C’est en mai dernier, à l’ouverture de la session estivale de la Knesset, que le député Likoud David Bitan a pris les fonctions de chef de la coalition. Son rôle, à première vue, paraît assez simple : maintenir la discipline au sein de la majorité en veillant à l’assiduité des députés, mais surtout s’assurer que leurs votes suivent la ligne décidée par la coalition. Mais la politique étant ce qu’elle est, les choses sont souvent plus faciles à dire qu’à faire pour le chef de la coalition. Si ce rôle offre des avantages certains, comme une position de premier plan au sein du parti majoritaire et des relations de travail étroites avec le Premier ministre, il est l’un des plus délicats au sein du Parlement.David Bitan, élu à la Knesset pour la première fois en 2015, a remplacé à ce poste l’actuel ministre sans portefeuille Tzachi Hanegbi, au terme d’une bataille serrée dans les rangs du Likoud pour décrocher cette fonction tant convoitée. Alors que son prédecesseur, à ce poste pendant un an, avait fait preuve de léthargie, laissant l’opposition remporter quelques victoires, Bitan est arrivé avec une réputation de bulldozer, acquise lorsqu’il présidait la commission parlementaire : pour mener les choses à leur terme, l’homme n’hésite pas à écarter tout ceux qui se trouvent en travers de son chemin. Ce ne sont pas les derniers mois qui ont modifié cette impression. Le chef de la coalition a clairement démontré son peu de patience, et sa détermination à user de tout le pouvoir que lui confère la Knesset pour éliminer les trouble-fête. Dans le même temps, il a aussi fait preuve de plus de magnanimité que ses prédécesseurs, laissant l’opposition faire passer un certain nombre de lois, pourvu qu’elle se montre coopérative. Avec la fin de la session parlementaire la semaine dernière, on peut dégager un premier bilan de l’action de David Bitan en forme de mode d’emploi destiné à gérer les hauts et les bas de la vie parlementaire.Aplanir les désaccords au sein de la coalition Depuis son entrée en fonction, le dirigeant de la coalition a réussi à conduire un nombre inhabituel de projets de loi jusqu’au vote final, dont certains des textes les plus contestés de l’année. Pourtant, que ce soit la loi sur la transparence dans le financement des ONG, ou celle permettant aux députés d’exclure du parlement certains de leurs pairs coupables de racisme ou d’incitation à la violence, toutes deux ont fait l’objet d’une virulente montée au créneau, au sein de la coalition comme de l’opposition. Comment Bitan est-il parvenu à mobiliser les votes et à faire passer ces lois ? Le député confie « avoir mené de nombreuses discussions, considérant les objections de la coalition mais aussi celles del’opposition, afin de pas avoir de surprises lors du plénum de l’Assemblée ». « Il y a toujours des désaccords », dit-il. « S’il n’y en avait pas, nous n’aurions pas besoin d’un chef de la coalition. Mon travail est justement de les aplanir afin de parvenir à une prise de décision. »Cela fait partie de la stratégie de David Bitan ; il l’avait d’ailleurs annoncée à son entrée en fonction : pas question de présenter une loi s’il n’est pas certain qu’elle obtienne une majorité de votes. Ceci pour éviter les déconvenues de son prédécesseur, qui s’était retrouvé plus d’une fois en mauvaise posture, confronté à une majorité de voix défavorables. David Bitan a donc tenu parole. On l’a vu notamment avec le projet de loi sur le divorce, présenté par le député Likoud Yoav Kish. La réforme visait à annuler la garde automatique des enfants de moins de six ans confiée jusqu’ici à la mère, laissant le tribunal juger au cas par cas en fonction de l’intérêt de l’enfant. Mais certains députés de la majorité souhaitant le maintien du statu quo, David Bitan a dû proposer un compromis, en abaissant l’âge de la garde maternelle automatique à deux ans et demi. Le projet de loi sera soumis prochainement au vote des députés.Tandis que le nouveau chef de la coalition a réussi à mener de nombreux de projets de loi en deuxième et troisième lectures, certains se demandent si le parlement ne légifère pas à l’excès. Depuis leur entrée en fonction en mars 2015, les députés de la 20e Knesset ont en effet soumis plus de 3 000 projets de loi ; de son côté, la commission des lois en a discuté 1 500 : 213 ont été approuvés, 200 rejetés, et 900 reportés. Des chiffres jugés « absurdes » par la ministre de la Justice Ayelet Shaked. Pour elle, un surplus de lois provoque un excès de régulation dans le domaine des affaires et complique la vie des citoyens. Adepte du bâton et de la carotteDeuxième aspect de la méthode Bitan : les relations avec l’opposition. La stratégie adoptée : celle du bâton et de la carotte. Dans le rôle de la carotte, le soutien aux projets de loi de l’opposition, pourvu que ces derniers servent les intérêts du public et qu’ils rentrent dans le budget. C’est ainsi que sur les 213 projets de loi approuvés en commission, 61 portaient l’empreinte du clan adverse. L’une de ces réformes, proposée par le parti Meretz, vise à accroître le soutien aux personnes à leur sortie des foyers pour femmes battues, et minimiser ainsi le risque qu’elles ne repartent vers leurs bourreaux pour des raisons de précarité financière.Toutefois, David Bitan n’a pas non plus de mal à user du bâton. On l’a vu avec les débats autour du budget bisannuel. Tandis que les élus de l’opposition présents au sein de la commission des finances ont soumis des milliers d’objections, Bitan a prévenu : la coalition ne voterait plus les projets de loi de l’opposition, même approuvés par les ministres. Au final, l’opposition a dû renoncer à la plupart des changements qu’elle réclamait dans la structure du budget. Le chef de la coalition ne s’en cache pas : s’il ne parvient pas rapidement à trouver un compromis, il le force. Troisième point : la discipline. Etrangement, les plus grandes difficultés émanent de son propre parti. Dernier exemple en date, le député Oren Hazan a été vertement réprimandé après qu’il ait annoncé son intention de voter en faveur d’une enquête du contrôleur de l’Etat sur l’opération Bordure protectrice, alors que le parti au pouvoir s’y oppose. « Même si le Likoud est démocratique, lorsqu’une ligne politique a été décidée, nous attendons des députés qu’ils s’y tiennent », affirme Bitan.Autre réforme qui porte son sceau : les absences lors des scrutins doivent désormais faire l’objet d’une autorisation préalable du chef de la coalition, faute de quoi les propositions de loi venant des ministres concernés ne seront pas soumises au vote.Les yeux de David Bitan sont déjà tournés vers les prochains défis qui l’attendent lors de la session hivernale de la Knesset qui débute le 31 octobre : budget, évacuation de l’implantation d’Amona ou projet de loi sur l’annexion de Maale Adoumim. Des batailles serrées en perspective et autant de tests de solidité pour la coalition.© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite