Un tremplin vers le succès

Les programmes de Gvahim, ou la meilleure façon de se connecter au monde israélien de l’entreprise

Groupe de participants au programme Gvahim (photo credit: DR)
Groupe de participants au programme Gvahim
(photo credit: DR)
Je suis devenue sioniste, alors que je vivais au Canada », plaisante Gali Shahar-Efrat. Née et élevée en Israël, elle est la directrice exécutive de Gvahim. Cette ONG israélienne fournit aux arrivants diplômés – qu’ils soient nouveaux immigrants ou Israéliens de retour au bercail – les outils nécessaires pour décrocher un emploi ou lancer une start-up.
En 2001, la seconde Intifada bat son plein. Gali Shahar-Efrat est alors programmeuse informatique pour Amdocs, société de logiciels israélienne de renommée mondiale. En cette période de tension, elle ressent le besoin de faire une pause, et saute sur l’occasion quand on lui propose de se délocaliser à Montréal. Mais le jour de son départ pour le Canada, avec son mari et sa fille, le destin la rattrape. Alors que la voiture familiale approche de l’aéroport Ben-Gourion, sur la route 1, un conducteur, déjà condamné pour conduite dangereuse et en période de probation, percute leur véhicule à une vitesse élevée. La seule chose dont la jeune femme se souvient, c’est de son réveil à l’hôpital, entourée de médecins et d’un travailleur social, lui apprenant que sa fillette de huit mois a été tuée dans l’accident. « J’étais sous le choc. Nous avions des billets pour commencer une nouvelle vie, et au lieu de cela, je me retrouvais à devoir organiser un enterrement pour l’être qui m’était le plus cher au monde. » Au terme des 30 jours de deuil, le désir de fuir se fait encore plus pressant. Le couple décide malgré tout de mettre son projet à exécution et de s’envoler pour le Canada. Après quatre ans passés à Montréal suivis de quatre autres à Toronto, toujours au service d’Amdocs, et la naissance de deux filles, Gali commence à s’interroger sur les valeurs qui lui sont chères. « Sommes-nous juifs ? Sommes-nous Israéliens ? J’ai regardé autour de moi et j’ai constaté que de nombreuses personnes, y compris des olim, avaient quitté Israël pour s’installer au Canada. Alors je me suis dit, si tous ces gens diplômés – universitaires, médecins et ingénieurs – fuient Israël, qui restera sur place ? » C’est le déclic. Gali comprend qu’elle a besoin de rentrer. « J’ai réalisé qu’Israël était le meilleur endroit pour élever mes enfants. J’avais mûri. J’étais prête à revenir et à essayer de faire changer les choses pour qu’Israël devienne un lieu où les gens choisissent de vivre. »
Les outils de la réussite
Une semaine après son retour en Israël, Gali Shahar-Efrat contacte Or Yarok (Feu vert), une association qui se consacre à la promotion de la sécurité routière, pour s’y investir à titre bénévole. Elle commence par donner des conférences dans les écoles et pour les soldats, puis fonde au sein d’Amdocs un groupe de volontaires, qui prennent eux aussi part à cette mission de sensibilisation. Autant d’efforts qui seront reconnus par le ministère des Transports. En 2012, Gali Shahar-Efrat reçoit le prix pour la Sécurité routière d’Israël. Elle réalise alors qu’elle tire son principal épanouissement de ses activités bénévoles, et non de sa carrière professionnelle.
Nouvelle prise de conscience, nouveau changement. « Un ami à Amdocs m’a parlé de Gvahim. J’ai été surprise de la nécessité d’une telle structure. J’étais loin d’imaginer le manque de soutien aux nouveaux immigrants dans le domaine de l’emploi », confie-t-elle. En 2014, Gali Shahar-Efrat quitte Amdocs pour rejoindre Gvahim, dont elle devient la directrice exécutive à temps plein. « Pour moi, c’était une façon de boucler la boucle. J’avais vu tous ces gens talentueux quitter Israël pour le Canada, et maintenant je pouvais les aider à s’épanouir professionnellement, pour leur donner envie de rester ici. »
La mission de Gvahim consiste à « aider les diplômés à trouver des emplois de qualité, ce qui permet à notre pays de préserver son plus grand atout – le capital humain – pour contribuer à l’avenir d’Israël », explique Gali Shahar-Efrat. Et d’ajouter : « Nous considérons les immigrants hautement qualifiés comme un potentiel, et nous devons faire tout notre possible pour les aider, sinon ils repartiront. Les immigrants ont joué un rôle essentiel dans la fondation du pays, et leur contribution à la croissance d’Israël est énorme. La seule différence, c’est qu’à l’époque, ils ont utilisé des outils pour faire fructifier la terre, aujourd’hui, ils le font avec des ordinateurs portables. »
Gvahim, l’une des huit filiales de la Fondation Rashi, propose trois types de programmes via ses antennes de Jérusalem, Tel-Aviv, Ashdod, Beershéva et Haïfa. En 2015, plus de 600 immigrants et Israéliens de retour en ont bénéficié. Le Programme carrière propose des ateliers hebdomadaires, pour enseigner aux nouveaux immigrants à « parler israélien » : rédaction d’un CV, préparation d’un entretien d’embauche, y compris les codes vestimentaires, maniement de la plate-forme professionnelle LinkedIn, utilisation de son réseau, et autres conseils utiles. Tout ceci constitue bien souvent une barrière pour les olim fraîchement débarqués, estime Gali Shahar-Efrat. « Ils ne possèdent pas les mêmes connexions que les Israéliens de souche qui n’hésitent pas à reprendre contact avec des vieux copains d’armée pour solliciter un emploi. » Elle ponctue : « Ici, envoyer un curriculum vitæ ne suffit pas. » Par conséquent, Gvahim propose aux participants des entretiens en tête-à-tête avec des professionnels des ressources humaines et met un mentor à leur disposition, spécialisé dans le domaine qu’ils cherchent à intégrer. Gvahim a tissé des liens avec 650 entreprises israéliennes qui comprennent et « reconnaissent la valeur ajoutée des immigrants », pointe-t-elle. Au final, 9 immigrants sur 10 qui suivent le Programme carrière trouvent un emploi à leur mesure en l’espace d’un an. « Nous ne baissons jamais les bras. Nous voulons que chacun hérite du poste qu’il mérite », pointe Gali Shahar-Efrat.
Gvahim compte de nombreuses success-stories. Parmi elles, celle d’Alicia Salama. Née en Espagne, elle a vécu à Montréal pendant 22 ans, avant d’arriver en Israël il y a quelques mois, une vaste expérience dans le monde de la collecte de fonds en poche. Pourtant, en dépit de ses qualifications et la maîtrise parfaite de cinq langues, Alicia se révèle incapable de trouver un emploi, au point d’envisager de quitter son domaine. « J’ai envoyé des dizaines de CV, je scrutais chaque matin les petites annonces, mais sans réseau ici, je ne savais pas où les bons emplois se cachaient », confie-t-elle. Elle entend alors parler de Gvahim par un ami et décide de s’inscrire à un cours intensif d’un mois du Programme carrière. Elle réécrit son CV, apprend à utiliser LinkedIn et se voit affecter un spécialiste en ressources humaines pour apprendre à naviguer sur les sites d’emploi en hébreu. Grâce aux ateliers et conseils de ses mentors, Alicia a pu emprunter la voie du succès et vient d’être nommée directrice pour Israël des Amis américains du Magen David Adom. Pour elle, Gvahim « permet de ne pas abandonner et de ne pas compromettre vos objectifs professionnels. Ils vous donnent les outils pour réussir. »
Le capital humain
Le deuxième programme de Gvahim concerne l’entrepreneuriat. L’association compte des accélérateurs de start-up à Tel-Aviv et Ashdod « qui aident les participants à transformer leurs idées en entreprises en les connectant à l’écosystème de la Start-up nation ». Les mentors aident les membres de cet incubateur à plancher sur leurs projets professionnels et leurs plans marketing, les conseillent quant à la façon de présenter leurs concepts. Puis, au bout de six mois, ils leur donnent l’occasion de soumettre leurs idées à des investisseurs potentiels.
Jenny Drezin, qui a fait son aliya de New York il y a trois ans, est la fondatrice et directrice marketing de Sidekix, une entreprise d’applications mobiles basée à Tel-Aviv. Sidekix permet aux utilisateurs de se frayer un chemin à pied à travers plus de 50 villes du monde entier, en créant des itinéraires selon leurs centres d’intérêt : art, shopping, culture, etc. Quand elle est arrivée en Israël, Jenny Drezin ne savait pas ce qu’elle voulait faire en tant qu’entrepreneur. C’est grâce à l’accélérateur d’idées de Gvahim, connu comme le « Hive » (ruche), qu’elle a trouvé un concept porteur et pu s’immerger dans l’écosystème du monde israélien de la start-up. L’une des personnes clés rencontrées dans le cadre du programme a décidé d’investir dans son idée. Drezin a alors été en mesure de récolter un million de dollars en fonds de départ pour développer son application. L’incubateur de Gvahim a jeté les bases de sa nouvelle carrière, déclare-t-elle. Et d’ajouter : « Israël est l’endroit idéal pour lancer une start-up, vous disposez de tellement de soutien et de ressources. »
Enfin, troisième et dernier programme de Gvahim : le Programme de stages professionnels, accrédité par MASA. Les étudiants qui arrivent en Israël peuvent bénéficier de stages au sein de l’une des sociétés qui coopèrent avec Gvahim. L’occasion pour eux d’acquérir de l’expérience dans le monde des start-up israéliennes, et de se faire connaître.
Gali Shahar-Efrat pense déjà au futur. Son objectif : « Intensifier le soutien aux nouveaux immigrants hautement qualifiés. » Selon elle, un grand pourcentage de juifs français très diplômés choisit aujourd’hui le Canada ou les Etats-Unis comme première destination d’exil, avant Israël. « Nous avons besoin de les attirer par un meilleur processus d’intégration », explique-t-elle. Et de poursuivre : en matière d’aliya réussie, le plus grand obstacle c’est de parvenir à gagner sa vie. « Si vous ne pouvez faire vivre votre famille, vous ne resterez pas. » Son but serait d’ouvrir d’autres centres Gvahim pour toucher 4 000 à 6 000 immigrants par an. « Nous devons faire tout notre possible pour préserver le capital humain du pays. »
Gvahim souhaite aussi venir en aide aux autres professionnels en dehors du secteur des entreprises, en particulier ceux qui ont du mal à obtenir des équivalences dans leur domaine, une fois en Israël. L’association a récemment commencé à mettre en contact les professionnels de la santé qui cherchent du travail avec la direction du centre médical Assuta, actuellement en construction à Ashdod. Elle travaille également avec Nefesh B’Nefesh pour aider en matière d’emploi les immigrants de la région de Beershéva, et avec l’Agence juive pour ceux de la région de Haïfa.
Même si Gvahim accapare désormais l’essentiel de son temps, Gali Shahar-Efrat parvient toujours à faire du bénévolat pour Or Yarok et à donner des conférences le vendredi. Actuellement, elle cherche à alerter les jeunes sur les dangers des vélos électriques. « Si je peux éviter à ne serait-ce qu’une seule personne d’être blessée sur la route, alors mes conférences du vendredi en valent la peine. »
En dépit de sa tragédie personnelle, Gali Shahar-Efrat respire la confiance quant à la grandeur potentielle d’Israël. « Notre pays est jeune, nous avons encore une longue route à parcourir. Nous devons rester optimistes, et faire ce que nous pouvons pour construire et améliorer le pays. Si tout le monde est prêt à donner un peu à la communauté, alors nous laisserons une grande nation pour les générations futures. »
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