Une main tendue en milieu hostile

Du Népal au Kurdistan, l’ONG israélienne IsraAid opère sur tous les fronts. Même là où on ne l’attend pas. Comme en Irak, au secours des victimes de l’Etat islamique

Navonel Glick au camp de Dohuk (photo credit: DR)
Navonel Glick au camp de Dohuk
(photo credit: DR)
Le XXIe siècle a été marqué par d’énormes catastrophes. Désastres naturels ou conflits sanglants, des millions d’êtres humains ont été touchés à travers le globe. Dernière tragédie en date : le tremblement de terre au Népal qui a déjà fait plus de 7 000 morts et dont les conséquences ont affecté 8 millions de personnes dans le pays.
IsraAid se trouve parmi les nombreuses organisations humanitaires dépêchées sur place pour secourir les victimes et prêter main-forte aux autorités sanitaires népalaises. Créée en 2001, l’ONG israélienne a pour vocation d’apporter une assistance sur le long terme lors des situations de crise. A ce jour, ses spécialistes ont déjà opéré dans pas moins de 28 pays.
IsraAid n’est pas la seule organisation israélienne à s’être envolée pour le Népal. L’Etat hébreu a immédiatement envoyé des unités de l’armée. Zaka, le Magen David Adom et la compagnie El Al sont également représentés sur place et participent activement à l’effort pour sauver des vies. Mais ce qui distingue IsraAid des autres ONG, c’est son implication dans des pays traditionnellement hostiles envers l’Etat juif. Des pays où il ne fait pas toujours bon, tant du côté des officiels que des habitants, d’exprimer une quelconque reconnaissance envers des Israéliens.
Le drame des réfugiés
Certains seront certainement surpris d’apprendre qu’IsraAid a récemment effectué plusieurs missions au chevet des réfugiés Yazidis dans le nord de l’Irak. Il y a de cela plusieurs mois, cette population non musulmane a été contrainte par le groupe Etat islamiqueà fuir ses villages. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées prises au piège dans la région du Sinjar encerclée par les djihadistes, sans eau, sans nourriture et sans abris. Des centaines de Yazidis ont été tués, d’autres ont été réduits en esclavage. On estime qu’environ 5 000 femmes et enfants Yazidis ont été kidnappés. Mariages forcés, viols, violences, rien ne leur est épargné.
Le groupe Etat islamique a également pris pour cible d’autres minorités irakiennes, comme les chrétiens ou les Arméniens. Selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU, près de 40 000 habitants du pays auraient trouvé asile au Kurdistan, qui accueille déjà sur son territoire 220 000 réfugiés syriens. Au total, depuis janvier 2014, les attaques des djihadistes ont provoqué le déplacement de plus 2 millions d’Irakiens.
La toute première mission d’IsraAid dans le nord de l’Irak s’est déroulée en octobre 2014 dans le camp de Dohuk, à la frontière avec le Kurdistan. L’ONG y a entre autres fourni des couvertures, des matelas et du lait en poudre pour les bébés. Elle a aidé les 18 000 réfugiés du camp à se préparer à l’approche de l’hiver, particulièrement rude dans la région. « Des centaines de familles totalement démunies affluaient chaque jour, avec leurs seuls vêtements sur le dos », se souvient Navonel Glick, directeur du programme IsraAid. « Ces gens arrivent toujours avec l’idée que leur passage dans le camp sera provisoire », explique-t-il. « Il leur faut toujours un certain temps avant de comprendre que la situation durera bien au-delà de quelques semaines. C’est toujours très traumatisant pour eux. Ils n’ont plus rien, leur seule priorité est de survivre à l’hiver. »
Shehab, un Yazidi originaire de Sinjar qui a trouvé refuge au camp de Dohuk, raconte sa terrible expérience. Ni sa femme, ni ses enfants ne parviennent à oublier l’attaque de leur maison par les djihadistes. « Lorsqu’ils sont arrivés chez nous, nous avons fui dans les montagnes et nous y sommes restés pendant une semaine, réfugiés dans un temple Yazidi. Puis nous sommes arrivés ici », raconte Shehab. « La vie au camp est très dure. Nous sommes huit familles à utiliser les mêmes sanitaires. Il y a tellement de gens et pas assez d’espace. Il n’y a pas non plus d’écoles pour les enfants. » Un autre réfugié parle, lui, du froid et de la pénurie de couvertures.
Anonymat requis
Navonel Glick qui a dirigé il y a quelques années de nombreuses missions au Soudan du Sud, en Haïti et en Jordanie, se sent proche du sort des réfugiés du Kurdistan. « Il y a quelque chose d’incroyable dans la manière qu’a le Kurdistan d’accueillir et de brasser ces différentes ethnies. Cet endroit multiculturel qui possède une longue histoire me touche en tant qu’Israélien. J’ai pris conscience que nous vivions tous au Moyen-Orient, et que nous étions plus proches de l’Irak sur le plan géographique et historique que des Etats-Unis ou de l’Europe. Il est donc normal que la situation de ces réfugiés nous interpelle. »
Le jeune homme souligne toutefois qu’à Dohuk ses collaborateurs avaient pour consigne de ne pas révéler qu’ils étaient originaires d’Israël : « On trouve parfois dans le camp des supporters de l’Etat islamique, alors il faut faire très attention à ce que l’on dit et à qui l’on s’adresse. » Navonel évoque le projet d’une troisième mission au Kurdistan dans les prochains mois : « Notre travail là-bas est très important, et nous aimerions mettre sur pied des missions de longue durée centrées sur l’éducation et l’apport d’une assistance aux autorités locales. »
Immédiatement après son retour du Kurdistan, Navonel s’est envolé pour une autre mission dans l’ouest de l’Afrique. « Mes amis m’ont alors demandé : “Qu’est-ce qui est le plus à craindre d’après toi, l’Etat islamique ou le virus Ebola ?” », plaisante-t-il. Mais ces questions, le jeune homme ne se les pose pas. « Israël possède une telle expertise, notamment en gestion des crises et des traumatismes, qu’il se doit d’en faire bénéficier le plus grand nombre, du Kurdistan au Népal. C’est notre devoir. »
 
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