Les morts n’échappent pas à la haine

Vandaliser les tombes juives n’est pas un phénomène nouveau. Et la région du Bas-Rhin est malheureusement coutumière des faits

Une tombe profanée dans le cimetière de Sarre-Union (photo credit: REUTERS)
Une tombe profanée dans le cimetière de Sarre-Union
(photo credit: REUTERS)
«Une frénésie collective » : c’est en ces termes que le procureur a décrit l’atmosphère qui régnait dans le cimetière juif de Sarre-Union dans le Bas-Rhin ce jeudi 12 février. Cet après-midi-là, 5 adolescents vont se livrer trois heures durant à un saccage méthodique des tombes.
Des adolescents ordinaires
Au total, ce ne sont pas moins de 250 sépultures sur les 400 que compte le cimetière qui font les frais du déchaînement de la bande : des stèles renversées, des tombes sorties de terre et un monument à la mémoire des victimes de la Shoah brisé, tel est le triste bilan de cette « frénésie collective », à l’origine de la plus importante profanation de cimetière enregistrée depuis des décennies en France. « C’est une image de désolation » a déclaré le président de la région Alsace Philippe Richert à son arrivée sur les lieux.
Si la majorité des enquêtes concernant de tels actes de vandalisme ont souvent du mal à aboutir, le dénouement de cette affaire ne s’est pas fait attendre. Le 18 février, l’un des jeunes ayant pris part au saccage s’est rendu de lui-même au commissariat, effrayé par l’écho médiatique donné à l’événement. L’adolescent a vite dénoncé ses camarades, interpellés dans la foulée. Celui qui est apparu comme le leader du groupe est élève au lycée de Sarre-Union, décrit par ses camarades de classe comme « quelqu’un d’un peu singulier mais pas méchant ». Un garçon qui déclarait d’ailleurs ouvertement son hostilité envers le Front national – qui a enregistré très bon score dans la commune aux dernières élections municipales – et arborait même des slogans antifascistes sur ses vêtements. Un profil contrasté donc. Aucun doute possible pourtant : aux dires de la bande, il est celui qui a supervisé et encouragé les opérations.
Un seul parmi les jeunes interpellés semblait faire état d’une certaine fascination pour l’idéologie nazie ; les autres affichent un profil des plus lisses, aucun de ces mineurs âgés de 15 à 17 ans ne possède d’antécédent judiciaire, des enfants issus de familles « bien »; l’étonnement est encore plus grand lorsque l’on sait que parmi les vandales se trouvent le fils du proviseur du lycée de la ville et un garçon dont la mère est institutrice.
Si les adolescents ont assuré ignorer qu’il s’agissait d’un cimetière juif, se disant également persuadés que les lieux étaient abandonnés, le procureur de Saverne – qui a prononcé la mise en examen des mineurs – a bien établi le caractère antisémite de leurs actes : « Malgré les dénégations des intéressés, la connotation et le mobile antisémites de leur comportement apparaissent clairement », a-t-il indiqué. Une décision saluée par Pierre Levy, délégué régional du Crif Alsace : « On ne vandalise pas impunément 250 tombes avec des inscriptions hébraïques ». Comment en effet ne pas qualifier d’antisémite l’attitude de ces jeunes, qui ont avoué, durant leur garde à vue, des saluts nazis, des insultes antisémites et même des crachats sur les étoiles de David ornant les tombes. Ils encourent désormais jusqu’à 7 ans de prison.
Des airs de déjà-vu
Le cimetière juif de Sarre-Union, petite commune de 3 000 habitants n’en est malheureusement pas à sa première profanation : en 1988, 61 stèles avaient été renversées, en 2001, 54 de ses tombes avaient été abîmées. L’Alsace est la région de France la plus touchée par les profanations de cimetières juifs, dont elle abrite un nombre particulièrement important pour la simple et bonne raison qu’elle a été une terre d’accueil pour les juifs durant des siècles. Mais l'ensemble du territoire est concerné : on compte en moyenne une profanation de cimetière tous les deux jours dans l'Hexagone.
En 2011, un rapport parlementaire soulignait une augmentation de 50 % des actes de vandalisme à l’encontre des cimetières et lieux de culte toutes confessions confondues, les cimetières catholiques étant les plus touchés par cette délinquance. Il s’agit de faits de mineurs dans la majeure partie des cas, bien souvent alcoolisés, qui par ennui, par jeu ou par défi décident de s’en prendre au sacré, à ce qui entre dans la sphère de l’intouchable. Ou parfois de jeunes illuminés satanistes, un phénomène qui semble lui aussi prendre de l’ampleur… 
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