenantes de Jean-Luc Godard et Louis Malle saluent le talent et la finesse de l’acteur. Coup de cœur également pour les Lettres de Bagdad de Zeva Oelbaum, une fiction documentaire reconstituée où on découvre un personnage oublié de l’histoire, la Britannique Gertrude Bell, qui a découvert l’Irak et dont on dit qu’elle est la Lawrence d’Arabie féminine.
Les films israéliens
A Quiet Heart du jeune Eitan Anner et Bar Bahar de Maysaloun Hamoud ont été les deux révélations du festival. Quiet Heart raconte l’histoire d’une jeune pianiste qui fuit Tel-Aviv et se retrouve à Jérusalem, aux prises avec le monde religieux. Un film très émouvant et subtil dans ses détails. Bar Bahar porte pour la première fois à l’écran la société arabe israélienne, sans faire référence au conflit israélo-palestinien. A Yaffo, deux filles arabes délurées voient arriver avec stupeur et tremblements leur colocataire voilée… Un film vif et très drôle. Même vitalité pour Through the Wall de Ramah Burshtein ou comment trouver le bon mari.
Dans Antenna d’Arik Rotstein, Joshua un survivant de la Shoah, découvre à l’aube de ses 80 ans, qu’une antenne cellulaire a été installée sur le toit de son immeuble. Une lutte sans merci va alors l’opposer à son voisin. Incroyable également, The 90 Minute War de Eyal Halfon. Après cent ans de lutte sans merci, le conflit israélo-palestinien est sur le point d’être résolu : le vainqueur du match de football qui opposera joueurs israéliens et palestiniens pourra rester en Terre sainte, le perdant devra partir. Cette comédie hilarante suit les préparatifs de cette rencontre décisive pour l’avenir des deux peuples depuis les meetings internationaux à Genève jusqu’à la ville du Portugal où doit se dérouler la rencontre. Fous rires assurés. 
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite