Sur la route de Mossoul

La bataille pour libérer la ville irakienne des mains de l’Etat islamique est déterminante pour l’issue du conflit

Sur la route de Mossoul (photo credit: SETH J. FRANTZMAN)
Sur la route de Mossoul
(photo credit: SETH J. FRANTZMAN)
Bartella, Irak. Entendre des bombes exploser à côté de soi et des tirs d’artillerie en continu est une sensation à la fois terrifiante et incroyable. On se sent soudainement tout petit face à la puissance dévastatrice des guerres modernes. Je viens d’en faire l’expérience en Irak. La ligne de front où je me suis rendu, à proximité des villages de Nawaran et Bashiqa, a essuyé les raids de la coalition. Des tirs destinés à soutenir l’offensive des Peshmergas kurdes visant à libérer les villages de la plaine de Ninive : première étape pour la reprise de Mossoul des mains de Daesh. Les combattants de l’organisation terroriste ont fait preuve de résistance. Les forces américaines, principalement des commandos, ont également mené de nombreuses opérations le long d’une ligne de front de 100 kilomètres, aux côtés d’un ensemble hétéroclite composé de soldats irakiens et de miliciens kurdes.
Le secrétaire américain à la Défense, Ash Carter, était en Irak aux premiers jours des opérations pour motiver les troupes et s’assurer du bon déroulement de l’intervention. Lors de notre rencontre, le colonel John Dorrian, porte-parole de la coalition, m’a longuement parlé du prochain objectif de l’armée irakienne : libérer Mossoul, la dernière grande ville du pays encore aux mains de l’Etat islamique. Et de prédire des combats de plus en plus durs pour y parvenir.
Un bon début
L’offensive pour reprendre Mossoul a commencé le 17 octobre. Les premiers jours ont été marqués par une rapide progression de la coalition face à des combattants islamistes qui n’ont montré qu’une faible résistance. Les villages sont ainsi tombés les uns après les autres le long de la ligne de front dans les régions de Khazir et Gwer, au sud et à l’ouest de Mossoul, permettant de libérer des centaines de kilomètres carrés de territoire. Cependant, l’ennemi a commencé à se ressaisir et à comprendre la stratégie de l’armée irakienne : face à la résistance des djihadistes à Bakhdida et Bashiqa, deux villages que les Irakiens et les Kurdes voulaient absolument reprendre, les Américains et leurs alliés occidentaux ont donc été contraints d’intensifier leurs frappes aériennes. Le porte-parole de la coalition affirme que 1 500 bombes ont été larguées en six jours de raids, du 17 au 22 octobre. « Nous avons détruit plus de 100 positions ennemies, 22 engins explosifs improvisés, 14 tunnels et 52 pièces d’artillerie. Cela en plus de ce que les Irakiens ont pu détruire au sol », détaille le colonel américain.
En dépit de cela, certains des combattants kurdes qui espéraient la prise de Bashiqa pour le week-end se sont plaints du manque de soutien de la coalition sur le front, alors qu’ils étaient la cible de nombreux tirs de mortiers et de snipers isolés. Ce à quoi John Dorrian répond que malgré une très bonne coordination des troupes au sol et des forces aériennes, les hommes présents sur le terrain sont désormais confrontés à la limite de ce que peut apporter le soutien de l’aviation. « Nous comprenons leur état d’esprit. Les Peshmergas et les forces irakiennes sont nos alliés. Ils luttent pour leur vie et leur liberté contre un ennemi vicieux et déterminé. Mais toutes les demandes de soutien aérien ne peuvent malheureusement pas aboutir », regrette le porte-parole. « Nous effectuons actuellement le plus grand nombre de frappes aériennes depuis le début de l’offensive internationale contre Daesh en Irak. Les raids sont passés de 13 par semaine à plus de 66 car nous savons parfaitement ce qui est en jeu. Daesh est non seulement l’ennemi des Kurdes et des Irakiens, mais aussi celui du monde entier. »
Nouvelle approche pour la coalition
Jusqu’ici, l’armée américaine a surtout fait parler sa supériorité aérienne avec des bombardements qui ne visaient que des zones peu peuplées. Mais la bataille pour Mossoul qui se déroule actuellement a lieu principalement dans sa banlieue ouest, qui affiche une forte densité de population. La coalition a donc dû changer sa manière d’assister les troupes au sol. Les Américains continuent de fournit un support logistique et de transmettre des renseignements tout en prodiguant conseils et assistance sur le terrain afin de soutenir l’offensive. Cependant, les frappes aériennes se sont raréfiées pour éviter de trop nombreuses pertes civiles. L’entraînement des combattants alliés, Kurdes comme Irakiens, va également se poursuivre ainsi que leur équipement en armement et véhicules dernier cri.
Cet investissement américain se matérialise notamment au sein de l’unité de contre-terrorisme irakienne, appelée également la division Golden, dont les hommes ont mené les interventions dans les anciens villages chrétiens de Bartella et de Bakhdida qui ont permis leur libération. Les Américains sont particulièrement fiers de ces résultats, à écouter les éloges du représentant de la coalition à leur propos. « La division Golden est notre atout principal pour libérer l’Irak de l’Etat islamique. Ses membres sont parmi les meilleurs combattants d’infanterie au monde. Nous avons passé beaucoup de temps à les former. »
La coalition sait que la bataille de Mossoul sera longue et appelle à la patience. Sur le terrain, Daesh essaie de faire diversion. Les combattants du califat autoproclamé ont attaqué Kirkouk, faisant des dizaines de morts, loin derrière la ligne de front. Ils ont également mis le feu à une usine de produits chimiques au nord de Qayarrah, contraignant les avions de la coalition stationnés dans la base aérienne voisine à rester au sol en raison de l’énorme quantité de fumée dégagée. « La bataille de Mossoul sera rude », conclut le colonel Dorrian, qui sait toutefois que le jeu en vaut la chandelle : une fois Mossoul libérée, la capacité de l’Etat islamique à fédérer autour de lui en Irak sera détruite. 
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