La bataille pour la droite s'annonce serrée

Si Benjamin Netanyahou semble avoir éliminé toutes les menaces potentielles sur son leadership, Guideon Saar et Yaïr Lapid n’ont pas dit leur dernier mot

Yair Lapid, leader de Yesh Atid (photo credit: REUTERS)
Yair Lapid, leader de Yesh Atid
(photo credit: REUTERS)
De prime abord, Benjamin Netanyahou paraît plus intouchable que jamais. Ses derniers efforts pour asseoir sa position de leader de la droite ont, semble-t-il, porté leurs fruits. En obtenant du comité central du Likoud d’avancer les primaires du parti, le Premier ministre a écarté les dangers potentiels contre son leadership. Faute de candidat pour affronter Netanyahou en interne, les élections devaient être purement et simplement annulées. Parmi les autres objectifs du chef du gouvernement : la formation d’un large bloc de droite, qui, une fois mis sur pied, pourrait se révéler imbattable au prochain scrutin. Enfin, la réforme du système électoral est de nouveau à l’ordre du jour : si elle est adoptée, le chef du gouvernement sera automatiquement issu du parti qui aura remporté le plus de sièges à la Knesset. Mais en dépit de tous les efforts de Netanyahou, la bataille pour le vote de droite est loin d’être terminée. Car plutôt que de rejoindre le chef du Likoud dans un bloc unique, d’autres se montrent désireux de se confronter à lui, et de se tailler la part du lion dans le gâteau électoral. Depuis plusieurs semaines, tous les candidats potentiels de droite au poste de Premier ministre tentent d’affirmer leurs positions – de Moshé Kahlon à Guideon Saar, le très populaire ex-ministre issu du Likoud, en passant par Naftali Bennett, sans oublier Avigdor Liberman et Yaïr Lapid.
Manœuvres en haute mer
Pressentant le danger, Netanyahou a donc demandé que la date des primaires du parti soit mise à l’ordre du jour de la dernière réunion du comité central, qui visait à désigner son nouveau président. En obtenant gain de cause, le chef du gouvernement s’est assuré de couper l’herbe sous le pied de ses rivaux, qui ne disposaient plus d’un temps suffisant pour affûter leurs armes et mener une campagne sérieuse. Guideon Saar n’avait pas tardé à réagir, s’empressant d’affirmer qu’il ne participerait pas à ce qu’il a qualifié de « théâtre de marionnettes de Netanyahou ».
Cependant, ce mouvement d’anticipation a un prix. L’un des hommes forts du Likoud, le ministre des Transports Israël Katz, a exigé qu’en retour, toutes les futures alliances du parti soient validées par plus de 50 % des membres du comité central. Une réforme qui pourrait constituer un obstacle majeur au rêve de grand parti nourri par Netanyahou.
On se souvient en effet que, par le passé, celui-ci a déjà initié des partenariats qui, s’ils ont permis au Likoud de remporter les élections, telle l’alliance avec Israël Beiteinou en 2013, n’ont pas manqué également de susciter de nombreux mécontentements. Certains allant même jusqu’à affirmer que ces rapprochements servaient les intérêts de Netanyahou mais pas ceux du parti, puisque cela impliquait le retrait des listes de plusieurs membres du Likoud au profit de ceux de la formation alliée. Une réticence toujours largement répandue. Autant dire qu’un rapprochement encore plus audacieux impliquant les divers partis de droite, et même les orthodoxes, aura le plus grand mal à passer, surtout si l’on considère que le comité central est désormais dirigé par l’inflexible Haïm Katz.
Cependant, Netanyahou continue d’y croire et courtise ouvertement Kahlon, tout en multipliant de l’autre côté les déclarations en faveur des habitants des implantations, dans l’espoir de rallier les votes de cette frange de la population, qu’il décide ou non de se rapprocher de Bennett.
Le spectre Saar
Si l’on en croit les enquêtes d’opinion, la menace la plus crédible face au chef du gouvernement est Guideon Saar. Un sondage du Maariv publié à la mi-septembre, montrait ainsi que le chef du Likoud serait à même de battre tous ses rivaux potentiels à plate couture, obtenant face à eux entre 24 et 30 % de voix supplémentaires. Tous, sauf Saar. Face à son ancien ministre, Netanyahou ne disposerait plus que d’une courte majorité de 5 %. Pour enfoncer le clou, lors d’un autre sondage effectué par la chaîne parlementaire, 42 % des likoudnikim ont déclaré qu’ils auraient soutenu l’ex-ministre s’il était resté au parti, contre 36 % qui ont affirmé le contraire.
Guideon Saar n’a encore rien révélé de ses intentions et on ignore encore la nature de son agenda. Après sa démission du poste de ministre de l’Intérieur en novembre 2014, il a passé la première année de sa retraite politique à l’Institut d’études sur la sécurité nationale, clairement positionné à gauche. Les suppositions vont donc bon train : cette expérience a-t-elle pu affecter, par exemple, sa position contre la solution à deux Etats ?
Quoi qu’il en soit, ces derniers mois, l’ancien ministre a multiplié les attaques en règle contre le leadership de Netanyahou, laissant effectivement envisager son retour imminent sur la scène politique. Dans un discours prononcé à l’institut d’Israël pour la démocratie à l’occasion du 20e anniversaire de l’assassinat d’Yitzhak Rabin, l’ancien ministre de l’Intérieur a ainsi affirmé que le pays avait urgemment besoin de dirigeants qui cessent de se défiler face à leurs responsabilités. « Israël a besoin d’un leadership qui aspire à prendre les décisions difficiles qui s’imposent, d’un leadership focalisé sur les besoins des citoyens et non sur sa survie politique », a-t-il déclaré, en évitant cependant de désigner nommément Netanyahou, et en omettant de préciser la nature des décisions à prendre.
Pour ce qui est de son avenir politique, trois options s’offrent à Guideon Saar. Il pourrait décider de retourner au Likoud et d’affronter le Premier ministre au sein même du parti, en comptant sur le soutien de ses alliés proches comme Haïm Katz – avec lequel il a porté Rivlin à la présidence en 2014, au grand dam de Netanyahou. Ou choisir de lancer un nouveau parti, avec toutes les difficultés inhérentes aux formations débutantes. Enfin, il se pourrait qu’il décide de rejoindre Moshé Kahlon au sein de Koulanou, s’employant à rallier une partie de l’électorat du Likoud. Le scénario Kahlon semble d’ailleurs gagner en crédibilité. Lundi 4 janvier, devant un parterre de journalistes réunis à la Knesset, le ministre des Finances s’est lui-même montré favorable à cette idée : « Guideon Saar est un bon ami. J’ai beaucoup d’estime pour lui, et je pense qu’il a tous les attributs d’un leader. Je serais ravi s’il décidait de rejoindre Koulanou. »
Si les deux hommes décident de courir côte à côte, il se pourrait qu’ils aillent loin. Une alliance entre Saar, spécialiste des affaires étrangères, ardent défenseur de l’Etat de droit, et qui possède la stature nécessaire à la fonction de Premier ministre, et Kahlon, le ministre des Finances, qui mène une politique résolument tournée vers le social, a de quoi séduire. Une supposition confortée d’ailleurs par un récent sondage publié par le Yediot Aharonot, qui montre qu’un tel rapprochement permettrait à Koulanou de remporter 12 sièges à la Knesset, tandis que le Likoud en raflerait 21. Une performance qui pourrait encore largement s’améliorer si le programme électoral du parti se révèle suffisamment attractif.
Lapid et Bennett à contre-emploi
Mais il y a un quatrième homme. Car le grand gagnant du sondage du Yediot Aharonot n’est autre que Yaïr Lapid. Son parti Yesh Atid remporterait ainsi 18 sièges au Parlement, soit 11 de plus qu’actuellement ; Lapid s’emparant des voix de la droite modérée, au détriment du Likoud et de l’Union sioniste qui perdraient chacun un siège. Le fruit sans doute d’un glissement vers la droite savamment maîtrisé de Yesh Atid, à travers les déclarations de son leader contre l’ONG de gauche Chovrim Chtika, mais aussi contre l’attentisme du président Rivlin sur ce sujet.
Lapid a également étoffé sa stature de dirigeant en enchaînant les déplacements afin de défendre l’image d’Israël à l’extérieur du pays, et ce, bien qu’il ne fasse pas partie du gouvernement. Une tactique qui n’est pas sans rappeler celle de Netanyahou en 2009, qui avait endossé la casquette officieuse de ministre des Affaires étrangères, alors qu’il se trouvait dans l’opposition. Une stratégie payante qui avait permis à son parti de remporter les élections.
Quid de Bennett ? Si Netanyahou joue la carte des habitants des implantations et de la droite dure, le ministre de l’Education, lui, va exactement dans le sens contraire, en tentant de se poser comme un leader fédérateur représentatif de tous les Israéliens. Ainsi, tandis que les sionistes religieux et membres de son propre parti accusaient dernièrement le Shin Bet d’avoir torturé les suspects de l’incendie de Douma dans le but de leur soutirer des aveux, Bennett a défendu avec force les services de renseignement et loué leur travail. Quant aux terroristes juifs présumés, il les a accusés de chercher à détruire l’État sioniste.
Cette tendance vers le consensus s’est encore confirmée lors des récentes attaques à l’encontre de la ministre de la Justice Ayelet Shaked, qualifiée de néonazie par deux professeurs de l’Université hébraïque, après son initiative visant à forcer les représentants des ONG de gauche, qui reçoivent la plupart de leur financement de l’étranger, à porter un insigne distinctif à la Knesset. Ainsi, au lieu de dénoncer ces universitaires comme étant deux excroissances marginales de la gauche, Bennett les a désignés comme des excroissances marginales de la société israélienne dans son entier, s’affirmant par là comme un leader national et pas seulement celui d’un certain public de droite.
Quelques nouvelles d’Avigdor Liberman pour conclure. A la différence de Bennett, l’imprévisible leader d’Israël Beiteinou a pris la décision de repositionner son parti dans l’opposition en refusant, à la surprise générale, une invitation à rejoindre le gouvernement. Sa principale tactique désormais est de tacler Netanyahou et les lacunes de son leadership. Autant dire que la bataille pour la droite s’annonce serrée.
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