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Gros plan sur l’intégration de travailleurs handicapés au sein de la Knesset. Un exemple à suivre pour les autres instances gouvernementales

Employés handicapés de la Knesset (photo credit: KNESSET SPOKESMAN'S OFFICE)
Employés handicapés de la Knesset
(photo credit: KNESSET SPOKESMAN'S OFFICE)
Les journaux israéliens suivent de près les faits et gestes des députés : leurs prises de position, leurs déclarations, leurs discussions souvent animées. Mais on entend rarement parler de ceux qui, dans l’ombre, permettent le bon fonctionnement de l’Assemblée et de ses diverses commissions.
Tamar Klein, 33 ans, est employée au service formation de la Knesset. Elle contribue à maintenir à niveau ses 550 agents dans leur évolution professionnelle, par le biais de séminaires et de stages de formation continue.
« J’adore mon travail », déclare-t-elle. « C’est un poste très intéressant, qui me permet d’être en contact avec beaucoup de monde. La Knesset offre un cadre idéal sur le plan professionnel. »
Tamar est atteinte d’une infirmité motrice cérébrale. « Je suis paralysée de naissance », explique-t-elle. « Mes parents ont cependant toujours cherché à mettre en avant le fait que je peux me servir de ma main et de mon pied. A la Knesset, je fais tout normalement, comme n’importe quel autre employé. »
Intégration en douceur
Quand on arpente les couloirs du Parlement, on peut tout à fait passer à côté de ses 20 travailleurs handicapés sans y prendre garde, tant leur intégration dans la routine quotidienne des lieux s’est déroulée en douceur. Cet huissier vous aidera à trouver le bureau du député que vous cherchez, cet employé de la cafétéria débarrassera votre plateau, et cette standardiste répondra à votre appel, sans éveiller l’attention.
Ces 20 fonctionnaires souffrent de handicaps différents, à divers degrés : infirmité motrice cérébrale, syndrome de Down, autisme ou syndrome d’Asperger. Ils sont âgés
de 30 à 50 ans, certains sont mariés et d’autres non. Ils viennent de tous les secteurs de la société israélienne : laïques, religieux, juifs ou arabes.
Certains, comme Tamar Klein, occupent des postes d’agents dans différents services, d’autres distribuent le courrier aux députés, travaillent à l’imprimerie de la Knesset, au service juridique, à la comptabilité, au centre d’accueil, aux ressources humaines, ou comme standardistes, chauffeurs et huissiers.
« J’ai été accueillie à bras ouverts dans le service », déclare Tamar. « Et l’on me traite sur un plan de totale égalité. Il n’y a pas de ségrégation ici. On ne me fait jamais sentir que j’appartiens à un groupe particulier. Et on ne fait preuve d’aucune concession sur mon travail », ajoute-t-elle fièrement.
Nadav Halperin, 31 ans, souffre d’une infirmité motrice cérébrale plus sévère que Tamar. A la Knesset, il fait quasiment partie des meubles. On le trouve souvent devant son ordinateur, à l’entrée du couloir interminable des bureaux des députés, heureux d’indiquer aux visiteurs celui du parlementaire qu’ils souhaitent rencontrer.
Nadav occupe également la fonction d’huissier en séance plénière. Il se souvient avec émotion du jour où il s’est vu confier la mission de ses rêves. Perah Lerner, le conseiller parlementaire de Netanyahou, lui a remis un document à transmettre au Premier ministre. « C’était un moment palpitant », raconte-t-il. « Il m’a remercié et, depuis lors, il me demande de mes nouvelles chaque fois qu’il me rencontre. »
Zèle et dévouement
C’est en 2006 que la Knesset, sous la présidence de Dalia Itzik, commence à employer des handicapés. Une initiative lancée en partenariat avec Israël Elwyn, une organisation qui encourage l’insertion des personnes invalides dans le monde du travail, et Shekel, qui offre des services communautaires à ceux qui présentent des besoins particuliers.
Le président de la Knesset, Youli Edelstein, et Ronen Plott, son directeur général, ont encore étendu le projet, et encouragé d’autres ministères à leur emboîter le pas.
« Nous sommes fiers de cette initiative et heureux de voir d’autres se joindre à nous », déclarait Edelstein devant un parterre de hauts représentants de 20 ministères, dont le bureau du Premier ministre et le ministère des Affaires étrangères. « La Knesset adopte des lois et enjoint aux autres d’agir. Il est donc de notre responsabilité de cautionner ce projet. »
Selon Ronen Plott, les instances gouvernementales jouent un rôle important dans l’intégration de personnes handicapées au sein de la société israélienne.
« Le dévouement de ces personnes, leur zèle et leur contribution à la bonne marche de l’Assemblée sont incommensurables, tout comme le bénéfice personnel qu’ils en tirent. Cela renforce leur confiance en eux et leur statut au sein de la société », explique-t-il.
Eli Groner, directeur général du Cabinet du Premier ministre et président du forum des directeurs généraux ministériels, s’est déclaré profondément impressionné par l’intégration des travailleurs handicapés à la Knesset.
« Ce projet constitue une déclaration de politique sociale de premier ordre. C’est une situation dont chacun sort gagnant : l’employeur, l’employé et la société elle-même », a-t-il jugé.
Le député Ilan Guilon (Meretz), assistait également à la conférence. Atteint de la polio depuis l’enfance, il utilise un scooter pour circuler dans le dédale de couloirs de l’Assemblée et marche parfois avec une canne. Guilon a présenté plusieurs propositions de loi pour venir en aide aux handicapés, et encourage les directeurs généraux à suivre l’exemple de la Knesset. « C’est non seulement un privilège d’employer des handicapés, mais c’est aussi une manière de permettre à chaque individu au sein de notre société d’atteindre ses objectifs. »
Quotas et économies
En 2013, le rapport du contrôleur de l’Etat soulignait que seuls 2,05 % des postes gouvernementaux étaient occupés par des handicapés, alors qu’ils représentent plus de 5 % de la population. Le contrôleur avait alors critiqué la Commission de la fonction publique qui, selon lui, n’avait pas assuré une représentation équitable des handicapés au sein de ses instances.
La députée Nourit Koren (Likoud), qui participait également à la conférence à la Knesset, estime ces progrès insuffisants. Elle prône ainsi l’instauration de quotas pour inciter les instances publiques à agir, et a présenté un projet de loi en ce sens, réclamant une représentativité de 3 % de personnes handicapées dans la fonction publique dans un premier temps, et 5 % au bout d’un an. Itzik Shmouly, député du Camp sioniste, a présenté une proposition similaire. En juin, la commission ministérielle pour la législation a approuvé l’initiative et l’a adoptée en lecture préliminaire. Le texte devrait être soumis en première lecture à la Knesset lors de la session d’hiver, à la mi-octobre.
« Il existe aujourd’hui plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants handicapés en Israël, et la plupart d’entre eux ne travaillent pas », explique Nourit Koren. « L’emploi des personnes handicapées est bénéfique pour tous. Pour les travailleurs, qui sortent ainsi de chez eux et s’intègrent dans la société, mais aussi pour l’équilibre budgétaire. Cela représenterait un gain supplémentaire de 5 milliards de shekels dans les caisses de l’Etat. Ce projet de loi permettra en outre une économie significative du montant versé en indemnités d’assurance nationale. »
Pour Tamar Klein, employer des personnes handicapées est une évidence. « Il est important que les entreprises privées tout comme le secteur public intègrent des handicapés », insiste-t-elle, « car nous formons une main-d’œuvre motivée, capable d’apporter sa pierre à l’édifice. Aucune crainte à avoir : nous sommes d’excellents travailleurs. »
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