Défiant les projections, Donald Trump a été élu président

En élisant le candidat républicain, les Américains ont avant tout appelé au changement

Les supporters de Trump, en liesse après sa victoire (photo credit: REUTERS)
Les supporters de Trump, en liesse après sa victoire
(photo credit: REUTERS)
C’est une victoire qui a retenti comme un coup de tonnerre. Une réussite à peine croyable pour ce novice en politique dont la campagne sulfureuse a divisé la nation américaine et l’opinion publique internationale. Les résultats, pourtant, étaient sans appel.
Au terme d’un dépouillement plein de suspense, Donald Trump s’est imposé dans la quasi-totalité des Etats clés – Ohio, Floride, Caroline du Nord, Wisconsin, Iowa, Arizona et Pennsylvanie –, obtenant au final 279 grands électeurs contre 219 pour sa rivale. Il faut par ailleurs souligner la défaite d’Hillary Clinton dans de nombreux Etats traditionnellement démocrates comme ceux du Midwest et de la « Rust Belt » (Ceinture de rouille), ancien symbole de la révolution industrielle aux Etats-Unis et véritable épicentre de la colère ouvrière blanche.
Alors que l’ancienne secrétaire d’Etat représente l’image même de l’establishment politique, le programme populiste et protectionniste de son rival a su parler aux habitants de ces régions désœuvrées depuis la récession de 2008.
L’effet de surprise
L’élection de Donald Trump est sans doute la plus grande surprise politique de l’ère moderne, tant les sondeurs et autres analystes estimaient sa victoire improbable. En cause, ses discours de campagne aussi provocateurs que contradictoires, qui ont défrayé la chronique jusque dans son camp politique.
La consécration du magnat de l’immobilier et ancienne star de la téléréalité représente par ailleurs un véritable camouflet pour le président sortant Barack Obama, qui a non seulement largement encouragé à voter Clinton – affirmant à de nombreuses reprises que Trump n’était pas apte à assumer la fonction présidentielle – mais qui voit son bilan largement remis en cause. Le républicain s’est en effet engagé à abroger certaines mesures phares prises par l’actuel président comme l’Obamacare (assurance santé) ou la signature de traités sur le climat.
La défaite d’Hillary
Pour certains analystes, la victoire de Donald Trump est le symptôme d’un phénomène beaucoup plus large et inquiétant : la montée du sentiment anti-système des deux côtés de l’Atlantique. Où que l’on regarde, que ce soit aux Etats-Unis, avec Trump ou Bernie Sanders avant lui, en Grande Bretagne, avec le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), en France, avec le Front national), en Italie, avec le mouvement Cinq étoiles (Cinque Stelle), ou en Espagne, avec Podemos, des citoyens déçus et frustrés donnent de plus en plus leurs voix à des partis qui remettent en cause l’establishment.
Aux Etats-Unis, les racines de ce sentiment sont à chercher dans la stagnation économique qui a suivi la crise financière de 2008. Contrairement à sa rivale, le candidat Trump a su trouver les mots pour dénoncer l’échec de l’administration sortante à offrir des solutions durables et convaincantes pour aider ceux – ouvriers, vétérans, pensionnaires et autres… – qui ont eu du mal à se relever.
Hillary Clinton, elle, a sous-estimé le niveau de colère et d’aversion de la classe ouvrière blanche envers Washington et ses représentants. La candidate démocrate n’a pas évalué à sa juste valeur la menace que représentaient pour sa victoire ces Américains insatisfaits, révoltés contre la tyrannie du politiquement correct et animés par le rejet de la classe politique traditionnelle. Au moment de glisser leur bulletin dans l’urne, ces électeurs ont choisi le message populiste de celui qui leur a promis de restaurer la grandeur de l’Amérique, « Make America great again ».
Une nouvelle ère
Peu l’admettront, mais la victoire de Donald Trump peut être interprétée comme la conséquence directe des échecs de Barack Obama. En 2008, le candidat démocrate a joué la carte de l’espoir pour accéder à la Maison-Blanche. Et cette stratégie a fonctionné. Huit ans après, son bilan, mesuré à l’aune de l’immense espérance qu’il a suscitée, est mitigé, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. Les classes moyennes souffrent, les divisions raciales, la violence et l’insécurité sont parvenues à des sommets jamais atteints, l’Etat islamique menace de nouveaux attentats, le président russe Vladimir Poutine avance ses pions, les bains de sang continuent en Syrie et au Yémen, et Guantanamo n’a pas fermé ses portes. Evidemment, tout n’est pas la faute d’Obama. Mais de la part d’un candidat ayant tout misé sur la promesse de changement, il était légitime d’en attendre plus. Et c’est sur ces ruines que Donald Trump a construit sa fortune politique.
Hypothétiquement, si ces élections avaient eu lieu en 2008 ou en 2012, Hillary Clinton aurait gagné. Mais 2016 est une nouvelle ère. Celle de toutes les surprises. Celle du Brexit, qui a privé les démocraties occidentales de l’illusion confortable qu’une société éduquée et politiquement mature ne pourrait jamais faire quelque chose de si « irrationnel ». Pourtant elle l’a fait. Et semble prête à le refaire encore. L’Europe, et la France en tête, n’ont qu’à bien se tenir.
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