Silence, on tue

Le regard biaisé de la presse occidentale sur le Moyen-Orient

Le petit Omran sorti ensanglanté des décombres de sa maison (photo credit: REUTERS)
Le petit Omran sorti ensanglanté des décombres de sa maison
(photo credit: REUTERS)
Le regard hébété d’un petit garçon ensanglanté qui vient d’être sorti des décombres a réveillé un court instant la conscience du monde. Le temps de se sentir coupable tout en se disant que l’on n’y peut rien. Un très court instant donc. Pourtant, des millions de personnes l’ont vu. Il s’appelle Omran Daqneesh, ce garçonnet de cinq ans, « blessé dans un bombardement » à Alep. Il a fait la une des grands quotidiens. Qui a bombardé sa maison ? On ne le dit pas. De toute façon, qui comprend ce qui se passe au Moyen-Orient, où des Arabes irakiens tuent d’autres Arabes irakiens et où des Arabes syriens s’entre-tuent ? Il y a aussi le sinistre Etat islamique autoproclamé et les combattants kurdes. Comment s’y retrouver, d’autant que Turcs, Russes, Iraniens, Français, Américains et autres membres de diverses coalitions apportent leur soutien aux uns ou aux autres en fonction de leurs propres intérêts ?
Tous savent très bien que leurs protégés ne font pas dans la dentelle. Eux-mêmes, d’ailleurs, n’y regardent pas toujours de trop près quand ils bombardent de prétendues « cibles ennemies ». L’organisation Médecins sans frontières vient ainsi de lancer un cri d’alarme : « Depuis un an des centres de santé de MSF sont la cible de frappes aériennes qui font des dizaines de morts… Dans nos négociations, nous devons mettre l’accent sur ceux qui maîtrisent la force aérienne. Autrement dit, les représentants des pays les plus “développés” censés mener une guerre “propre” dans leur lutte contre le terrorisme. Régulièrement, on nous dit que ces frappes sont une erreur. La bonne nouvelle, c’est que personne ne revendique la légitimité de ces attaques. En revanche, il n’est pas acceptable que ce type d’erreurs se répète dans le temps. »
Comme dans le cas de ce petit garçon, le lecteur hoche la tête, se dit que c’est bien vrai et passe à l’article suivant. D’autant qu’il est dépassé par l’horreur des combats. Les populations civiles sont les plus touchées. Armes chimiques, quartiers bombardés, femmes et enfants pris en otages, hommes torturés, emprisonnés, tués de la façon la plus barbare, flots de populations cherchant en vain un refuge – chaque jour apporte son cortège d’atrocités.
Pourquoi les uns et les autres s’arrêteraient-ils ? L’ONU et son Conseil de sécurité, les pays occidentaux, mais aussi les pays arabes, si prompts à montrer du doigt Israël, sont étrangement absents quand il s’agit du martyre des populations arabes du Moyen-Orient, et davantage encore quand il s’agit des chrétiens d’Orient. Il faut dire que l’Etat juif, toujours le premier à condamner les bavures, à faire toute la lumière sur chaque incident ou à traîner les « coupables » en justice, est une cible facile. La presse occidentale monte ainsi en épingle le cas de ce garde-frontière qui a, ô suprême horreur, jeté la bicyclette d’une fillette palestinienne dans les orties. Peu importe qu’il ait été sanctionné par sa hiérarchie.
Pendant ce temps, dix prisonniers meurent chaque jour dans les prisons du président syrien, des dizaines d’autres sont torturés. Poutine, dont les avions bombardent les « rebelles » et qui soutient le président Assad, reçoit celui-ci en grande pompe, tout en annonçant de soi-disant trêves humanitaires qui ne sont jamais observées. Et s’en va ensuite rencontrer tel ou tel dirigeant occidental qui lui réserve le plus cordial des accueils. Demain, le monde aura oublié le petit Omran Daqneesh, comme il a oublié Aylan Kurdi, ce bambin de trois ans rejeté par les flots sur une plage turque, noyé avec sa maman et son grand frère de cinq ans
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